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préfet dut céder à leur enthousiasme et à la demande expresse de leur brave colonel. On marcha donc, mais à la vue de la garde nationale, aux cris de vive le Roi! qu'elle poussait avec ardeur, les séditieux s'étaient débandés, et, fuyant à travers champs, ils laissèrent (tant était grande leur précipitation) dans l'intérieur de la colonne leur drapeau et celui qui le portait.

Certain alors de n'avoir plus affaire qu'à des fuyards, le colonel Sansot divisa sa colonne en détachements et se mit immédiatement à leur poursuite toujours précédé par la gendarmerie et accompagné par les hommes du 42°.

Le sous-préfet, après avoir concerté avec le colonel les moyens les plus propres à traquer les fuyards à la côte, rentra immédiatement en ville faisant porter le drapeau, pris par deux gardes nationaux. Il était salué par des acclamations de la population entassée sur la route et dans les rues qu'il devait traverser.

Le rebelle, porteur de ce drapeau, suivait sous la garde de quelques autres gardes nationaux, et sa présence excitait au plus haut degré l'animadversion de la foule.

Cependant les fuyards étaient serrés de près par les détachements formés de la colonne principale dirigée par le colonel, par d'autres détachements sortis de la ville, et à chaque instant quelques-uns tombaient aux mains de la garde nationale ou de la gendarmerie.

C'est ainsi que le lieutenant Bilot, n'ayant plus avec lui que trois gendarmes, a fait mettre bas les armes au sieur Bouffé Montauban, se disant colonel, au lieutenant du 42°, Aladenize, et à cinq autres individus vêtus en militaires.

Bientôt traqués de tous côtés, les insurgés n'eurent plus d'autre ressource que de se jeter à la mer pour essayer de rejoindre le paquebot qui les avait apportés.

Ici commence un série de faits pour l'intelligence desquels il importe de rétrograder.

Pendant la marche sur la Colonne et la poursuite des insurgés, le maire, son premier adjoint, la douane, ceux enfin qui gardaient la ville n'étaient point demeurés inactifs.

M. Adam, avec cette sagacité énergique qui le caractérise, avait compris qu'il importait de couper toute retraite aux insurgés, et il avait dès le principe ordonné au lieutenant du port, Pollet, de se munir d'une force suffisante pour s'emparer du paquebot et le faire entrer au port ou le jeter à la côte.

Cet ordre important fut exécuté avec autant d'intelligence que de résolution par le lieutenant de port, assisté de quelques préposés des douanes, du pilote Huret et de cinq marins. En se rendant à bord du paquebot qui se trouvait sur rade, le lieutenant Pollet rencontra à peu de distance de la jetée de l'ouest le canot de ce paquebot, qu'il supposa avoir été placé là en attendant des ordres; aussi hélé par lui en français, il continua sa route sans s'arrêter à répondre. Bientôt il aborda le paquebot et donna l'ordre au capitaine d'appareiller pour le port; sur le refus de celui-ci, il déclara que ses hommes et lui allaient à son défaut exécuter cette manœuvre, et finit par menacer d'employer la force. Le capitaine se décida enfin; mais parvenu à 200 mètres de la jetée de l'ouest et au bruit de coups de fusil tirés de la plage sur des hommes qu'on voyait à la nage, ce capitaine arrêta son navire; le lieutenant Pollet lui signifia vivement qu'il eût à continuer et l'y contraignit à ce moment, une deuxième embarcation montée par le sieur Carry, premier maître de port, par deux gendarmes de la marine, le pilote Wadoux et cinq canotiers, avait rallié le paquebot.

Le lieutenant Pollet chargea donc le maître Carry de faire rentrer le paqebot, et se jeta dans l'un des canots avec cinq matelots et les deux gendarmes de la marine. Il se dirigea à force de rames sur les hommes à la nage. Le feu dirigé sur ces hommes cessa dès qu'il fut au milieu d'eux, et il receuillit successivement dans son embarcation Louis Bonaparte et son état-major, composé de trois personnes, qu'il conduisit au quai et qu'il remit entre les mains de M. le maire qui s'y trouvait. Ils furent immédiatement conduits au château dans une voiture où le sous-préfet vint lui-même prendre place. Nous avons laissé Louis Bonaparte et ce qui restait des siens acculés à la mer et réduits à chercher leur salut dans les flots il s'étaient en effet emparés d'une embarcation qui se trouvait sur la plage, et ils s'y étaient précipités avec tant d'empressement qu'elle avait chaviré. Ils se trouvaient ainsi à la nage, sous le feu de la garde nationale, lorsque le lieutenant Pollet vint les sauver.

Cependant le sieur Faure, sous-intendant militaire, avait été atteint d'une balle à la tête qui lui a causé la mort; un autre, encore inconnu, a péri par immersion; un troisième, le colonel Voisin, a reçu deux ou trois blessures, et un quatrième, soldat polonais, une balle à l'épaule qui a nécessité l'amputation.

