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tué, lorsque mon client, le colonel Voisin, a reçu trois balles dans le corps, ils ne faisaient pas de résistance. (Nouveau mouvement.) Il était tourné; il les a reçues par derrière, il était presque prisonnier. (Murmures, exclamations.) Jen suis bien tâché;... mais....

M. LE PRÉSIDENT. Je recommande un profond silence.... Vous avez la parole.

M FERD. BARROT. Lorsque la parole a été coupée par des protestations comme celles que j'ai entendues, la défense n'est pas libre, et j'y renonce.

M. LE PRÉSIDENT. La parole n'a pas été coupée au défenseur. Il est possible que les termes dont il s'est servi aient excité des impressions plus ou moins vives; mais la parole n'a pas été coupée. Comme c'est moi qui donne la parole aux défenseurs et qui la leur maintiens, je déclare que non-seulement je n'ai pas coupé la parole à l'avocat, mais que je la lui conserve, que je la lui offre de nouveau.

(Me Ferdinand Barrot se rassied.)

Il y a une autre déposition, celle d'un témoin, d'un enfant âgé de treize ans, qui confirme le même fait.

LE COLONEL VOISIN. Le colonel n'était pas présent à cette scène ; il était sur un autre point.

LE COLONEL SANSOT. La garde nationale n'a pas tiré sur des hommes désarmés, mais sur des hommes qui fuyaient.

M. LAUNAY-LEPREVOST. Je demanderai à la cour de donner une explication très-importante sur ce fait-là, puisqu'on s'y arrête. On avait donné ordre de rentrer le paquebot dans le port, et comme plusieurs barques étaient sorties en même temps pour exécuter cet ordre, on a bien pu être trompé et croire que les conjurés s'enfuyaient. Dans cette conjecture, et pour les arrêter, on a fait feu sur ceux qui allaient rejoindre le paquebot. Quoi de plus simple. Mais, du moment qu'on s'est aperçu que c'étaient des Français, on est allé à eux, on les a retirés de l'eau, et plusieurs d'entre eux ont dû la vie à la garde nationale.

M. BERGERET, commissaire de police à Boulogne. Dans la nuit du 5 au 6 août, j'étais de service pour le départ du bateau à vapeur la Cité de Boulogne. Un marin vint me dire qu'on apercevait un bateau à vapeur à quelque distance du port. Comme nous n'attendions pas de paquebot, je ne fis pas attention à cette observation.

« Pendant que j'étais occupé de l'embarquement, le gendarme Theis me demanda si j'avais reçu l'avis officiel que le

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plus surpris, et je fus obligé de lui récidiver mon invitation; je me servis pour cela d'un matelot anglais qui parlait parfaitement le français; je lui dis que j'étais le lieutenant du port et que j'exigeais qu'il rentrât. Il me demanda si j'avais des ordres, je lui répondis qu'il fallait à l'instant même rentrer. Le capitaine ne paraissant pas vouloir s'y décider, je lui signifiai que j'allais m'emparer de son bâtiment, et que, malgré lui, j'entrerais dans le port.

« Le capitaine parut atterré, et me demanda s'il n'y avait rien à craindre pour lui. N'effectuant pas l'ordre que je lui donnai, j'ordonnai au maître de port de se placer au panneau de la machine, au pilote Wadaux de s'emparer de la barre, et au pilote Huret de passer devant pour lever l'ancre. Le eapitaine voyant toutes ces dispositions ordonna de faire marcher le bâtiment.

« Arrivé à deux cents mètres de l'entrée du port, la fusillade allant très-fort, et plusieurs balles tombant sur le bâtiment, par un mouvement de peur, le capitaine ordonna d'arrêter, car alors on tirait sur les hommes du canot qui avait chaviré. Je signifiai au capitaine que j'allais m'emparer de sa personne s'il ne continuait de se diriger sur le port; alors il fit marcher le navire, et, voyant des hommes à la nage, je chargeai le maître du port de rentrer le bâtiment, et je m'embarquai dans un canot monté par cinq hommes et deux gendarmes, pour me rendre vers les hommes qui étaient à la nage.

« Je m'emparai premièrement de Louis Bonaparte, et ensuite d'un officier supérieur et de deux autres personnes qui avaient retiré leurs habits pour mieux nager. Je rentrai au port avec mes quatre prisonniers, que je remis entre les mains de M. le maire de la ville, qui ordonna de les conduire en douane.

« Le gardien de la jetée m'a déclaré qu'avant que je sortisse du port un homme s'était présenté avec un air extrêmement pressé, et lui avait demandé avec instance un pavillon qu'il pût arborer au bout de la jetée. Le gardien l'ayant refusé, il a fait tout ce qu'il a pu pour entrer dans le logement de ce gardien; mais celui-ci ayant fermé la porte de son logement, l'homme prit sa cravate et fit au bout de la jetée des signaux qui étaient évidemment pour le paquebot. Je suppose que cet homme était le même qui était dans le premier canot que j'avais rencontré. Il était d'abord monté dans un bateau pêcheur; mais le patron l'en avait fait des

cendre, sur l'avis d'une femme du peuple que c'était un révolutionnaire.

