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qui a éclairé toutes les parties de notre droit civil, M. Merlin, la justifie cependant, en présentant l'objection dans toute sa force.

Comment le législateur a-t-il pu se déterminer à cette mesure qui range tous les inscrits sur la même ligne, les assimile tous les uns aux autres pour les frapper tous également ?

« N'allons pas croire, pas croire, dit-il, que cette loi se « soit ainsi expliquée sans des vues profondes et << dignes de la haute sagesse du gouvernement qui a l'a proposée. Au premier coup - d'euil qu'il a jeté « sur l'énorme recueil que composaient les différen<< tes listes des émigrés, le gouvernement a senti « que, s'il ne prenait pas, pour le jugement des de<<mandes en radiation, une marche différente de «< celle qui avait été observée jusqu'alors, jamais il « n'atteindrait au terme d'un travail aussi pénible, « aussi rébutant, et auquel était encore attaché le

grave et malheureux inconvénient de démoraliser << une partie de la nation par le grand nombre de « faux que l'on se permettait dans les certificats de « résidence. Frappé de cette idée, le gouvernement <«<en a conclu que ce n'était plus comme juge mais «< comme magistrat politique qu'il devait à l'avenir << statuer sur les demandes en radiation; qu'il importait sur tout d'y statuer le plus promptement possible, et que, pour y parvenir, il fallait, quant a au fait de l'émigration, considérer tous les ins

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crits comme ayant réellement émigré, afin de « pouvoir rayer, par forme de gràce, ceux dont la rentrée dans leur patrie lui paraîtrait ne pas devoir en compromettre la tranquillité, et de pou

a voir repousser, par mesure de sûreté générale, «< ceux dont le retour lui paraîtrait dangereux.»

Enfin les tribunaux n'ayant qu'à appliquer les lois telles qu'elles sont, les particuliers out rempli leur tache lorsqu'ils ont prouvé que celle qu'ils invoquent règle leur cas et qu'elle renferme un sens clair insusceptible d'interprétation.

Les cours d'appel et la cour suprême ont souvent eu l'occasion de faire l'application de celle du 12 ventôse an 8, dont il s'agit. (*)

(*) ARRÊT. Griffon, du 16 mai 1808, qui casse un arrêt de la cour d'appel de Liége, selon lequel le mariage de Griffon et de la demoiselle de Marotte tous deux inscrits sur une liste d'émigrés, mariés en pays étranger et éliminés après l'an 8, était déclaré valable en France. (Rép., au mot mariage, pag. 48.)

ABRET du 24 floréal an 13, de la même cour: il juge que, pendant la mort civile de son mari, la dame Saffray n'avait pas eu besoin de son antorisation, ni de celle de la justice, pour contracter et pour aliéner ses biens, quoique ces époux ne fussent point divorcés; a la raison se refuse, dit l'arrêt, à l'idée d'une communauté >> subsistante avec une personne qui, dans l'ordre civil et aux yeux » de la loi, n'existait plus. » (Rép., aux mots autorisation maritale, section 7, n.o 3.)

ARRÊT de la cour d'appel de Lyon, confirmé en cassation, contre la veuve Maret le mari avait été porté sur une liste des fugitifs de Lyon; la loi du 14 pluviòse an 3 ayant rapporté les dispositions pénales contre ces fugitifs, l'administration, par un arrêté, l'avait remis dans l'état où il était avant son inscription. Cependant il est placé abusivement, ainsi que sa femme, par une commission exécutive, sur une liste d'émigrés; l'administration de son district réclame contre l'erreur arrive le 18 fructidor an 5: la loi du lendemain ordonne à tous les inscrits de sortir du territoire français. Guillaume Maret et sa femme obéissent le premier institue sa femme héritière, il meurt le 26 thermidor an 8; mais tous deux ne sont

Leurs arrêts mettent en évidence 1. que les inscrits sur des listes d'émigrés, amnistiés en vertu du

éliminés qu'en l'an 9 Question sur la validité du testament; les frères de Maret le soutiennent nul, parce qu'il était en état de mort civile aux deux époques principales de la confection du testament et du décès la cour de Lyon le déclare tel, et sa décision est confirmée. (Voyez questions de droit, tome 6, page 265 )

ARRÊT de la cour d'appel de Paris, dans la cause du sieur de Boniface, qui a reçu la sanction de la cour suprême. (Voyez rép., an mot succession, sect. première, § 2, art. 3.)

ARRÊT pour la succession d'une tante du prêtre Vernede, déporté et assimilé à un émigré en verta de la loi du 17 septembre 1793; la cour de cassation rejetant le pourvai contre un arrêt de la cour d'appel d'Agen, déclare que la mort civile de ce prêtre le rendait insuccessible. (Voyez Sirey, année 1808, page 157.)

