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DECISIONS NOTABLES.

Il est à observer que, dans l'expédition délivrée aux héritiers testamentaires, on rencontre une virgule après le mot notaire, ce qui autorise davantage l'interprétation que la seconde virgule avec le point est placée abusivement et ne doit pas couper la phrase.

. Mais l'héritier du sang déniait que cette virgule fit partie de la minute: elle n'était pas dans son expédition.

Au surplus les parties étaient d'accord sur le pointvirgule.

Le sieur Sinet, qui attaquait le testament, disait que ce n'était qu'en torturant la phrase, et en blessant les règles de la grammaire, qu'on pouvait rap-` porter la présence des témoins à la lecture: en effet, supposat-on un repos après le mot notaire, il demeurait vrai qu'il y en avait un plus grand après d'iceux'; d'où résultait que le dernier membre de la phrase contenant la mention de la lecture était dépourvu de celle de la présence des témoins à cette partie essentielle de l'acte de volonté dernière.

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Isidore Servais et consorts, héritiers testamentaires, ne voyaient dans l'argument, tiré du point - virgule, qu'une chicane minutieuse, incapable de fixer les regards de la justice.

D'abord ils soutenaient que la ponctuation ne peut être prise en considération dans un testament pour l'annuller.

S'il était possible que des virgules mal placées; des virgules qui feraient rapporter à une formalité

la mention exprimée, pour une autre, influassent sur le sort d'un acte testamentaire, il n'en est pas qui ne fussent sous la main du notaire; ce minis. tre de l'acte en deviendrait l'arbitre suprême en arrangeant ses phrases de manière à ce que la ponctuation en détermine le sens, il aura toujours le pouvoir d'anéantir l'acte par un placement vicieux de points et de virgules.

La lecture du testament au testateur, en présence des témoins, a pour but de s'assurer de la fidélité de la rédaction par le contrôle. Le notaire, en lisant, parle à l'esprit et aux oreilles de ceux à qui et en présence de qui il lit; mais il ne parle pas à leurs yeux ainsi, le testateur et les témoins sont dans l'impossibilité de contrôler la pouctuation qui n'entre pas dans la lecture; elle ne peut donc jamais être employée contre le testament.

Un second motif s'oppose au systême du sieur Sinet, c'est que le notaire, dépositaire du testament, peut ponctuer après coup; il pourrait donc renver. ser les actes de volonté dernière, commettre des faux en se mettant à l'abri des peines infligées aux faussaires qui pourrait le convaincre? On éluderait ainsi le but fondamental du législateur, qui a voulu, par ses diverses précautions, forcer le notaire à lui obéir ou à commettre un faux.

Ces fonctionnaires auraient, en quelque sorte, les prérogatives des oracles anciens, aunonçant la des tinée des militaires qui les consultaient on sait qu'au moyen d'une virgule placée selon la circons tance, après le combat, l'oracle se tirait toujours d'affaire, soit que le consultant perit dans la bataille

ou qu'il en revint; la collocation d'une virgule avant ou après nunquam maintenait la prédiction.

Ibis, redibis nunquam morieris in armis.

De même, les notaires qui ne doivent être que les interpretes de la volonté anéantiraient à leur gré l'acte qui la contient, en combinant leurs constructions relatives aux formalités ; de manière que la ponctuation en déterminât le sens.

Un systême d'où sortent d'aussi étranges conséquences doit être repoussé.

Enfin, si la première période de la clause finale du testament de la dame Helson était dépourvue de ponctuation, nous n'aurions pas de difficulté, ou du moius la difficulté serait très mince: cependant les Grecs et les Romains s'en passaient, et le Code Napoléon n'a pas entendu qu'elle fit partie essentielle de l'écriture, car il n'en parle pas; et il n'aurait pu s'arrêter à la ponctuation, sans ordonner en même temps que le notaire prononçât dans sa lecture les points et les virgules.

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Nous allons maintenant prouver, ajoutaient les légataires universels, que, si l'on écarte le pointvirgule, la mention de l'assistance des témoins à la lecture se trouve dans l'acte d'une manière trèsexpresse.

2 Périodes dans la clause de clôture.

1.re Ce fut ainsi fait, dicté, etc. par la testatrice en présence des témoins et écrit par moi ledit notabe;

2. En présence d'iceux lu et relu à la testatrice, etc.

Mais, dit on, il n'est pas naturel de voir commencer une construction par une phrase incidente en présence, d'iceux se rapporte donc à ce qui précède : c'est l'écriture qui a lieu en présence des

témoins.

Quoi! vous asservirez le notaire à votre style ! vous ne lui permettrez pas de disposer du sien! il aura obéi scrupuleusement à toutes les formes exigées par la loi; mais, parce qu'il aura fait usage d'une inversion dans sa rédaction, vous détruirez un acte singulièrement favorisé par la loi civile, un acte où la volonté est prédominanțe, et qui doit être exécuté toutes les fois qu'il présente le caractère de la soumission à la loi.

On allègue que la grammaire est torturée par l'inversion.

Elle le serait, que le testament devrait encore subsister, la question étant plus juridique que grammaticale.

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« La loi ne détermine rien sur la forme des expressions; elle ne s'attache ni aux points ni aux « virgules, elle ne s'occupe point de la situation « grammaticale dans laquelle le notaire place le tes

tateur pour exprimer ses intentions: l'inexactitude « 'du notaire, dans la rédaction, ne suffit pas pour « étendre la peine de nullité. La loi n'écoute pas a de vaines cavillations de mots lorsqu'elle trouve que ce qu'elle a sainement voulu a été accom« pli; elle ne s'occupe que de la chose. D'Aguessean, lettre au procureur général du parlement de Grenoble,

C'est dan législation et dans la logique qu'il faut plutôt saisir les règles d'interprétation. Or, le notaire avait exprimé la présence des témoins à toute la facture de l'acte ; il mentionne après cela la formalité de l'écriture, et, avant de passer à celle de la lecture, il énonce de nouveau la présence: on ne peut lui supposer l'intention de rapporter cette présence à l'écriture, parce qu'on ne conçoit pas que le notaire ait fait ce que la loi ne lui commandait pas et ait omis ce qu'elle exigeait à peine de nullité.

Ces raisons n'ont pas prévalu devant le tribunal de Charleroi, mais elles ont été accueillies par la Cour nous donnerons le jugement et l'arrêt.

JUGEMENT.

" Attendu que l'énonciation et l'arrangement des mots du testament, dont s'agit, comprennent trois choses, la dictée en présence des témoins, l'écriture en présence d'iceux, lu et relu mot à mot, qui suivent immédiatement sans conjonction avant lu; que cette diction ainsi détachée n'emporte pas affir mation, de la part du notaire, que cette lecture ait été faite à la testatrice en présence des témoins; que la loi, qui est le testament du sage, prescrivant cette affirmation à peine de nullité, s'il y avaiṭ doute ou incertitude sur cette affirmation, ladite loi sur les testamens publics ferait exception à la règle générale; que, dans le doute, l'interprétation doit se faire pour la nullité de l'acte, ladite loi voulant une affirmation positive et non équivoque,

« Le tribunal adjuge au demandeur ses fins et conclusions, et condamne les défendeurs aux dépens, etc. etc.

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