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demeure de fait dans un endroit sans lá volonté ou l'intention de s'y fixer ne suffit pas pour établir un domicile; le véritable domicile est celui qu'on avait auparavant, de même la volonté d'habiter un autre endroit, ne change pas non plus le domicile. ff. ad municip. et de incolis. (Art. 103 du Code Napoléon.)

L. 20,

La dame Duhot avait une résidence dans sa propriété de Châtel - Desprets, en France; mais a-telle eu l'intention de s'y fixer? a-t-elle eu l'inten tion de quitter son domicile d'Espagne et d'en acquérir un nouveau en France? voilà ce qu'il faudrait prouver.

Cependant on ne produit aucune pièce, aucun contrat, où la dame Duhot se serait déclarée domiciliée à Châtel - Desprets.

Au contraire pendant les dix années de sa résidence en France, qui ont suivi le décès de son mari, elle a manifesté la volonté de rester sujète du roi d'Espagne, en recevant de lui une pension, et en obtenant des congés successifs.

Le droit résultant de ces faits est notoire à tous ceux qui ont servi ou vécu en Espagne.

Il én est de même en Autriche et dans tous les gouvernemens qui pensionnent les militaires retirés et leurs veuves.

Sur le point de compétence la dame Despiennes convenait que l'inscription sur la liste des émigrés, l'arrêté de l'administration du Nord et celui d'éli

mination postérieur à l'an 8, équivalant à un jugement de culpabilité, étaient des actes administratifs; mais quels sont, disait-elle, les effets de ces arrêtés relativement à la faculté de succéder? voilà ce que les corps administratifs n'ont pas jugé; voilà sur quoi les tribunaux prononcent tous les jours: il s'agit de décider entre deux particuliers si la succession de la dame Vanderstraeten est échue à la dame Duhot plutôt qu'aux enfans de celle çi il s'agit de décider si la dame Duhot était domiciliée en Espagne ou en France, si elle a été frappée de mort civile ou non.

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Toutes ces questions sont essentiellement du ressort de l'autorité judiciaire; elles doivent être résolues conformément aux lois sur les émigrés sans doute, mais l'application de ces lois appartient aux tri

bunaux.

Le systême actuel de la dame Desmaisières se réduit à dire, la cour est compétente pour juger le fond du procès en ma faveur, elle est incompétente pour juger contre moi.

Il n'est pas vrai que tous les individus inscrits sur la liste des émigrés aient été atteints de la peine de la mort civile.

L'exception d'incompétence est aussi repoussée par les arrêtés du gouvernement.

Le décret impérial du 30 thermidor an 12, décide, en termes formels, que le jugement des contestations, résultantes de l'exercice des droits dans lesquels les émigrés rayés, éliminés ou amnistiés,

out

été restitués

appartiennent aux tribunaux sous la seule condition de ne porter aucune atteinte aux actes administratifs.

Un autre avis du conseil d'état, rendu sur la matière spéciale des successions, consacre les mèmes principes; c'est celui du 10 fructidor an 13, approuvé par S. M. l'Empereur le 26 du même mois.

Ces décrets n'ont fait que confirmer les tribunaux dans l'opinion qu'ils s'étaient déjà formée de leur pouvoir en cette matière. Dans l'examen de leurs arrèts, on remarquera que plusieurs fois les cours ont décidé que tel individu inscrit sur la liste des émigrés et éliminé ou amnistié après la loi du 12 ventôse an 8, n'avait pas encouru la mort civile, jamais aucun arrêt semblable n'a été cassé pour cause d'incompétence.

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et

Quelques uns n'ont pas été à l'abri de la cassation, mais ils ont subi ce sort pour fausse application ou violation des lois de la matière; tel est celui de la cour d'appel de Besançon, du 28 pluviôse an 12, qui avait décidé que le sieur Mas amnistié le 22 brumaire an n'avait pas été mort civilement, parce que, d'après les lois du 28 mars 1793 et 25 brumaire de l'an 3, il avait réclamé en temps utile.

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Ainsi nul obstacle à ce que la cour prononce la capacité de succéder de la dame Duhot, et que par suite les enfans de l'intimée, qui se sont emparés de la partie des biens à elle transmis par la la dame Vanderstraeten, sont les héritiers de la dame Duhot.

Du reste, ils le sont par la raison qu'assignés en cette qualité, ils étaient tenus de s'expliquer, et, pour renoncer à la succession de la dame Duhot, ils auraient dû remplir la formalité prescrite par l'article 784 du Code Napoléon, puisque l'action actuelle a été intentée sous l'empire de ce code, et qu'en matière de formes il faut suivre celles que prescrit la législation sous laquelle on vit au moment où on doit les remplir.

La dame Desmaisières répondait vous êtes vaincue par vos propres armes ; les décrets que vous réclamez prononcent, en toutes lettres, que les tribunaux peuvent vous condamner, mais qu'ils sont sans pouvoir pour admettre votre demande; n'avez-vous pas cité celui du 3 thermidor an 12, qui, en reconnaissant le pouvoir des tribunaux sur la matière, exprime qu'ils ne peuvent juger que sous la condition de ne porter aucune atteinte aux actes administratifs.

Ici trois actes émanés de l'administration ont dé claré la dame Duhot française ; l'inscription sur une des listes par lesquelles les inscrits sont prévenus d'émigration; l'arrêté de l'administration du Nord de l'an 5, qui, statuant sur la réclamation de la dame Duhot, comme espagnole, la rejète, parce qu'elle la juge française; enfin l'arrêté d'émination rendu après la loi de ventôse, qui est un jugement définitif, portant que cette dame est vraie émigrée, et qu'elle n'est réintégrée, dans la jouissance des droits civils, qu'à titre de grâce et de clémence nationale.

Si maintenant la cour rendait un arrêt qui con

sidérerait la dame Duhot comme ayant été capable de succéder dans l'intervalle de l'inscription à l'élimination, sous prétexte d'extranéité, elle jugerait tout le contraire de ce qu'ont décidé les corps administratifs; elle s'éleverait au-dessus de la condition prescrite par l'arrêté du 30 thermidor an 12, qui n'est qu'une application de la loi de 1790 et de celle du 16 fructidor an 3, sur les limites des deux pouvoirs supposât on même que l'autorité administrative eût erré, la réformation de cette erreur est hors des attributions du pouvoir judiciaire.

L'arrêté du 9 thermidor an 10 est encore faussement appliqué par la dame Despiennes, il con. cerne ceux que l'autorité administrative a reconnus étrangers; dans notre espèce, la qualité fait précisément la question, et elle a été administrativement jugée en dernier ressort au désavantage de la dame Duhot, son arrêté d'élimination est revêtu des mêmes formes extérieures, et présente le même contenu que les autres arrêtés rendus sur la matière. (*)

Enfin la cour doit prononcer d'après les principes du droit civil, comme a fait l'administration.

Qu'importe, pour le litige, que la dame Duhot,

(*) Les Belges, attachés au service de l'empereur d'Autriche ou d'autres puissances, étaient dans une position bien autrement favorable que la dame Duhot; ils se sont persuadés qu'ils devaient être considérés comme étrangers, une circulaire du grand-juge aux préfets, du 20 pluviôse an 11,signale leur et reur; mais, comme cette erreur était raisonnable, elle leur donne les moyens de la réparer. (Voyez le code administra.f par Fleurigeon, tome 2, page 30 )

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