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Ce qui donne à cette sorte de traité un caractère distinctif et particulier, c'est qu'il a tout à la fois l'autorité d'une convention et celle d'un jugement, et qu'il participe de la nature de l'un et de l'autre.

Examinons quels principes sont attachés à chacun de ces deux élémens, et de leur combinaison nous verrons naître, par des conséquences évidentes et directes, toutes les dispositions de la loi.

Toute convention s'arrête aux seuls objets qui sont dans le commerce; ainsi les droits de la nature, les droits de la société ne peuvent pas devenir une matière à transaction : c'est pour cela que le projet annonce que, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction; ce qui suppose nécessairement que ces objets sont disponibles.

Par ce seul raisonnement on aperçoit d'abord comment il se fait qu'on peut bien traiter des intérêts civils résultant d'un délit, et que cependant on ne peut pas traiter de la peine.

Toute convention suppose la faculté de consentir : c'est pour cela que la transaction ne peut pas être entièrement consommée par ceux qui n'ont qu'une volonté subordonnée; tels que les tuteurs pour les mineurs, les administrateurs publics pour les établissemens qu'ils dirigent.

Toute convention peut être garantie par des peines que les parties stipulent. La transaction est susceptible aussi des clauses pénales.

Toute convention doit s'exécuter de bonne foi; et lorsqu'il s'agit de l'interpréter, c'est l'intention des parties contractantes qu'il faut consulter, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. De même la transaction, quelle qu'elle soit, se renferme toujours dans son objet et ne règle que les différends qui y sont compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales, soit qu'elles l'aient annoncée par des expressions générales; prin

cipe que les Romains exprimaient très-bien par cette courte sentence: Iniquum est perimi pacto id de quo cogitatum non docetur. Les articles 5, 6 et 7 ne sont que des corollaires de

cette pensée.

Toute convention n'a d'effet qu'entre les parties contrac- 2051 tantes de même la transaction faite avec l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux. Dans ce mot intéressés la loi ne comprend pas les cautions, dont la décharge et les droits se règlent comme il est dit au titre des Cautionnemens.

Toute convention exige un consentement effectif : ainsi le 2055-058 dol, la violence, l'erreur de fait, qui touchent à la personne ou à l'objet, font rescinder la transaction comme les autres contrats. L'erreur de calcul, qui est aussi une sorte d'erreur de fait, n'opère pas la rescision, mais elle doit être ellemème réparée.

Toute convention a une cause; celle de la transaction est 2056 la crainte des procès, propter timorem litis. Ainsi, lorsque le procès est terminé par un jugement passé en force de chose jugée, il ne peut plus y avoir de transaction, parce qu'il ne peut plus y avoir de doute.

Il faut en dire autant si la transaction n'est que l'exécu- 2054 tion d'une pièce nulle. La convention manque de cause, à moins que les difficultés élevées sur la nullité même n'en aient été l'objet.

Enfin la cause manque également si, les parties ayant 2057 transigé sur un seul objet avec la confiance qu'elles y avaient des droits respectifs, il arrive néanmoins que des titres ultérieurement découverts leur fassent connaître que l'une d'elles n'y avait aucun droit. Cette absence totale de la matière du litige fait disparaître en même temps toute matière à transaction.

Il en serait autrement si les pièces inconnues, nouvellement découvertes, étaient produites après un traité plus étendu, où les parties auraient transigé généralement de

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toutes les affaires qu'elles pouvaient avoir. Comme il serait alors évident que leur consentement aurait embrassé la masse entière de leurs intérêts, le néant de quelqu'un de ces intérêts ne serait pas pour cela l'anéantissement des motifs qu'elles auraient eus de transiger; et la généralité de leur prévoyance deviendrait pour leur convention une cause légitime.

Voilà les points par lesquels la transaction se confond avec les contrats.

Voici maintenant ceux par lesquels elle rentre dans les conditions propres aux jugemens.

