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moyens et exceptions qu'elles avaient fait valoir en première instance. Les enquêtes, qui avaient séduit le premier juge, furent différemment appréciées en cause d'appel, où Démasure obtint la réformation du jugement par l'arrêt dont la teneur suit :

<< Attendu que, la seconde partie de l'article 1326 du Code-Napoléon étant une exception à la règle établie par la première partie de cet article, il ne peut étre entendu d'autres personnes que de celles qui y sont mentionnées, et qu'ainsi il ne suffit pas pour être dans le cas de cette exception que l'acte dont oa demande la nullité ait été souscrit par une personne de la campagne, si elle n'est pas de la classe des individus spécifiés en ces articles.

« Attendu que l'intimé n'a point établi que l'appelant aurait été cultivateur à l'époque du 16 fructidor an 13 (septembre 1805), puisqu'il est constant au procès que l'appelant qui à cette époque était incarcéré avait dès longtemps auparavant affermé les terres qu'il avait héritées de son père, et que les actes produits par l'intimé, pour établir cette qualité de cultivateur dans le chef de l'appelant, sont postérieurs en date à ladite promesse; que d'ailleurs l'un des deux n'est pas de son fait, et que la qua lité de cultivateur énoncée dans l'autre peut également s'entendre de son père comme de lui-même :

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Qu'il résulte de ce qui précède que l'intimé ne peut invoquer l'acte susdit du 16 fructidor an 13 comme le fondement de sa demande en paiement de la somme de 2358 francs, qu'il réclame comme lui étant due pour déboursés, honoraires et vacations.

«Par ces motifs,

or.

« La cour met l'appellation et ce dont appel au néant; émendant, et sans avoir égard à la reconnaissance susdite du 16 fructidor an 13, qui est dé. clarée comme non-avenue, avant faire droit, donne à l'intimé de produire l'état des déboursés, vacations et honoraires qui font l'objet de ladite reconnaissance, pour icelui communiqué à l'appelant; et d'après les observations que ce dernier pourra y faire, être statué sur le tout, ce qu'au cas appartiendra, dépens réservés. »

Du 28 février 1810. Troisième chambre.

MM. Mailly et Beyens.

Interrogatoire sur faits et articles.
Pertinence. Transaction.

Le jugement, qui, aux termes de l'article 325 du code de procédure civile, ordonne l'interrogatoire sur requéte contenant les faits, fait-il obstacle à ce que la partie s'oppose à l'interrogatoire, sur le fondement que les faits ne sont pas pertinens?

L'article 2044 du Code - Napoléon, portant que la transaction doit être rédigée par écrit, rejète t-il la preuve de l'aveu de la partie ?

En d'autres termes, est-il permis de faire interroger sur faits et articles, afin d'acquérir la preuve d'une transaction intervenue entre les parties ?

Les plus légers incidens amènent quelquefois les

questions les plus difficiles et les plus importantes.

C'est ce qui s'est vérifié dans la présente cause. Procès existait entre Constance Quertemont et Ciplet.

La première se prétendait propriétaire de meubles et marchandises que Ciplet avait fait saisir comme appartenant au père de Constance Quertemont.

Il n'avait pas été parlé de transaction devant le premier juge, du moins les pièces du procès ne montrent aucune trace de cette allégation.

Ciplet obtint gain de cause.

Constance Quertemont interjète appel; elle présente à la cour requête contenant les faits, sur les quels elle entend faire interroger le sieur Ciplet.

Ces faits en petit nombre, et clairement articulés, tendent à obtenir l'aveu d'un arrangement fait entre les parties et de l'exécution que cet arrangement aurait déjà reçu par la remise d'un effet entre les mains de Ciplet.

La cour, statuant sur la requête, ordonne, par arrêt rendu à l'audience, l'interrogatoire sur les faits articulés dans cette requête, et nomme commissaire à fin d'y procéder.

Au jour fixé par le commissaire, le sieur Ciplet se présente non pour répondre, mais pour soutenir que les faits ne sont pas pertinens.

Constance Quertemont prétend que, par son ar. rêt, la cour a reconnu que les faits étaient perti

nens;

nens; qu'il y a chose jugée; que Deciplet est tenu de répondre, sinon que les faits seront tenus pour avoués.

Sur cet incident, le commissaire renvoie les parties à l'audience, par procès-verbal du 29 novembre 1810. Deux questions se présentent.

La cour, en ordonnant l'interrogatoire sur les faits articulés dans la requête, a-t-elle décidé que ces faits étaient pertinens au point que l'opposition de Deciplet ne fût plus recevable?

Les faits cotés dans la requête sont-ils pertinens si l'opposition est admissible?

Cette dernière question n'a aucun intérêt par ellemême; la solution dépend de la nature des faits et de la prudence du juge qui les apprécie en les rapprochant de l'objet de la contestation: mais comme il ne suffit pas qu'ils concernent la matière dout il s'agit, qu'il faut aussi qu'ils soient concluans, il y avait lieu à examiner si, dans l'espèce, l'article 2044 du Code - Napoléon pouvait permettre la voie de l'interrogatoire pour établir une transaction; car, si cet article s'y oppose, les faits pourraient bien être pertinens, sans que la preuve soit admissible, et alors l'interrogatoire deviendrait une opération inutile.

Deciplet, pour écarter l'exception de chose jugée, invoquait l'article 79 du décret impérial du 16 février 1807, concernant le tarif des fraix judiciaires. Voici le contenu de cet article :

Requête pour avoir permission de faire interroger sur faits et articles.

Tame 1, No. 3.

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Cette requête ne sera point signifiée ni la partie appelée avant le jugement qui admettra ou rejetera la demande à fin de faire interroger: elle ne sera notifiée qu'avec le jugement et l'ordonnance du juge commis pour faire subir l'interrogatoire.

Cet article, dit Deciplet, fixe le sens de l'article 325 du code de procédure civile.

Dès que la partie ne doit pas être entendue avant le jugement, c'est à son égard un jugement sur re quête, et à l'exécution duquel elle a le droit de s'opposer, si les faits ne sont ni pertinens ni relevaus; car elle n'a que cette voie pour les discuter, et il est contre tout principe d'opposer la chose jugée à celui qui n'a été ni entendu ni mis en état d'étre entendu.

Aussi Pigeau, dans son commentaire sur le code de procédure, dit-il que la partie est recevable à former opposition pour faire déclarer que les faits sont impertinens, et Rodier l'avait dit auparavant, dans ses questions sur l'ordonnance de 1667, dont le titre, concernant l'interrogatoire sur faits et articles pertinens, se trouve, à quelque légère nuance près, refondu dans le code de procédure.

Par arrêt (*) du 23 février 1809, rendu entre Herbinaux et Vincart, la cour, troisième chambre, a décidé aussi que le jugement qui ordonne l'interrogatoire n'exclut pas la faculté de combattre la pertinence des faits. Dans l'espèce de cet arrêt, Vincart s'opposait à ce que la cour admit la demande par le motif que les faits n'étaient pas pertinens.

(*) Rapporté dans le troisième volume de l'an 1809, page 34.

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