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DÉCISIONS NOTABLES

DE

LA COUR DE BRUXELLES,

AVEC LES ARRÊTS LES PLUS REMARQUABLES DES COURS DE LIÉGE ET DE TRÈVES.

TUTEUR Spécial. -Subrogé tuteur. — Alliance.-Exclusion. - Destitution.

S1, dans le partage de deux communautés, le tuteur est en opposition d'intérêts dans l'un avec le subrogé tuteur, et que celui-ci soit en opposition d'intérêts avec le tuteur dans l'autre, y a-t-il lieu à nommer un tuteur spécial?

Peut-on, sous prétexte que l'alliance n'existe plus, demander l'exclusion et le remplacement du subrogé tuteur?

JOSEPH - FERDINAND LIBRECHT épouse Catherine

Vanoutrive.

Il décède en 1806, laissant de ce mariage sept enfans.

Amélie, l'un de ces sept enfans, a pour mari le sieur Jean-François Coolen, médecin.

Tome 11, N. 8.

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Un autre, sous le nom de Natalie, épouse le sieur Antoine Devalche.

Les cinq autres encore mineurs restent sous la tutelle légitime de Catherine Vanoutrive, leur mère.

Coolen est nommé subrogé tuteur.

La femme de ce dernier (Amélie) meurt sans postérité; sa succession est déférée à Cathérine Vanoutrive, sa mère, pour un quart, et pour le surplus à ses six frères et sœurs germains.

L'union de Coolen avec Amélie avait été précédée d'un contrat de mariage qui établit communauté.

D'autre part, Catherine Vanoutrive restait en possession de la communauté qui avait existé entre elle et feu Joseph Ferdinand Libbrecht, ainsi que de la succession de ce dernier.

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- Il s'agissait de liquider, et l'on ne voyait plus dans Coolen qu'un étranger dont Catherine Vanoutrive et Devalche, son second gendre, voulaient se débarrasser ; la mésintelligence née dans des motifs d'intérêts s'en mêla, et l'on concût le plan de lui ôter les fonctions de subrogé tuteur.

A cet effet, Catherine Vanoutrive convoqua une assemblée de famille, ensuite de la cédule que lui avait délivrée le juge de paix.

Elle demandait 1.0 la nomination d'un tuteur spécial, vu l'opposition d'intérêts entre la tutrice, le subrogé tuteur et les enfans mineurs; 2.0 le rempla

cement du sieur Coolen, vu le décès de sa femme; mais craignant qu'on ne lui objectât l'article 426 du Code-Napoléon, suivant lequel le tuteur ne peut provoquer la destitution du subrogé tuteur, elle ne proposa, dans le procès-verval du conseil de famille que le premier objet; le second fut mis en délibération à la demande du second gendre, Antoine Devalche qui veut se subtituer à sa belle-mère.

Coolen qui avait été appelé à l'assemblée dit qu'il n'y avait lieu, ni à la nomination d'un tuteur spécial, ni à son remplacement malgré lui.

Alors Devalche, se défiant de la faiblesse de ses motifs qui ne consistaient que dans la cessation de l'alliance, fit à Coolen des imputations vagues qui blessaient sa délicatesse; il parla de procès, nés et à naître, entre la tutrice et le subrogé tuteur, et fit entendre que les intérêts des mineurs s'y trou vaient conpromis.

A

On remarque dans ce procès-verbal beaucoup d'exaspération.

Deux oncles paternels des mineurs s'opposent à la nomination d'un tuteur spécial et à celle d'un autre subrogé tuteur; les quatre autres membres du conseil de famille sont d'un avis contraire, et le juge de paix accède à la majorité et décide par des motifs longuement développés.

Ainsi on nomme le sieur Desmets comme tuteur spécial, et Devalche, second gendre, comme subrogé tuteur la délibération est du 29 janvier 1811.

Le sieur Coolen, moins intéressé à maintenir sa qualité de tuteur qu'à faire disparaître les imputations à l'aide desquelles on avait fait prononcer sa destitution sous les couleurs d'un remplacement, attaqua de nullité la résolution du conseil de famille.

30 Mars 1811, jugement du tribunal de Courtrai, qui homologue la délibération et déboute Coolen de sa demande, par le motif que la complication des intérêts des parties exigeait un tuteur spécial, et que depuis la mort de son épouse, le sieur Coolen n'avait plus d'intérêt à rester subrogé tuteur.

Coolen à interjeté appel de ce jugement.

La nomination d'un tuteur spécial n'a été imaginée que comme un moyen indirect d'amener ma destitution.

Quel est le cas où la loi autorise la nomination de tuteurs spéciaux ? celui où les mineurs ont des intérêts opposés dans le partage.

Ce cas est prévu par l'article 838 du Code - Napoléon.

Par exemple si, entre plusieurs mineurs placés sous la même tutelle, il en est qui aient des préciputs, des avantages contestés ou contestables, il est sensible que les mêmes tuteurs et subrogés tuteurs, ne peuvent représenter les uns contre les autres.

Mais existe-t-il ici opposition d'intérêts entre les mineurs? aucune.

S'agit-il du partage de la communauté d'entre leurs père et mère, ils ont un intérêt opposé à celui de leur mère qui est leur tutrice; mais alors ils sont représentés par le subrogé tuteur aux termes de l'article 420 du code civil, et là ils ont dans l'espèce un intérêt commun avec le sieur Coolen.

Est-il question du partage de la communauté d'entre leur sœur et l'appelaut, ils se trouvent sous la tutelle légitime de leur mère : dans aucune situation il n'y a diversité d'intérêts entre eux.

Ou le conseil de famille ne s'est pas compris, ou plutôt les membres qui ont formé la majorité n'ont eu d'autre but que celui d'écarter le droit qu'a le sieur Coolen de contredire la mère des mineurs dans le par tage de la communauté et de la succession de JosephFerdinand Libbrechts.

Quant au remplacement du subrogé tuteur, acte qui a scandaleusement dégénéré en destitution, l'appelant observait que, loin d'avoir intérêt à conserver ses fonctions, il avait un intérêt contraire, mais qu'on l'avait poussé à la nécessité de défendre sa réputation et à soutenir que la mort de sa femme n'était motif de droit pour le remplacer ;

pas un

Qu'il savait bien que son alliance lui avait imposé cette charge, et que, suivant l'article 432 du CodeNapoléon, devenu étranger à la famille, il n'eût pu être forcé d'accepter la tutelle subrogée; mais de ce qu'il aurait eu une raison de dispense, il ne s'ensuit pas qu'il doive être éloigné lorsqu'il a eu cette qua

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