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Un mariage sur feuille volante n'est pas un titre avoué par les législateurs, et ne saurait être opposé à des tiers, pas plus dans la Belgique qu'en France.

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Les dispositions du concile de Trente, qui avaient prescrit (sess. 24, cap. 1, de reform.) l'obligation d'inscrire les mariages dans des registres, n'ont paru suffisantes aux législateurs de la Belgique ; les princes qui la gouvernaient ont emprunté, sur l'état civil, l'esprit et le langage des lois françaises.

et

Ils y ont organisé la tenue des registres auxquels ils ont voulu que foi plénière fût ajoutée, en déclarant que c'était pour éviter d'autres preuves et que la preuve par témoins ne serait reçue qu'en cas de perte des registres ils ont décrété que l'état civil des personnes reposait uniquement dans les registres publics, et ont formellement exclu toute autre preuve, si ce n'est dans l'exception prévue.

Si cette proposition n'est pas vraie, on n'aperçoit plus l'utilité des registres, et il faudra dire qu'en 1793, comme aujourd'hui sous le Code - Napoléon, un acte de mariage sur feuille volante forme le titre d'époux, pourvu qu'il soit annexé aux registres.

Je réclame, répondait la demoiselle Eeckelaert, le titre d'épouse et de veuve du sieur de Rohaert, et l'on m'oppose l'article 194 du Code-Napoléon; mais je me présente la preuve à la main, l'acte de célébration de notre mariage, et son inscription existe dans les registres de la paroisse de St.- Michel, sous laquelle nous avions notre domicile.

Par-tout

Par-tout où il existait un mariage célébré suivant: les formes canoniques, on y reconnaissait en Belgi.. que les effets civils.

L'inscription dans les registres était destinée à recueillir la preuve de la célébration, mais était étrangère à la substance et à la validité du contrat.

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On ne reproche aucun vice de forme à l'acte de mariage du 3 juillet 1793 il a été célébré à Stékéné, mais avec l'autorisation du propre curé des contractans. L'acte en est représenté; il n'est pas árgué de faux, et les signatures ne sont pas mécon nues. Le mariage est donc prouvé les registres n'étant pas un moyen exclusif de preuve), et je pourrais m'arrêter là, en me renfermant dans les lois et usages, sous l'empire desquels le contrat a été formé, car le Code Napoléon ne peut exiger que je me sois conformé d'avance à ses dispositions.

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Je dis que le mariage est constaté, et même authentiquement.

L'acte est annexé aux registres de la paroisse de St.-Michel, de Gand. Il y est transcrit nécessai.. rement avant le 4 d'août 1793, et ces deux pièces y sont attestées par le curé qui remplissait les fonc tions de l'état civil elles y reposent donc sous le sceau d'une vérité légale jusqu'à inscription de faux.

Que le curé de Stékéné ait cru que n'étant ni le pasteur des contractans, ni le ministre du mariage, il n'était pas tenu d'en dresser l'acte dans ses registres; qu'il ait chargé l'archidiacre Wapenaert, qui lui inspirait toute confiance, d'en remettre l'origi

Tome 1, N.° 1.

nal au curé de St. Michel; qu'il se soit même rendu coupable de négligence dans les devoirs que lui prescrivait l'édit de 1778, suit-il de l'absence de cette preuve que l'autre soit nulle?

Les registres de St. Michel parlent, ceux de Stékéné sont muets: le silence ne contredit pas.

A la vérité, les deux curés eussent mieux fait d'observer rigoureusement l'article 12 de l'édit de 1778; ils eussent mieux fait, en ce qu'ils auraient ôté le prétexte dont on s'empare pour contester l'état de la veuve de Rohaert mais leur ignorance ou plutôt leur opinion, en procédant d'une autre manière, n'altère pas la vérité. Jamais la loi n'a entendu que, pour régulariser et faciliter la preuve de l'état des personnes, elle en priverait celles qui produiraient une preuve non moins recevable quoiqu'acquise dans d'autres formes.

Les appelans osent néanmoins attaquer ce mariage; ils osent plus, ils révoquent en doute la possession d'état de la veuve de Rohaert elle leur sait gré de ce doute audacieux; ils lui fournissent une nouvelle occasion de les confondre et un nouveau sujet de triompher par la vérité.

L'intimée produit en effet non- seulement un contrat de mariage, reçu de deux notaires le 3 juin 1793, plusieurs actes, tant publics que privés, où, depuis l'époque du 3 juillet de la même année jusqu'au décès du sieur de Rohaert, les conjoints ont pris le titre d'époux, mais une correspondance dans laquelle un des appelans écrit à l'intimée et la qualifie de tante.

Leur doute n'est donc qu'une injure faite à la mémoire de leur auteur et à sa veuve. Leur état conforme au titre a été constamment et publiquement professé.

Catherine Eeckelaert offre donc à la justice un corps de preuves si complet que l'hésitation des tribunaux sur son état serait un sujet d'alarmes dans la plupart des familles, et déjà la témérité de ses adversaires a produit cet effet dans l'opinion justement indignée de leurs perfides efforts.

Cependant le premier juge n'a pas été frappé de l'évidence de la preuve, il a ordonné une preuve supplémentaire tant par titres que par témoins.

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Par titres Catherine Eeckelaert en fournit d'irrécusables, non seulement par les extraits, mais par les originaux des deux registres de la paroisse de S. Michel, desquels l'apport a été ordonné par la cour.

Aucune inscription de faux, aucune dénégation d'actes; une harmonie complète entre les pièces et la possession d'état, telle qu'il n'est pas permis à un homme raisonnable de concevoir le moindre soupçon sur la date et l'insertion de l'acte de mariage.

Toute autre preuve devenait donc inutile; mais si la veuve du sieur de Rohaert était réduite à la né cessité de la faire, elle n'aurait aucune inquiétude sur le résultat, et, à cet égard, il ne serait pas encore difficile de justifier la disposition du jugement. qui admet la preuve par témoins, concurremment avec la preuve littérale.

Il n'est pas ici question d'un mariage qui ne se trouve dans aucun registre public; celui dont l'intimée réclame l'effet est consigné dans les registres de la paroisse de S. Michel, non contredits par le silence de ceux de Stékéné.

L'article 20 de l'édit perpétuel veut que foi soit ajoutée aux registres, sans que besoin sera de faire autre preuve.

C'est évidemment en faveur de la personne qui trouve son état établi dans les registres que la loi la dispense d'autre preuve ; il y a loin de là à l'exclusion de la preuve, par laquelle elle offrirait de suppléer à l'insuffisance des registres.

L'oubli ou l'omission du curé de Stékéné placerait les époux dans une condition pire que s'il s'était rendu coupable de prévarication, en supprimant l'acte de mariage de ses registres; car alors la voie de la procédure criminelle leur ouvrirait le moyen de se faire restituer dans l'état qui leur aurait eté enlevé par un délit, et l'on voudrait que, dans le cas où les registres, qui doivent correspondre à ceux de Stékéné, contiennent, si l'on veut d'une manière irrégulière, la preuve littérale du fait, il ne fut pas permis de la fortifier, en matière civile, par d'autres moyens! Cette objection est prise hors du vœu et de l'esprit de l'édit perpétuel.

M. Mercx, S. P. G., a reconnu que les registres de la paroisse de S. Michel étaient suffisans par eux. mêmes pour établir la preuve du mariage, et que cette preuve soutenue par une possession d'état, con. stante et publique, ne laissait aux héritiers collatéraux que le sentiment du repentir d'avoir contesté l'état de la veuve de leur oncle.

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