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DÉCISIONS NOTABLES

DE

LA COUR D'APPEL

DE BRUXELLES,

AVEC LES ARRÊTS LES PLUS REMARQUABLES DES COURS DE LIÉGE ET DE TRÈVES.

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UN père, tuteur de ses enfans donataires, peut-il en cette qualité accepter la donation qui leur est faite sans y être autorisé par un conseil de famille ?

Celui qui travaille dans l'étude d'un notaire com-. me aspirant au notariat est-il réputé clerc et incapable d'étre témoin, quoiqu'il ne soit pas salarié ?

En d'autres termes ,

Ne doit-on considérer comme clerc d'un notaire que celui qui en reçoit des gages?

LE 18 messidor án 12, le sieur Dethuin, notaire

à Mons, rédige un acte suivant lequel M. le Bouchel donne entre vifs et irrévocablement tous ses Tome I, N.o 6.

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immeubles et ses rentes à ses deux petites - nièces Eugénie et Antoinette de Stockem; il s'en réserve l'usufruit.

Le sieur de Stockem accepte la donation comme père et tuteur des donataires, sans être autorisé à cet effet par un conseil de famille.

Soit que le donateur ait eu sujet de se répentir de cette libéralité, soit qu'il n'ait pas compris la nature et l'étendue des sacrifices qu'il avait faits, soit que des raisons de famille l'aient déterminé à changer de résolution, le sieur le Bouchel fit depuis la donation des actes de propriété comme s'il fut resté maître de ses biens.

En effet, il fit vendre publiquement, en 1806, une maison de campagne comprise dans la donation.

Ce fut cette vente dont se plaignit le sieur de Stockem, qui, selon le sieur le Bouchel, lui fournit l'occasion d'examiner ce que contenait l'acte du 18 messidor an 12,

Il se plaignit à son tour de ce que l'on avait abusé de son grand-âge et de sa surdité pour lui surprendre une donation aussi étendue et le dépouiller irrévocablement du droit de propriété.

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Il se souvenait, disait il, qu'il avait passé un acte de témoignage d'affection pour ses petites - nièces de Stockem; mais il n'avait jamais eu l'intention et la volonté de se lier irrévocablement et de s'in terdire la libre disposition de ses biens jusqu'à sa

mort.

Le sieur le Bouchel était alors parvenu à l'àge de 85 ans, et, selon le rapport des médecins, il avait l'ouïe très dure.

.

Si l'on interroge les événemens postérieurs à l'acte du 18 messidor an 12, on sera plus tenté de croire que le délabrement de la fortune du sieur de Labarre-d'Erquelines, son neveu, a porté le sieur le Bouchel à revenir contre une disposition inique, en ce que les petites-nièces, filles du sieur de Labarre riches en espérance, en l'an 12, se sont trouvées peu après saus ressource et sans autre espoir que celui de la succession de leur grand-oncle.

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Elles comptaient la partager avec leurs cousines de Stockem, qui sont d'ailleurs assez fortunées, et la loi leur présentait cette expectative.

Ces considérations faisaient l'éloge des regrets de M. le Bouchel, et si l'esprit d'intérêt n'étouffait pas les sentimens du cœur, l'anéantissement de la donation du 18 messidor an 12 se fût opéré par une renonciation que l'équité et la nature semblaient commander aux donataires : cet acte de générosité n'était cependant pas au pouvoir des demoiselles de Stockem; elles sont mineures.

Résolu d'effacer son injustice, M. le Bouchel poursuit la nullité, et, en tant que de besoin, la rescision de l'acte du 18 messidor an 12.

Sa demande est portée au tribunal de Bruxelles, par exploit du 7 avril 1808.

On a vu sur quoi elle était motivée en fait; il la fondait en droit

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1.0 Sur ce que l'acceptation ayant été faite par le sieur de Stockem, en qualité de père et tuteur, sans autorisation d'un conseil de famille, elle était nulle, d'après l'article 463 du Code Napoléon;

2.0 Et principalement sur ce que l'un des témoins instrumentaires qui s'était donné la qualité de praticien était clerc du notaire Dethuin; et qu'aux termes des articles 10 et 68 de la loi du 25 ventòse an 11, l'acte ne pouvant être envisagé que comme acte sous seing privé, il était nul comme donation, selon l'article 931 du code civil, qui veut que toute donation soit rédigée authentiquement, à peine de nullité.

L'objection était sérieuse, mais le fait avait besoin d'etre justifié; et s'il existait, c'était de la part du notaire Dethuin une faute qui pouvait le rendre passible de dommages intérêts. Le sieur de Stockem demanda de l'appeler en cause pour faire cesser ce moyen ou l'indemniser, néanmoins sous la réserve de tous ses droits et sans que la demande en garantie pût lui être imputée comme un aveu du fait et des conséquences que l'on en déduisait.

21 Juin 1808, jugement par lequel le tribunal de Bruxellés refuse la mise en cause du notaire, vu que la demande en avait été tardivement faite; et avant faire droit au principal, accorde au sieur le Bouchel compulsoire sur le secrétaire de la chambre de discipline des notaires de Mons, et ladmet en même temps à prouver que Constant Loyseau était clerc du notaire Dethuin à l'époque de l'acte du 18 messidor an 12.

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Ce jugement fut reformé par arrêt du 31 mars 1809, en ce qu'il n'avait pas accueilli la demande de mise en cause; il fut permis au sieur de Stockem d'y appeler le notaire : la cause demeura évoquée.

Pour l'intelligence de ce point essentiel du litige, il est nécessaire de le faire précéder des faits relatifs à la qualité du témoin dont l'idonéité était contestée.

I

Le 1 mai 1807, la chambre des notaires de Mons prit la résolution d'ouvrir des registres dans lesquels les noms, prénoms des clercs de notaires seraient inscrits, et où serait constaté leur temps d'étude et de stage.

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Les notaires furent avertis de se conformer à cette résolution.

L'extrait de ces registres, délivré par le secrétaire de la chambre, porte, folio 19,

Tableau des clercs travaillant dans l'étude de maitre Dethuin, notaire à Mons.

Constant Loyseau, né à Mons le 6 juillet 1781,

entré en l'étude le 1 vendémiaire an 12.

Cette inscription s'était faite sur la déclaration du notaire Dethuin, qui avait, en même temps. indiqué ses autres clercs, le temps de leurs études et de leur cléricature.

Cette preuve semblait suffire à l'égard du notaire; mais pour l'opposer plus efficacement aux donataires, le sieur le Bouchel voulut encore l'établir par

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