Page images
PDF
EPUB

avec un étranger, mais qui rentre dans le lieu de son domicile d'origine, recouvre-t-elle sa qualité de française bien que devenue veuve, elle onserve une pension d'un souverain étranger? Rés. aff.

Peut-on se prévaloir, comme d'un aveu judiciaire, d'un fait supposé, sans pleine connaissance de cause, dans une inscription hypothécaire ? Rés. NÉG.

Des successibles en ligne directe, poursuivis comme héritiers, et qui déclarent renoncer à la succession, sont-ils tenus de justifier d'un acte de renonciation au greffe? Res. nég.

[ocr errors]

Es questions ont été développées dans une discussion très approfondie qui a duré plusieurs audiences.

La dame Cécile - Agnès Desmairières, née française, avait épousé successivement deux officiers espagnols; eir premier lieu don François - Albert Desmairières, son parent, et en secondes nôces, don Louis Du hot, brigadier des armées de sa majesté catholique, et capitaine aux gardes wallones.

Depuis 1755 jusqu'en 1778 cette dame avait habité l'Espagne durant cette longue période, elle n'avait fait d'autre absence que celle d'un voyage en France; mais en 1778 elle quitta la patrie de son mari pour demeurer avec lui en France: M. Duhot avait obtenu sa retraite avec pension. Les époux vendirent une partie du mobilier qu'ils avaient en Espagne, emportèrent l'autre avec eux et vinrent habiter une terre de la dame Duhot, nommée Chatel - Desprets, à portée de Valenciennes, où ils passaient habituellement l'hiver.

M. Duhot décéda, à Châtel - Desprets, en 1784, et sa veuve continua à résider dans cette terre.

En 1791, le 20 avril, elle constitue, au profit de la dame Claibrouke, veuve Despiennes, une rente de 2070 livres, au capital de 46,000 livres.

Dans le contrat la dame Duhot se dit demeurant à Chátel - Desprets; elle ne quitta, en effet, ce lieu qu'en 1794, avec son fils et sa belle fille qui demeuraient chez elle : tous se rendent d'abord à Ernesdorf, dans le duché de Berg, puis à Dortemonde, en Wesphalie de-là ils passent en Suisse d'où la dame Duhot envoie des procurations pour réclamer sa pension du roi d'Espagne ; cette peusion lui est accordée; elle se transporte enfin elle mème en Espagne, et meurt à Barcelone le 18 février 1801, (29 pluviôse an 9.)

Elle avait été inscrite sur une liste supplémen taire d'émigrés : elle et ses enfans réclamèrent contre cette inscription; mais, par arrêté du 5 frimaire an 5, l'administration départementale du Nord déclara que sa demande en radiation ne pouvait être accueillie; les réclamations ultérieures au directoire exécutif ne furent suivies d'aucune décision.

Le 23 vendémiaire au 10, correspondant au mois d'octobre 1801, la veuve Duhot est éliminée de la liste des émigrés.

Elle était proche parente et héritière présomptive d'une dame de Maulde, veuve Vanderstraeten, domiciliée à Cerfontaine, dans le Hainaut français, également inscrite sur une liste d'émigrés; la veuve Vanderstraeten décéda, en état d'émigration, le 18 pluviôse

an 8 (6 février 1800): elle fut éliminée le 14 ger minal an 10, deux ans après sa mort.

par

La dame Duhot avait donc succédé à sa parente la vie naturelle.

[ocr errors]

L'administration du domaine avait aliéné la pres que totalité des biens immeubles de la dame Duhot, mais une grande partie du patrimoine de la dame Vanderstraeten restait invendue; elle fut restituée à ses héritiers.

Rudicindo Desmaisières, fils de la veuve Duhot, et les enfans mineurs de feu M. Charles FrançoisPauliu Desmarrières, l'autre fils de cette veuve, se partagèrent la moitié dévolue à la ligne maternelle.

