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plaindre des singuliers traits d'esprit que lui prête

son mari.

Avant de croire le mal et d'accuser un innocent, il conviendrait de savoir se renseigner. La lettre suivante nous dira de quel grand soldat une erreur fatale a failli priver la France.

Celui dont les plus violentes inimitiés n'ont jamais osé attaquer la rigide probité, dans sa fière délicatesse n'admettait pas le soupçon.

AU GÉNÉRAL DE DIVISION REYNIER, A OFFENBURG.

Oberkirch, le 19 Prairial, an V de la République.

J'ai reçu hier soir, Général, votre lettre et la copie de celle du général en chef qui y était jointe. Il m'est impossible de vous rendre jusqu'à quel point le contenu m'en a affecté. Il me devient impossible de continuer le service, puisque mon général en chef a de telles idées de mon caractère et de ma délicatesse; je fais trop de cas de son estime pour n'être pas très peiné du simple soupçon de ne pas avoir la sienne.

La publicité que moi-même j'ai, dès les premiers jours, donnée à toutes ces affaires, suffirait seule pour prouver que je ne croyais point avoir commis des actions qui blessaient la délicatesse. Tout ce que je vous ai dit à ce sujet est de la plus exacte vérité, nonobstant les procès-verbaux dont j'ignore le contenu.

Je ne veux pas, Général, abuser plus longtemps de vos moments, en entrant de nouveau dans des détails sur cette affaire dont je ne vous ai déjà que trop entretenu. Je me borne à vous faire part du parti que la lettre du général en chef me force de prendre.

Je vous prierai d'attendre quelques jours, pendant lesquels je vendrai mes chevaux pour parfaire les sommes qui ont été touchées dans les endroits où je commandais, malgré qu'une partie de cet argent ait été donnée à d'autres personnes; je vous enverrai cet

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argent en vous priant de le faire tenir au trésorier de l'armée à cet envoi je joindrai celui de ma démission. Je dois vous réitérer, Général, la déclaration que je vous ai déjà faite, que les aides-de-camp Gobreck et Malivoire ne sont pour rien dans cette affaire, qu'elle me regarde seul. Je vous serai donc obligé de les mettre hors de cause.

Si le général en chef avait désiré, auparavant de former son opinion sur cette affaire, avoir quelques explications de moi, j'ose croire qu'elle n'aurait pas eu cette issue de me forcer à quitter un état où toutes mes idées étaient tournées depuis ma jeunesse, état que j'ai toujours aimé avec passion. Quoi qu'il en soit, si la République n'est pas privée en moi d'un bon officier, vous, Général, vous y perdez quelqu'un qui vous est sincèrement attaché.

J'ai encore, malgré la nuit, la tête et les idées bouleversées de la lettre du général en chef qui, par malheur pour moi, ne connaît pas mon caractère.

L. DAVOUT.

Quartier général de Rhein zietern, 18 Fructidor.

AU GÉNÉRAL AMBERT, A SON QUARTIER GÉNÉRAL DE BELHEIM,

Le commandant des hussards, mon cher Général, vient de m'observer que les deux escadrons de hussards qui étaient à Rilzheim foulèrent beaucoup ce village, qui l'a été constamment depuis le commencement de la guerre vu le peu de fourrages que l'on donne

aux hussards, il est impossible de les empêcher de prendre furtivement du fourrage à leurs hôtes, ce qui leur porte un grand préjudice. Je te prie de m'autoriser, en conséquence de cette demande, à faire sortir de ce village un escadron pour l'envoyer dans un des villages voisins de Rhein-Zabern. D'après les renseignements que j'ai pris, il résulte qu'à 3/4 de lieues de cet endroit, il y a un grand village qui n'a eu encore aucune troupe et qui n'a point souffert ni du débordement ni de rien. Ce village se nomme Haina. Le village de Steinveiler est dans ce même cas, et il est à 12 lieues de Rhein-Zabern. J'attends, mon cher Général, tes ordres sur cette réclamation.

Salut et amitié,

L. DAVOUT.

Cette lettre est singulièrement intéressante en ce qu'elle nous montre le futur maréchal déjà tout entier formé dans le jeune officier; elle nous dit comment déjà il savait écouter les observations et se faire renseigner; comment il se préoccupait des souffrances du pays occupé, avec quel esprit de justice i songeait à répartir les inévitables charges de la guerre, comment enfin il se montrait déférent et courtois envers ses camarades, bienveillant envers ses subordonnés. La lettre suivante en est une preuve nouvelle.

Armée D.

Quartier général de Brescia, le 2 Frimaire,
an IX de la République française.

DAVOUT, GÉNÉRAL DE DIVISION COMMANDANT EN CHEF LA CAVALERIE, AU CHEF D'ESCADRON Martigue, a LA SUITE DU 4

CHASSEURS.

J'ai reçu, citoyen, votre lettre et la lettre de service que je vous avais adressée pour le 3me de cavalerie. Je me ferai un plaisir de soumettre votre demande au général en chef et je vous instruirai de la décision.

Si je vous ai placé dans un régiment de grosse cavalerie, c'est que je tenais beaucoup à conserver à l'armée un bon et brave officier. Il n'y avait que ce seul moyen, n'y ayant point de place de chef d'escadron vacante dans les troupes légères.

Je vous salue,

L. DAVOUT.

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