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Le même principe est consacré dans les articles 843 et 919 du Code - Napoléon, qui prescrivent la déclaration formelle du disposant.

Il serait difficile de concevoir que la loi du 4 germinal an 8, modificative de celle du 17 nivôse, quant aux libéralités seulement, ait entendu dispenser du rapport sans aucune expression du donateur, puisque la législation de l'an 2 voulait une égalité parfaite; c'est donc beaucoup que la loi de l'an 8 ait permis de stipuler la dispense du rapport, et c'est tout ce qui résulte de l'article 5.

Cependant si la libéralité est contenue dans un testament, et que le legs soit fait à titre de récompense de services, pour être acquitté sur les deniers les plus clairs de la succession, ne présente-t-elle pas le caractère d'une donation qui doit avoir lieu avant partage; car, à l'entendre autrement, le légataire n'aurait rien.

Il ne serait pas récompensé de ses services, s'il en a réellement rendus.

Inutilement aurait-il le droit d'être payé sur les deniers les plus clairs de la succession, s'il était tenu de les rapporter, ou moins prendre.

Telle disposition serait illusoire, et comme dans l'intention du testateur elle doit avoir un effet, ne peut-on pas alors dire que, par sa nature, le legs est explicitement déclaré affranchi du rapport?

Cependant quoiqu'une disposition faite par acte à cause de mort paraisse n'être qu'une chimère lorsqu'elle est soumise au rapport, nous voyons néan

moins, par les articles 843 et 919 du code civil, qu'elle y est assujétie, si le testateur n'a pas expressément déclaré qu'elle en serait exempte.

Le code exige donc une déclaration expresse, et le code est beaucoup moins restrictif que la loi du 4 germinal an 8, sur la faculté de donner, loi qui laissait encore à celle du 17 nivôse sa forme et son esprit dans toutes les dispositions non - modifiées en l'an 8.

Toutes ces observations présentées dans la cause dont il s'agit ici n'ont pas empêché le légataire d'obtenir la délivrance de son legs par préciput; mais il faut voir l'espèce dans laquelle la question a été jugée.

Le 3 frimaire an 9, le curé de la commune de Massemmont fit à Amougies, où il s'était momentanément retiré, un testament par lequel il lègue à Jean Baptiste Herman une somme de 4535 fr. 13 centimes.

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Voici la disposition littéralement extraite du tes

tament :

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« Le comparant mu par les sentimens d'affection « dont il est pénétré envers Jean Baptiste Herman « fils d'Emmanuel, domicilié à ladite commune d'Amougies, voulant reconnaître en quelque sorte les « bons soins et services que lui comparant en a reçus <«<et autres motifs à ce mouvans, déclare par cette « de donner ou léguer par donation à cause de mort « au prénommé Jean Baptiste Herman ou à ses «hoirs, une somme de deux mille cinq cents florins,

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« argent

■ argent courant de Brabant (4535 francs 13 cent.), a à prendre sur les deniers les plus clairs de la suc

<< cession. >>

Le testateur décéda le 15 du même mois de frimaire.

Du nombre de ses héritiers ab-intestat était Scho-. lastique Verstraeten, épouse de Jean-Baptiste Herman, pour un seizième.

Herman forma demande en délivrance de son legs sur lequel il imputait le seizième, à raison duquel sa femme devait y contribuer comme héritière,

Les co successibles offrirent la délivrance de la moitié du legs; ils refusèrent le paiement de l'autre

moitié.

Ils convenaient donc que le legs fait au mari d'une femme successible devait être considéré comme fait à un étranger pour la part qu'il pouvait en recueillir personnellement; mais la donation étant d'une somme d'argent qui tombait en communauté, ils soutenaient que la moitié dont l'épouse du légataire profitait à titre de communauté était sujette à rapport, puisqu'elle se trouvait héritière.

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Inutile d'examiner si dans ce cas le legs fait alors au mari n'était pas intégralement sujet au rapport, parce qu'on présume que la femme est l'objet principal de la libéralité, et d'entrer dans la distinction que l'on pouvait faire entre les legs faits en ligne collatérale et ceux qui auraient lieu en ligne directe descendante; les héritiers avaient réduit l'état Tome 1, N.° 1.

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de la contestation à la question de savoir si la moitié du legs était soumise au rapport.

Aujourd'hui il n'y a plus de difficulté sur tous ces points, d'aprês l'article 849 du Code - Napoléon portant que les dons et legs faits au conjoint d'un époux successible sont réputés faits avec dispense de rapport.

14 Février 1810, jugement du tribunal d'Audenarde, qui repousse les prétentions des héritiers.

On a fait valoir pour les héritiers appelans les observations qui ont précédé l'exposition des faits.

Herman et son épouse mise en cause ont opposé la nature du legs; ils ont dit que c'est une donation rémunératoire ce qui exclut toute idée de rap. port et équivaut à la déclaration la plus formelle qu'elle en est dispensée.

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Ils ont ajouté que cette déclaration se trouvait encore équipollemment exprimée, par la disposition que le legs serait pris sur les deniers les plus clairs de la succession;

et

Que l'intention du testateur était manifeste, que comme il était le maître d'ordonner le legs hors part on doit tenir pour certain qu'il l'a voulu tant par les motifs de sa libéralité que par l'assignation du mode de paiement;

Qu'au surplus la libéralité étant exercée envers le mari non-successible, le testateur n'a pu concevoir aucune idée de rapport, n'ayant pas songé que la moitié du legs pourrait réfléchir sur la femme.

Les lois, répliquent les héritiers, ne distinguent pas; elles exigent la déclaration expresse de la dispense.

On sait ce que c'est que l'énonciation d'un legs pour soins ou services rendus; c'est une clause bannale, au moyen de laquelle on renverserait tous les principes en matière de rapport, s'il suffisait de qua. lifier le legs de rémunératoire : il faut la déclaration expresse de la dispense de rapporter.

« Attendu que, quel que soit le sens de la loi du 4 germinal an 8, sur le rapport des legs faits aux successibles, il existe au procès preuve suffisante que le testateur n'a point voulu ce rapport, le legs étant nominativement fait au mari de sa nièce ainsi qu'aux hoirs de ce mari, et causé pour services qu'il avait reçus de ce dernier; que d'ailleurs il avait ordonné le paiement de ces legs des deniers les plus clairs de la succession, ce qui résiste à l'idée d'un rapport,

La cour, recevant les appelans opposans à l'arrêt par défaut, en date du ... déclare les opposans non-fondés dans leur opposition, les condamne aux dépens.

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