La dame Despiennes, créancière de la dame Đuhot, considéra la succession de la veuve Vanderstraeten comme échue pour moitié à sa débitrice, qui avait survécu à cette dernière, et que les biens étaient passés d'elle à son fils et à ses petits-enfans.

Elle conclut en conséquence devant le tribunal d'I. pres, à ce qu'en qualité d'héritiers de la dame Duhot ils fussent condamnés 1.0 à lui payer les arrérages de sa rente, se montant à 31,050 livres ; 2.o à lui donner hypothèque, si mieux ils n'aimaient rembourser la somme principale de 46,000 livres : elle réclama aussi, à leur charge, une somme par elle prêtée à la dame Duhot.

La dame d'Arfeuille, veuve de Charles FrançoisPaulin Desmairières, a dénié, comme tutrice de ses enfans, qu'ils fussent héritiers de la dame Duhot; elle a prétendu qu'étant encore inscrite sur une liste d'émi

grés à l'époque du décès de la veuve Vanderstraeten la première n'avait pas été habile à lui succéder; que par suite ses enfans avaient hérité directement de la veuve Vanderstraeten; que leur aïeule n'avait jamais été saisie de sa succession et qu'ils en avaient partagé les biens de leur propre chef, jure proprio, lorsque la confiscation avait cessé;

D'où la conséquence ultérieure que, n'ayant point accepté la succession de la dame Duhot, dont tous les biens avaient été aliénés par l'état, les enfans Desmairières ne devaient point supporter ses dettes.

Pour établir l'inhabilité de la dame Duhot, la mère tutrice posait deux propositions fondamentales:

1. L'inscrit sur une liste d'émigrés, et qui n'en est éliminé que postérieurement à la publication de la loi du 12 ventôse an 8, est constitué en état de mort civile, pendant toute la durée de l'inscription;

2.o Les émigrés rayés, éliminés ou amnistiés, après cette date ou même après le 4 nivôse même année, époque de la mise en activité de l'acte constitutionnel, ne sont réintégrés, dans leurs droits de citoyens, qu'à compter de la radiation, de l'élimination ou de l'amnistie.

La lại dụ 28 mars 1793 répète de banmissement des émigrés à perpétuité, qui déjà avait été prononcé par celle du 23 octobre 1792; elle ajoute qu'ils sont morts civilement, que leurs biens sont acquis à l'état

La même loi ordonne qu'il sera dressé des listes de

tous les émigrés; que ceux qui y seront inscrits seront par cela même prévenus d'émigration; que s'ils ne réclament pas dans un délai donné ils seront réputés définitivement émigrés.

Vinrent ensuite les lois des 25 brumaire an 3 et 28 pluviôse an 4, indifférentes à la question.

:

Mais celle du 12 ventôse an 8 doit fixer notre attention elle efface la distinction qui avait été faite jusqu'alors entre les prévenus d'émigration et les émigrés réels; elle les confond tous sous la déno. mination communes d'émigrés.

Les individus, dit-elle, art. premier, considérés comme émigrés avant le 4 nivôse an 8, ne peuvent invoquer le droit civil des Français, demeurent soumis aux lois sur l'é migration.

Art. 2. Ces individus sont 1.0 ceux qui, inscrits sur les listes des émigrés avant le 4 nivôse, ne sont point rayés définitivement.

Ainsi il est clairement prononcé que les individus qui n'étaient qu'inscrits sur des listes d'émigrés, sans avoir émigré réellement, et après avoir réclamé en temps utile, étaient cependant réputés émigrés parla loi du 12 ventôse an 8, s'ils n'étaient rayés définitivement à cette époque; tous sont englobés dans la présomption légale que, s'ils n'ont pas obtenu leur radiation dans les années antérieures, c'est que l'autorité compétente les avait considérés comme de vrais émigrés.

Cette législation, qui porte sur des masses au lieu de statuer sur chaque cas particulier, semble d'abord blesser la justice privée : le grand jurisconsulte,

« PreviousContinue »