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plusieurs signataires solidairement obligés, et que l'un d'eux a écrit le corps du billet de sa main?

Ce n'est plus ici un créancier qui a spéculé seul sur la surprise d'une signature, il faut une intelligence frauduleuse entre lui et un débiteur qui simule une obligation en prenant une contre-lettre sans laquelle il serait réellement engagé ce concert est plus difficile, et il est possible que la loi ne le suppose pas.

L'article 1326 du Code Napoléon, comme la déclaration de 1733, sont des exceptions au droit commun et doivent être restreintes au seul cas où la fraude est facile.

On conçoit bien qu'un débiteur, dont la şolvabilité est équivoque, peut abuser de la crédulité ou de la confiance d'un individu pour le faire souscrire à côté de lui à un billet, parce que sans cette signa ture il n'aurait pas l'argent. On conçoit que cet individu signe aveuglement et sans trop savoir à quoi il s'engage mais alors ce n'est pas le créancier qui exerce cette manoeuvre; il ne se fait point donner de signature en blanc; il ne veut qu'une sûreté. L'abus provient du débiteur; celui qui signe avec lui donne réellement sa signature: elle ne lui est pas escroquée.

D'autre part, l'obligation est bien unilatérale des débiteurs au créancier, mais les signataires contractent entr'eux.

D'abord ils s'engagent entr'eux à payer chacun leur quote part de la somme, et, en second lieu, ils se

soumettent à une action en indemnité, si l'un acquitte tout ou au - delà de sa part lorsque l'obligation est solidaire.

Supposé donc que celui qui a écrit de sa main le corps de l'acte soit poursuivi, il n'a rien à objec ter au créancier; mais il demande que son codébiteur soit tenu de payer à proportion de son obligation ou de l'indemniser de ce qu'il aura payé pour lui; ce cosignataire lui opposera-t-il l'article 1326 du Code Napoléon ?

Vous étendez, lui répondra celui qui a écrit l'acte, vous étendez l'exception au - delà de son objet; il ne s'agit pas ici d'un contrat unilatéral entre nous, mais d'une action qui dérive de nos engagemens reşpectifs, et dans ce cas votre signature me suffit.

Or, si ce raisonnement est vrai à l'égard de la persomme qui a écrit de sa main le corps du billet, il est également vrai relativement au créancier qui peut exercer tous les droits de son débiteur, ce qui prouve, abstraction faite du sens grammatical de l'art. 1326, que quand l'acte est valable contre un débiteur il l'est aussi sur la signature des autres, et que par conséquent la loi est sans application lorsqu'il y a plusieurs cosignataires solidairement obligés.

Les coobligés solidairement se tiennent respectivement lieu de caution.

Une caution serait elle recevable à exciper de l'article 136?

L'article ne le dit pas, et une exception doit être strictement renfermée dans ses limites.

ques

П résulte de ces diverses observations que la tion n'est pas d'une solution facile, et.qu'elle peut dépendre jusqu'à ua certain point des circonstances et de la qualité des personnes.

Elle s'est présentée dans l'espèce suivante :

Le 3 complémentaire an 12, la demoiselle Thérèse W... et sa mère souscrivent un billet portaut somme de 4353 francs, au profit du sieur Lefèbre, notaire public, pour pareille somme reçue de lui; elles s'engagent solidairement, et l'une pour l'autre, à lui rembourser cette somme.

L'acte est écrit de la main de la fille la mère n'a fait qu'y opposer sa signature sans approuver la

somme.

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Après le décès de la mère, le créancier a pour. suivi la demoiselle W... et le sieur son beaufrère; ce dernier comme héritier, à cause de son épouse de la dame veuve W..., au paiement de la somme énoncée au billet.

La demoiselle Thérèse W... n'avait aucune exception à opposer, et elle fut condamnée; mais son beau-frère soutint que la mère n'avait pas été valablement obligée, parce qu'en admettant que ce soit sa signature qui se trouve au bas de la promesse l'acte était nul, ou du moins dénué de preuve à son égard, puisque n'étant pas de la classe des personnes qui tombent dans l'exception portée à l'article 1326 du code civil, il avait le même droit qu'elle aurait eu d'invoquer la disposition directe du même article, suivant lequel il fallait, pour qu'elle

füt obligée, qu'elle eût mis de sa main un bon or approuvé, portant, en toutes lettres, la somme stipulée dans l'écrit.

Cette exception lui réussit : le tribunal de Bruges le renvoya de la demande par jugement du 18 juil. let 1810.

Le tribunal a considéré que l'article 1326 du Code Napoléon ne souffre d'autres exceptions qu'à l'égard des actes émanés des marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service; que la dame de W... auteur de Joseph de Z. . ., ne tombe pas dans la classe des personnes ci-dessus exceptées.

Qu'elle n'a pas écrit le billet dont s'agit, ni écrit de sa main, outre sa signature, un bon ou approuvé, portant, en toutes lettres, la somme exprimée dans le billet;

Que la loi, obligeant la partie qui s'engage à écrire en entier, de sa main, le billet, ou du moins, outre sa signature, à y mettre un bon ou approuvé, portant, en toutes lettres, la somme pour laquelle elle s'engage, ne faisant aucune distinction si plusieurs ou un seul ont souscrit, doit s'entendre parconséquent de tous ceux qui s'engagent envers un autre, à lui payer une somme d'argent; qu'encore qu'on ne puisse exiger que plusieurs écrivent le billet en entier de leur main, on peut néanmoins les obliger d'y joindre, de leur main, un bon ou un approuvé en toutes lettres de la somme dont plusieurs se reconnaissent débiteurs.

Que la loi précitée ayant pour objet d'offrir une

sauve-garde contre la surprise faite à la faiblesse
ou à l'ignorance, elle n'obtiendrait pas ce but salu-
taire, si elle permettait à un créancier colludant avec
son débiteur de tromper un autre pour
le faire sous.
crire sans connaissance de la somme à laquelle il s'en-
gage; que la loi lui étant positive ne souffre aucune
exception à l'égard d'un seul ou plusieurs souscrip.
teurs, et par suite que tous ceux qui s'engagent en-
vers un autre doivent en entier écrire le billet de
leur main, ou y ajouter de leur main un bon on
approuvé en toutes lettres.

Lefèbre ayant interjeté appel, les parties reproduisirent les moyens et raisonnemens qui ont précédé l'exposition des faits.

La cour, adoptant les motifs du premier juge, a mit l'appellation au néant, avec amende et dépens.

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La partie à laquelle le juge impose l'obligation de vérifier une signature déniée, tant par titres que par experts et par témoins, peut elle remplir l'objet de l'interlocutoire par un seul de ces trois genres de preuve?

AUX

ux termes de l'article 195 du code de procé

Cour de

Liège.

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