Elle a pour sujet un différend éclos ou qui peut éclore, et elle est le prononcé qui le termine : elle devient pour les droits litigieux la mesure définitive qui les règle, et la déclaration résumée des opinions de ceux qui avaient le pouvoir de décider sur eux. C'est ce que le projet exprime trèsbien en disant qu'elle a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Ainsi les jugemens définitifs sont annulés lorsqu'il y a eu falsification de pièces ou rétention malicieuse de celles qui pouvaient éclairer la décision : les mêmes circonstances doivent donc faire annuler la transaction.

que

Quant à l'erreur de droit, quoiqu'elle puisse être en certains cas un motif de casser les jugemens, elle n'en est pas un de rescinder les transactions. C'est que les jugemens sont la voix de la puissance publique ; et partant ce que la puissance publique a dicté est ce qu'ils doivent exprimer. Au lieu les transactions sont l'ouvrage de la volonté individuelle, et leur règle principale, c'est que les volontés s'y soient rapprochées dans une détermination commune. L'objet de la justice est d'imposer silence aux passions, et c'est pour cela que sa mesure doit être exacte. Le but des transactions est de rapprocher les sentimens, et c'est pour cela que leur mesure est flexible.

Il suffit de méditer ces divers caractères, essentiels à la

transaction, pour y trouver la solution de plusieurs questions retracées dans le droit romain, et qui ont exercé depuis la sagacité des écrivains. L'art principal du législateur est de découvrir d'abord à la raison ce petit nombre de principes clairs et féconds d'où découlent toutes les dispositions comme par une pente naturelle, et de laisser ensuite à la jurisprudence la recherche des cas particuliers.

Cet art a été rigoureusement observé dans la rédaction du Code civil; aussi, lorsqu'on vient à considérer ce qu'est ce Code et d'où il a été puisé, l'esprit s'étonne comment cette masse prodigieuse, qui composait l'ancienne doctrine, a pu être réduite à un si petit nombre de titres, dont plusieurs eux-mêmes sont si courts : c'est qu'on y a laissé le moins de place possible aux applications de détail, pour y présenter avec plus de clarté les idées principales. Ainsi résumée, la science offrira un texte plus facile; l'élève y verra mieux ce qu'il doit étudier, le magistrat ce qu'il doit méditer et approfondir, le citoyen ce qu'il doit connaître.

Le vœu du Tribunat est pour l'adoption du projet.

Le décret du Corps législatif fut rendu le même jour, et la promulgation de la loi a eu lieu le 9 germinal an XII (30 mars 1804).

TITRE SEIZIÈME.

De la Contrainte par corps en matière civile.

DISCUSSION DU CONSEIL D'ÉTAT.

» (Procès-verbal de la séance du 16 frimaire an XII. — 8 décembre 1803.)

M. PORTALIS présente le titre IV du livre III.·
Il est ainsi

conçu :

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"

DE LA CONTRAINTE PAR CORPS.

Art. 1. « La contrainte par corps a lieu, en matière civile, contre les agens du gouvernement, pour la répéti«tion des deniers publics et nationaux, et contre toutes « personnes pour le stellionat.

་་

་་

Il y a stellionat lorsqu'on vend un immeuble qu'on a précédemment vendu, ou dont on n'est pas propriétaire ;

« Lorsqu'on présente comme libres des biens hypothéqués

« ou que l'on déclare des hypothèques moindres que celles « dont ces biens sont chargés.

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Art. 2. « La contrainte a lieu pareillement :

« 1°. Pour dépôt nécessaire ;

« 2°. En cas de réintégrande, pour le délaissement, or« donné par justice, d'un fonds dont le propriétaire a été

་་

dépouillé par voies de fait, pour la restitution des fruits

« perçus pendant l'indue possession, et le paiement des dommages et intérêts adjugés au propriétaire ;

་་

« 3°. Pour répétition de deniers consignés entre les mains

de personnes publiques établies à cet effet;

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4°. Pour la représentation des choses déposées aux sé«questres, commissaires et autres gardiens;

5°. Contre les cautions judiciaires;

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