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les, où il demeure, existait un tableau portant mar'chande de toiles.

Dewit, marchand - colporteur, répète le prix de quatre pièces de toiles qu'il dit avoir vendues à l'épouse de Spinal, et il dirige sa demande au tribunal de commerce contre le mari et la femme.

Le sieur Spinal soutient que sa femme n'est pas marchande publique, parce qu'elle ne fait que détailler les toiles qu'il achète lui-même; que c'est lui qui exerce le commerce, qui correspond et qui fait les paiemens.

Quelques lettres et factures appuyaient cette allégation.

Dewit répondait qu'il ne devait pas entrer dans la connaissance de toutes ces particularités; qu'il suffisait que lui étranger ait remarqué que le commerce était annoncé par l'inscription comme tenu par la femme pour être fondé à la faire réputer marchande publique à son égard.

Le tribunal de commerce fit vérifier que l'enseigne portait marchande de toiles, et en même temps que la lettre E avait été supprimée depuis la demande de Dewit; mais que, l'oblitération n'ayant pu étre complète, on y distinguait encore l'empreinte de la lettre E.

Il débouta Spinal de ses exceptions.

Appel,

La femme n'est pas réputée marchande publique

si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari, mais seulement quand elle fait un commerce séparé. Code Napoléon, art. 220, code de commerce, art. 5.)

L'article 4 du code de commerce dit que la femme ne peut être marchande publique sans le consentement de son mari.

Cette disposition n'était pas écrite dans le Code Napoléon.

Écoutons les orateurs du gouvernement dans l'exposition des motifs de la loi sur le commerce.

« L'ordonnance de 1673 s'était trop peu occupée « de ces deux classes d'individus ( des femmes et des « mineurs). Un mineur, une femme pouvaient trop a aisément compromettre, l'un sa fortune propre, « l'autre sa fortune et celle de son mari en même. << temps.

Tous deux ne pourront plus se livrer au com« merce sans être autorisés, le mineur par ses pa. « rens, s'il les a encore; la femme par son époux, « même quand elle sera séparée de biens ».

Il résulte évidemment de-là que l'autorisation ou consentement du mari ne peut dépendre d'indices ou de conjectures, mais qu'elle doit être formelle, puisque la femme séparée de biens, eût-elle un autre demeure que celle de son mari, ne serait pas réputée marchande publique, à moins qu'elle n'eût le consentement formel de son mari.

C'est à ceux qui contractent avec une femme à s'assurer que cette autorisation existe.

On s'attache ici à un misérable signe qui consiste dans une lettre de plus ou de moins, ce qui peut d'ailleurs dériver d'une méprise du graveur; mais quand l'inscription porterait le mot de marchande, faudrait il en conclure que l'épouse de Spinal doit être réputée marchande publique ?

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Marchande, elle l'était réellement ; car c'est elle qui détaille dans la boutique, et ce détail est naturellement le fait des femmes de commerçans: mais pour être marchande publique, il faut, outre le consentement du mari, qu'elle fasse un commerce séparé.

'Or, l'appelant rapporte plusieurs pièces qui prouvent que c'est lui qui approvisionne le magasin, qui paie, qui correspond et qui fait les voyages. Sa femme ne fait donc que détailler les marchandises qu'il lui procure,

Quand elle acheterait de temps en temps quelques pièces de toile, elle suivrait encore le commerce de

son mari.

On objecte à l'appelant la qualité d'huissier pour en déduire la présomption que le commerce n'est pas à lui.

Cette qualité n'est pas exclusive de la faculté de faire un commerce dont le détail s'exécute par la femme aucune loi ne déclare cette incompatibilité.

On répondait, pour Dewit, qu'il n'était pas nécessaire que le consentement du mari fût exprès, littéral; qu'il pouvait s'établir par le fait et les circonstances;

Que l'affiche ne lui avait indiqué qu'une mar chande, et que le placement et la tolérance de l'inscription étaient une preuve plus expressive du consentement du mari que tout autre consentement, puisqu'il était annoncé au public dans un écrit per

manent.

Sur cette discussion intervint un arrêt qui ordonna la production de la patente, en vertu de laquelle s'exerçait le commerce, et les livres ou registres tenus à raison de ce commerce.

Des livres assez informes furent produits; la religion de la cour n'en n'était pas plus éclairée sur les faits.

Aucune patente ne fut rapportée relativement au commerce; mais Spinal observait que sa patente d'huissier étant supérieure lui donnait le droit d'exercer le commerce de toiles; et en effet il s'était pourvu en modération, et il justifiait par les motifs de la décision du conseil de préfecture, qui avait rejeté sa pétition, que l'on avait considéré qu'indépendamment de sa qualité d'huissier il exerçait un cómmerce de toiles.

C'était donc en vertu de sa propre patente que se faisait le commerce; car s'il eût été pour le compte particulier de son épouse et séparement de lui, elle aurait dû nécessairement se munir d'une pa

tente.

La précaution prise par Spinal d'effacer depuis l'instance la lettre E rendait sa cause peu favorable.

Dewit était un marchand colporteur qui avait contracté sur la foi d'une inscription publique.

L'office d'huissier repoussait toute idée de commerce dans la personne de Spinal, dont les fonctions, si elles ne sont pas incompatibles de droit avec la faculté d'être marchand de toiles, le sont pour ainsi dire de fait, puisque son ministère peut être requis à chaque instant.

Les circonstances se réunissaient en faveur de l'intimé.

Arrêt par lequel,

« Attendu qu'il est prouvé au procès que, dans le temps du contrat qui a eu lieu et dont il s'agit dans la cause, il existait sur la porte de l'appelant une inscription portant, marchande de toiles.

« Attendu qu'une inscription semblable devait nécessairement faire croire à l'intimé, d'ailleurs marchand colporteur, que l'épouse de l'appelant était autorisée par ce dernier, à faire ce commerce en son privé nom.

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« Attendu que l'appelant exerce les fonctions d'huissier, et que cette circonstance était propre à fortifier encore l'intimé dans l'idée que la femme exerçait seule la profession de marchande, comme l'annon çait déjà l'inscription;

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« La cour met l'appellation au néant, avec amende et dépens.

Du 23 mars 1811. Troisième chambre.

MM. Tarte, le jeune, Zech et Vanderplas.

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