ARRÊT pour la succession de la veuve Boiroussel: les sieurs Bellemare-de-la-Motte étaient émigrés à l'époque de l'ouverture de cette 'succession, et cependant la cour d'appel de Rouen les avait admis, après l'amnistie, à plaider devant elle, comme héritiers de la veuve Boisroussel; elle avait ainsi reconnu en eux implicitement la faculté de succéder.

Sur le réquisitoire de M. le procureur général Merlin, cet arrêt fut cassé pour excès de pouvoir. (Voyez répert., au mot succession, sect. première, Sa art. , , page 431.)

excès de pou

ARRET de la cour de cassation qui casse, aussi pour voir, celui de la cour de Besançon, par lequel il avait été reconnu qu'un sieur Henrion, inscrit sur une liste d'émigrés et amnistié, avait qualité pour partager des biens restés indivis dans une succession quverte durant sa mort civile à la vérité la cour, n'a pas fait droit au fond, mais le ministère public avait conclu comme dans les arrêts précédens. (Voyez Sirey, année 1808, page 267.)

ARRÊT de la cour de Bruxelles, 3. chambre, du 14 janvier 1809, entre Demeester, appelant, et Winne. intimé, qui prononce dans le même sens que celui du 24 floréal an 13, concernant la dame Saffray, ci-dessus rapporté.

sénatus consulte du 6 floréal an 10, n'ont pu ni acquérir, ni transmettre des successions, ni contracter un mariage valable en France, ni exercer la puissance maritale dans l'intervalle de leur inscription à l'amnistie; 2.o que les rayés ou éliminés, depuis le changement survenu par la loi du 12 ventôse an 8, sont assimilés aux amnistiés.

Et en effet le principe établi par cette loi est encore développé par des arrêtés postérieurs du gouvernement, notamment par celui du 3 floréal an 11.

La dame Despiennes répondait que, pour fixer le droit des parties, il fallait considérer, non l'époque de la mort civile, ni celle de la mort naturelle, mais bien celle de l'élimination de la liste des émigrés.

Cette élimination, selon elle, est une décision, un jugement individuel, par lequel le gouvernement déclare que l'individu porté sur cette liste ne devait pas y être compris, que l'erreur a donné naissance à son inscription; de-là résulte que par cette décision les choses sont replacées, quant à l'individu éliminé, dans le même état que s'il n'avait jamais été porté

ARRÊT de la cour suprême du 10 juin 1806 qui casse celui de la cour d'appel de Besançon, et décide qu'un sieur Masson, rayé après la législation de l'an 8, ne pouvait exercer, sur les biens acquis par sa femme pendant son inscription, les droits qui appartiennent au mari sur les conquets de la communauté. (Voyez rép., émigration, page 492, n.o 1.)

au mot

ARRET du 12 novembre 1810, rendu par la même cour, qui décide la même question. (Voyez Denevers, 4 cahier de 1811.)

sur une liste d'émigrés; or, dans ce cas, la dame Duhot a été saisie de la succession maternelle de la veuve Vanderstraeten en vertu de la maxime le mort saisit le vif, et cette transmission est un obstacle éternel à ce que ses enfans aient pu être héritiers immédiats de cette dame Vanderstraeten.

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C'est d'après ces principes que la cour régulatrice a prononcé son arrêt de rejet, dans la cause des héritiers de Lavieville, le 23 thermidor an 10 (*); 'un des motifs de cet arrêt est sur tout remarquable, il adopte la maxime qu'une confiscation rétractée est censée n'avoir jamais existé; d'où il suit qu'il faut considérer les successions des condamnés révolutionnairement comme n'ayant jamais passé dans le patrimoine de l'état, et suivre, à leur égard, l'ordre de succéder qui existait à l'époque de leur décès dans la cause des héritiers Lavieville, celui dont la succession était contestée était décédé, ainsi que son successible, avant la restitution des biens; de même la dame Vanderstraeten et la dame Duhot, son héritière, sont morts avant leur élimination: dans cette identité de faits et de circonstances, pourquoi la décision ne serait elle pas la même?

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Mais la différence est du tout au tout; dans le cas objecté, il a été jugé que les lois, rendues en l'an 3, prononçant la restitution des biens des condamnés révolutionnairement, avaient un effet rétroac tif, dont il résultait qu'à la date du décès des individus ainsi condamnés, leurs héritiers avaient été

(*) Voyez questions de droit, au mot confiscation, § 2.

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