«

L'audience est levée à cinq heures.

Troisième audience. 30 septembre.

L'audience est ouverte à midi.

L'audition des témoins continue.

LEJEUNE, entrepreneur de bâtiments à Boulogne, rend compte des circonstances de l'arrestation de Lombard, portedrapeau du prince, arrestation qui a eu lieu dans la colonne de Boulogne. Je me présentai, dit-il, à l'accusé en lui disant Je te somme de me remettre ton drapeau et de te rendre prisonnier. » L'accusé tenait un pistolet à deux coups dont il me menaça. Je relevai vivement son bras et le saisis à travers corps en appelant à moi le sieur Noël. L'accusé tenait un pistolet à deux coups de chaque main. Je lui en arrachai un et Noël lui enleva l'autre. Il me supplia de ne point lui enlever l'honneur en lui ôtant son drapeau. J'ai pris le drapeau et je l'ai remis au sous-préfet. Ensuite je me suis dirigé du côté du rivage. Le prince venait d'être arrêté; on me demanda ma capote pour le couvrir, je la donnai.

NOEL, maître maçon à Boulogne, a contribué avec Lejeune à l'arrestation de Lombard. Un individu lui a dit auprès de la colonne : « Crie vive l'Empereur, ou tu es mort. » Je lui dis en relevant son pistolet avec la main : « Malheureux ! veux-tu m'assassiner; retire-toi, il en est temps, et ne joue pas ta tête.» Celui qui était derrière lui dit : « Allons-nousen; et ils se retirèrent. Je m'élançai au haut de la colonne, et, m'emparant du drapeau, je dénouai le mouchoir qui lé tenait fixé par le bas et un foulard qui le retenait au balcon. Le porte-drapeau dit : « Pour mon honneur, laissezmoi descendre mon drapeau.» A ce moment je vis un homme en uniforme qui nous ajustait du pied de la colonne. Je vis de loin le colonel et une partie de la garde nationale qui venaient vers la colonne, et je leur fis signe avec ma casquette. Plus tard, Lombard a été arrêté par Lejeune.

M MARILLON. La déposition de Lejeune avait semblé accuser Lombard d'une menace violente; la déposition de Noël l'a heureusement rectifiée. Le sentiment qui a dicté à

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l'accusé les paroles rapportées par Noël est un sentiment d'honneur militaire que tout le monde comprend, mais il ne voulait attenter aux jours de personne. Aussi s'est-il rendu lorsqu'on lui a promis que le drapeau serai respecté.

LOMBARD. Je n'ai ni menacé ni maltraité le témoin. Cela est si vrai que Lejeune m'a proposé de me sauver. Il m'a dit: Lieutenant, je comprends votre position, vous êtes un brave soldat; je vous sauverai si vous voulez. Alors j'ai répondu Laissez-moi me constituer prisonnier entre les mains de l'autorité.

:

On introduit le témoin général Magnan, commandant le département du Nord. (Mouvement de curiosité.) Il dépose ainsi sur les faits relatifs à l'accusé Mésonan :

Le 28 mars dernier, M. le vicomte de Saint-Aignan, préfet du Nord, me donna avis que le docteur Lombard était Lille, qu'il voyait des officiers de la garnison, et que probablement ce médecin, compromis dans les événements de Strasbourg, cherchait à les séduire. Le préfet me signala les officiers par leurs noms. Ces officiers se trouvant sous la protection de l'indulgence du roi, je ne les nommerai pas. Je pensai qu'il valait mieux prévenir le mal que d'avoir à le punir. Je fis venir ces officiers chez moi; je leur fis comprendre leur faute, qui n'était encore que de l'étourderie, et qui, j'espère, n'aurait pas été plus loin. Je savais que l'un d'eux avait conduit le docteur Lombard sur les remparts de Lille, dans la citadelle; un autre, sachant que Lombard avait été compromis à Strasbourg, lui avait donné à dîner. Un autre, qui le savait aussi, l'avait reçu chez lui et n'avait pas craint de le conduire à la pension des officiers. Je dis que cette conduite était de nature à compromettre les officiers; ils furent sensibles à mes reproches; je les leur avais adressés durement. L'un d'eux se trouva mal chez moi.

« J'avais rempli mon devoir; j'en rendis compte au ministre; je lui dis que ces officiers n'étaient encore que des étourdis, qu'aucun d'eux n'était coupable et ne le serait probablement devenu. Je demandai l'indulgence pour eux. Le ministre me répondit que le roi, malgré la conduite répréhensible de ces officiers, les couvrait de son indulgence.

« Le 7 avril, M. le préfet du Nord m'écrivit que le commandant Parquin, compromis dans les événements de Strasbourg, était à Lille. Mon devoir était de veiller à ce que les officiers de la garnison n'eussent aucun rapport avec lui. Le commandant Parquin avait laissé à Lille une grande réputa

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