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Ainsi, la prévoyance de M. Adam et l'intelligente résolution du lieutenant Pollet ont assuré la capture de Louis Boparte et de ses principaux adhérents. Mais là ne se sont pas bornées les preuves de zèle et de dévouement du premier de ces fonctionnaires. Informé de la rentrée en ville de M. le sous-préfet et de la fuite des rebelles, il est monté lui-même à cheval pour diriger et encourager par sa présence les poursuites et les recherches, comme il avait pourvu, en l'absence momentanée de M. Launay-Leprevost et avec l'assistance de M. Martinet, son adjoint, à l'armement de détachements de garde nationale et de la douane, expédiés successivement à la poursuite des insurgés.

En se dirigeant vers la Colonne, les insurgés avaient laissé en ville le comte de Montholon et le colonel Parquin, qui furent arrêtés presque aussitôt par le commissaire de police Bergeret, assisté de M. Chauveau Soubitez, officier de la garde nationale. Ce commissaire de police a fait preuve en cette circonstance, comme dans toute cette affaire, d'une énergie et d'un dévouement qui le recommandent à la bienveillance du gouvernement.

De tous côtés, habitants et gardes nationaux, arrêtaient les autres fugitifs et les livraient aux autorités, ainsi que les papiers et valeurs dont ils étaient porteurs et qui étaient déposés aux mains de la justice dont la tâche allait com

mencer.

Il serait impossible, monsieur le ministre, de signaler tous les actes de dévouement, tous les traits de désintéressement, il faudrait citer la population presque entière et multiplier l'infini les récompenses. "

(Suivent ici les propositions de récompenses soumises au gouvernement.)

Je ne vous dis rien de M. le sous-préfet; vous connaissez aussi bien que moi la conduite ferme, intelligente et dévouée qu'il a tenue, et je sais qu'il n'avait pas besoin pour mériter votre entière confiance de cette nouvelle et éclatante preuve de son courage.

Je suis avec respect, monsieur le ministre,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Le préfet du Pas-de-Calais,
Signé: GAUJA.

P. S. 9 août, onze heures du matin.

On a trouvé un aigle vivant à bord de l'Edinburg-Castle. Il appartenait à Louis Bonaparte.

Le capitaine du paquebot nous a dit que les rebelles avaient bu seize douzaines de bouteilles de vin dans leur trajet de Londres à Wimereux, sans compter l'eau-de-vie et les liqueurs. Les soldats du 42° présents à l'action, que nous avons interrogés, nous ont assuré que les rebelles étaient presque tous ivres.

Décret du prince Napoléon-Louis.

Le prince Napoléon, au nom du peuple français, décrète ce qui suit :

La dynastie des Bourbons d'Orléans a cessé de régner. Le peuple français est rentré dans ses droits. Les troupes sont déliées du serment de fidélité. La Chambre des pairs et la Chambre des députés sont dissoutes.

Un congrès national sera convoqué dès l'arrivée du prince Napoléon à Paris.

M. Thiers, président du conseil, est nommé à Paris président du gouvernement provisoire.

Le maréchal Clausel est nommé commandant en chef des troupes rassemblées à Paris.

Le général Pajol conserve le commandement de la première division militaire.

Tous les chefs de corps qui ne se conformeront pas sur-lechamp à ces ordres seront remplacés.

Tous les officiers, sous officiers et soldats qui montreront énergiquement leur sympathie pour la cause nationale, seront récompensés d'une manière éclatante au nom de la patrie. Dieu protége la France!

Signė NAPOLÉON.

Autre décret.

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Le prince Napoléon-Louis, au nom du peuple français décrète ce qui suit:

M.... (le nom en blanc) est nommé sous-préfet de la ville de Boulogne. Il présidera le conseil municipal, et sera investi, jusqu'à nouvel ordre, de toute l'autorité civile e militaire.

Les affaires commerciales ne seront pas interrompues.
Les étrangers jouiront de la plus grande protection.

La propriété sera respectée; l'ordre et la discipline seront rigoureusement maintenus. Tout ce qui sera requis pour le service de l'armée sera payé comptant par le payeur général.

«Ceux qui essayeront d'exciter des divisions dans la ville, l'armée ou les troupes, seront jugés suivant les lois militaires.

« Les gardes nationaux et les autres citoyens qui, animés de l'amour de leur pays, désirent se joindre à l'expédition comme volontaires, se rendront immédiatement à l'esplanade pour être armés et organisés.

«

Chaque compagnie de volontaires nommera ses sousofficiers et officiers jusqu'au rang de capitaine inclusivement. La paie aura lieu dans les proportions suivantes : indemnité une fois payée, 50 fr.; paie journalière, 1 fr. et une ration de pain. Il y aura augmentation suivant les différents grades.

« Les anciens canonniers de l'armée, soit de terre, soit de mer, se réuniront à l'hôtel de ville pour être organisés sous l'organisation du colonel d'artillerie V....

Tous les chevaux de selle seront mis en réquisition; leurs propriétaires devront les amener avec les selles et bri des complètes sur la place des Tintelleries, à.... heures précises, pour être estimés et payés comptant par le lieutenant B.... Les cavaliers volontaires se réuniront sur la même place, sous les ordres du colonel Parquin.

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Cinquante chariots seront requis pour le transport des troupes. Ils seront attelés chacun de quatre chevaux, et pourvus de foin, de paille et d'avoine pour deux jours. Ces

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