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que de l'article 818, et telle était la jurisprudence des tribunaux français.

Cette règle ne s'observait pas dans la Belgique. Le mari prenait la qualité de mari et bail de sa femme, et exerçait, à ce titre, tous ses droits.

C'est à l'influence que conserve long-temps un ancien usage que nous devons les irrégularités qui se commettent encore dans les procédures intentées par les maris, pour des biens propres ou des immeubles de leurs femmes.

Nous en avons déjà fait l'observation, mais on ne saurait trop la répéter, car les praticiens retombent à chaque instant dans la même faute.

Que s'ensuit-il? Des frais frustratoires et la nécessité de recommencer régulièrement les poursuites, en mettant la femme en cause avec son mari

Lorsque la partie a engagé la contestation en première instance, et qu'elle a laissé rendre le jugement sans opposer le défaut de qualité suffisante dans la personne du mari, est-elle recevable à en faire l'exception en cause d'appel?

Le mari u'aurait-il pas le droit de lui répondre : vous avez contracté judiciairement avec moi, et il ne vous est pas libre de me faire une nouvelle

condition.

Imputez-vous de m'avoir accepté seul en jugement. Le procès doit être vuidé en cause d'appel entre les parties qui ont plaidé devant le premier juge.

Si ma femme venait un jour se plaindre de la décision, vous feriez alors valoir vos droits; jusqueslà le procès n'est qu'entre nous.

Ce raisonnement ne ferait sans doute pas fortune, car le défaut de qualité est une exception qui peut être objectée en tout état de cause, devant le juge supérieur comme devant le premier juge.

En effet, qu'est-ce qu'un jugement qui n'est pas obligatoire contre la partie intéressée ?

Cependant le silence de l'adversaire du mari pendant tout le cours de la première instance peut lui étre imputé à certains effets.

Il a occasionné des frais inutiles, en plaidant sans réclamation contre le mari, et il est juste qu'il les supporte en partie.

C'est ainsi que la cour d'appel l'a pensé dans la cause de Nicolas Blondeau, appelant, contre Vincent Déver, intimé.

L'arrêt, en expliquant les dispositions du code sur la nécessité du concours de la femme dans les actions qui concernent ses propres ou ses immeubles, a préjugé que l'exception pouvait se faire en cause d'appel; mais elle a compensé les dépens de première instance.

ARRÊT

« Considérant que la demande introductive d'ins tance, telle qu'elle a été formée par l'intimé, a pour objet un bien immeuble qu'il prétend appartenir,

pour un quart, à sa femme, et qu'aux termes de T'article 818, confirmé par l'article 1428 du Code Napoléon, le concours de la femme est indispensable lorsqu'il s'agit d'exercer une action réelle sur un bien qui lui est propre et qui ne tombe point en communauté; que par conséquent l'intimé n'est point qualifié à soutenir seul la procédure par lui intentée :

<< Mais attendu que l'appelant n'a opposé ce défaut de pouvoir qu'en cause d'appel, ce qui le rend passible d'une partie des dépens faits en première instance, la cour met l'appellation et ce dont appel à néant; déclare l'intimé non recevable dans ses fins et conclusions telles qu'elles ont été formées par lui seul sans le concours de sa femme, devant le premier juge, sauf à se pourvoir autrement duement; compense les dépens de première instance ceux faits en cause d'appel à charge de l'intimé ».

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Première chambre.

REQUETE Civile.-Consultation.-Avocat.

L'AVOCAT qui a plaidé dans la cause terminée par l'arrêt, contre lequel sa partie se pourvoit en requête civile, peut il étre du nombre des trois avocats qui signent la consultation exigée par l'article 495 du code de procédure civile ?

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CETTE consultation est donnée, dit cet article, par trois avocats exerçant, depuis dix ans au moins, près

d'un des tribunaux du ressort de la cour d'appel; dans lequel le jugement a été rendu.

On dit que, dans l'esprit de la loi, ces trois avocats doivent être neutres, et que celui qui a plaidé est déjà prévenu en faveur de sa cause, que son opinion ne saurait être impartiale, et que, dans la réalité, ce n'est pas une consultation de trois avocats; 'qu'il n'en faut compter que deux, sur lesquels le troisième a un ascendant dangereux par le langage de l'amour propre et de l'intérêt de sa partie, à laquelle il est pour ainsi dire identifié.

Il n'y a d'autre différence entre lui et son client que celle des moyens de persuasion, dans lesquels l'avocat est plus exercé que la partie; mais on répond que la loi n'a pas fait cette distinction, et il n'est guère possible qu'elle eût échappé au législateur, s'il avait cru devoir l'établir.

Si l'avocat plaidant a quelque prévention, le code de procédure lui donne deux contradicteurs, et c'est peut être une des raisons qui fait que le nombre est porté à trois.

D'ailleurs ne faut-il pas compter sur les lumiè res et la délicatesse de tous les consultans, et l'avocat qui a prété son ministère n'a-t-il pas lui-même des motifs de ménager sa réputation et l'intérêt de sa partie?

Quid si les trois avocats consultans avaient tous été employés dans les poursuites et la plaidoierie?

L'article 495 du code de procédure ne les exclut pas littéralement; tout ce qu'il demande, c'est qu'ils aient dix années d'exercice.

On doute néanmoins si, dans ce cas, le vœu de la loi serait bien rempli; mais comment encore rejeter la requête civile ? ne serait-ce pas créer une fin de non- recevoir ?

Dans un édit donné par Léopold, duc de Lorraine, le 20 août 1716, par lequel il substitue la voie de cassation à celle de la proposition d'erreur, on lit, article 6: « les requêtes en cassation en con« tiendront les moyens et seront signées de trois an<«ciens avocats, outre celui qui aura fait le rapport « et aura été chargé de la cause. »>

Suivant l'article 7 du réglement de 1738, sur le pourvoi en cassation pour la France, la requête devait être signée par l'avocat du demandeur, et en outre par deux anciens avocats au conseil : les dis. positions de ces deux lois n'ont pas de rapport direct à la question.

Les avocats chargés de la cause sur le pourvoi en cassation n'étaient pas ceux qui avaient occupé sur l'arrêt attaqué. La demande en cassation était proposée par un avocat au conseil comme elle l'est aujourd'hui par un avocat attaché à la cour de cassation.

Donc aucune induction à tirer pour la requête civile.

Sur cette matière, la question s'est présentée en dernier lieu à la cour impériale de Bruxelles, dans la cause d'entre Lorent, demandeur en requête civile, et Tricot, défendeur.

Ce dernier demandait le rejet de la requête civile, par le motif entr'autres que la consultation compre

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