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des gendres et belles filles, il dit (article 207) que les obligations sont réciproques.

La mesure de ces devoirs réciproques est, selon l'article 208, dans la proposition du besoin de celui qui réclame des alimens et de la fortune de celui qui les doit.

Suffit-il qu'un enfant marié, et sur - tout marié contre le gré de ses parens, se trouve sans fortune et avec peu de moyens d'existence pour qu'il soit fondé à réclamer des alimens, et pour les prétendre dans la proportion des revenus de ses père et mère?

Si cette proposition était susceptible d'une réponse affirmative, l'article 204 du Code-Napoléon serait indirectement violé.

Que porte cet article ?

« L'enfant n'a pas d'action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement »>.

Mais cette dot pour laquelle la loi refuse une action s'obtiendrait sous le titre d'alimens dès qu'ils seraient dus à l'enfant marié, dans la proportion de la fortune de ses parens.

Il leur dirait: je n'ai rien, vous êtes riches; faites-moi exister d'une manière qui réponde à votre fortune et à mon éducation.

C'est alors que l'on verrait se multiplier les actes respectueux et le mépris de l'autorité paternelle.

Ce n'est donc pas dans un sens aussi étendu l'obligation du père peut être expliquée.

que

Le père doit des alimens à son fils marié quand l'état de la santé de ce fils le rend incapable de travail; quand il est dans le besoin, et qu'il ne mé-rite aucune reproche sur l'emploi de son temps et de ses facultés; en un mot, quand les moyens d'exister lui manquent et que ce n'est pas par sa faute.

Ne serait-il pas en effet d'une injustice révoltante de réduire un père à la nécessité d'alimenter le désœuvrement de son fils, de l'entretenir dans l'aisance lui et sa famille principalement, s'il s'est marié contre la volonté du père ? car, en s'écartant des conseils paternels, il a pris la résolution de se passer des secours de ses parens, puisque le temps où il aurait pu les contraindre à le doter est déjà loin

de nous.

Il parait résulter de ces observations que l'obligation d'alimenter un fils marié, notamment contre le gré du père, est resserrée dans les limites de l'absolu nécessaire; que les cas où les alimens sont dus dérivent des circonstances et appartiennent à l'arbi trage du juge mais qu'il faut consulter l'esprit du Code - Napoléon, qui refuse toute action pour dot, et ne pas établir arithmétiquement les proportions de la fortune et du besoin, comme on l'eût fait pour fixer une dot ou un droit de légitime; mais que les bases sont d'une part le besoin, de l'autre l'obligation d'y subvenir en fournissant le nécessaire.

Il y a toujours une proportion.

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Par exemple, qu'on estime les besoins du fils à 600 francs et la fortune des parens à un revenu de 1000 francs, il faudra bien que le fils se contente

d'un

d'un secours inférieur à son nécessaire ; mais supposons que le père jouisse d'un revenu de dix mille francs, sera-t-il tenu d'en donner plus de six cents?

Les cas peuvent varier à l'infini, mais toujours paraît it certain que la première base est celle du nécessaire; et que tout autre calcul rendrait illusoire l'article 204 du Code - Napoléon.

Dans le fait qui a donné lieu à l'examen de la question, le sieur R. fils s'était marié contre le gré de son père, après l'observation des formes requises pour les fils de famille, âgés de vingt-cinq ans.

Quelques mois après son mariage, il demande ju. diciairement à son père une pension annuelle et alimentaire de quatre mille francs.

A

Il attribuait à ses parens qui ont deux autres fils un revenu de vingt-cinq mille francs.

C'était à peu près le sixième qu'il leur demandait.

Le père soutenait qu'il n'était pas obligé à faire une pension alimentaire à un fils qui avait contracté mariage sans son consentement et au mépris de ses conseils.

Il lui observait qu'étant secrétaire de la mairie de Bossut il avait un état qui lui fournissait déjà une partie de sa subsistance; que, quoiqu'il se crût dispeusé en droit de lui fournir des alimens, néanmoins il voulait bien faire un sacrifice, de six cents francs par année, pour lui procurer les moyens d'apprendre l'état soit d'avoué, soit de notaire, et même d'y ajouter deux cents francs pour la première année.

Tome 1, No. 6.

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Le sieur R. père réduisait à moins de moitié la fortune que lui supposait son fils, et on est tenté de croire qu'il y avait de l'exagération de part et d'autre.

Le fils fondait son action sur ce que le père avait négligé son éducation, sur ce qu'il l'avait élevé comme fils d'un rentier et dans la vue d'en faire un rentier; que par-là il s'était mis dans la nécessité de lui don. ner des alimens proportionnés à sa fortune et à l'existence que son fils devait avoir dans la société, d'après son éducation, et le genre de vie qu'il avait contracté dans sa famille.

Le mariage contracté sans le consentement du père, disait il, ne le délivre pas de l'obligation de fournir des alimens; il citait un arrêt de la cour de cassation, en date du 7 décembre 1808, qui l'avait ainsi décidé.

I augmentait la somme de ses besoins de la circonstance que son épouse serait bientôt mère.

C'est au juge, continuait il, à remplir un office d'équité; la somme que je demande n'est pas exces sive, eu égard aux facultés de mes parens et à ma position.

Les fonctions de secrétaire de la mairie de Bossut ne rapportent pas au delà de deux cents francs; c'est une place précaire et sans consistance.

༔ ་

Les offres qu'on me fait sont illusoires.

Avant que j'aie rempli le stage nécessaire pour être capable d'obtenir et d'exercer le ministère du nota.

riat ou d'avoué, j'aurai acquis trente et un ans; y aura til alors des places à ma disposition?

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En attendant, ne faut il pas vivre ? et comment irai-je suivre l'étude d'un notaire ou d'un avoué avec six cents francs pour moi et ma famille ?

On remarque que le fils saisissait adroitement la circonstance que ses parens ne lui avaient pas donné une éducation propre à le conduire à un état lucratif, et c'est une des nuances qui peuvent influer sur le sort des demandes en alimens, dans l'espèce de celle qui est présentée.

Cette observation a quelque rapport avec la seconde question proposée, et nous y ramène directement.

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Le beau père de R. fils avait demeuré, pendant quelque temps, à Louvain; c'était là que s'étaient formées les liaisons qui ont ensuite déterminé le mariage. Ce beau-père ayant rétabli son domicile dans la commune qu'il habitait avant de venir à Louvain, R. fils abandonna pour ainsi dire la maison paternelle et vécut presque toujours chez son futur beau père, jusqu'à l'époque où il eut atteint la majorité de vingt cinq ans.

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I demandait donc une somme de six mille livres pour indemnité de sa nourriture et de son entretien pendant tout le temps qu'il avait vécu hors de la maison de ses parens.

Il comprenait, dans cette somme, les fraix extraordinaires des procès, dans lesquels il avait été entraîné par la résistance de son père à sou mariage,

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