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marche à la tête des voies industrielles que sa glorieuse épée débarrasse de toutes entraves, et appelle l'Europe à une vaste confédération politique; l'idée napoléonienne, enfin, cette grande école du dix-neuvième siècle, légitimée par le génie, illustrée par la victoire, sanctifiée par le martyre; l'idée napoléonienne, vous la connaissez, messieurs les pairs, car vous avez servi à ses triomphes, vous qui fûtes les compagnons de la gloire de l'Empereur.

Il faudrait une voix plus éloquente et plus digne de faire entendre ici la parole napoléonienne pour vous en dérouler les magnifiques grandeurs. Ce n'est donc pas à un humble soldat de cette idée à s'en faire l'apôtre devant un si illustre auditoire. A lui seulement, comme à tout citoyen, de pleurer et de gémir sur les malheurs qui ont renversé son Empire. A lui, comme à tout soldat, de verser des larmes sur la grande calamité de Waterloo!

Sénateurs de l'Empire, dites-nous, quelle n'aurait pas été la grandeur de la France sans les désastres de 1814 et 1815? Que ne seriez-vous pas, vous-même aujourd'hui? Rappelezvous, en effet, le rôle qui vous était assigné par les constituions impériales; songez à celui qu'elles vous réservaient.... M. LE PRÉSIDENT. Tout cela me paraît complétement Stranger à votre défense. Il ne s'agit pas de savoir quelle aurait été la grandeur de l'Empire sans la catastrophe de 1815. L'ACCUSE PERSIGNY. Permettez-moi de développer mes idées, d'expliquer la cause qui m'a fait agir. La cour pourra l'apprécier.

M. LE PRÉSIDENT. Continuez, mais en vérité vous ne servez pas votre cause.

L'ACCUSÉ PERSIGNY, reprenant. Songez à celui qu'elles vous réservaient, quand les esprits, si longtemps distraits des préoccupations intérieures par les bulletins de nos victoires, se fussent enfin reportés, à la paix générale, sur les débats de nos assemblées. Mais pensez surtout à ce rôle mille fois plus grand encore qui vous était destiné sous les successeurs du premier Napoléon, quand le génie du grand empereur, descendant avec lui dans la tombe, vous eut légué l'héritage de son pouvoir.

Serait-ce à ce triste devoir de juger et de punir les victimes de nos discordes sans fin que seraient consacrées vos lumières? Non, non, de tels débats n'agiteraient pas cette enceinte. Arbitres des destinées du monde, ce sont des rois

vaincus que vous verriez à cette barre venir implorer le no veau sénat romain!

Mais pourquoi se laisser aller à la pensée de tant de gra deurs, quand on songe à cette loi impénétrable de la des née qui traduit devant vous comme un criminel un pri même du sang impérial, lui qui devrait siéger aujourd'hu premier parmi vous pour prendre conseil de votre sages ou marcher à la tête de nos armées à quelque grand dess de la patrie!

Hélas! pourquoi la France ne sut-elle pas repousser l'étra ger de son sein? Pourquoi les pères de la patrie ne surer ils pas mourir sur leur chaises curules? Pourquoi n'allère ils pas au-devant de Varron au lieu d'aller implorer Anniba

Mais pas de vaines récriminations! L'histoire de tous peuples est souillée de quelques pages funestes. Le gra peuple de l'antiquité, le peuple modèle dans l'histoire monde, les Romains ne virent-ils pas leurs légions passer so le joug des Samnites? et l'or du Capitole ne paya-t-il pas poids de l'épée de Brennus? Il est d'ailleurs, comme a I'Empereur, des événements d'une telle nature qu'ils sont a dessus de l'organisation humaine. Oublions donc les gra deurs passées, puisqu'il faut forcément jeter les yeux sur misères présentes !

Messieurs les pairs, s'il est un sentiment commun et par les juges et parmi les accusés, c'est un sentiment pénible qu'ir spire à tous les cœurs le triste spectacle de nos agitation depuis dix ans. Comment des divisions funestes, des part infatigables, détruisent-ils sans cesse les germes de not prospérité? comment la voix de la France, cette voix puis sante qui jadis faisait trembler l'Europe, est-elle étouffée p les cris de la place publique?

En vain, le langage officiel de la politique jette chaqu jour à la face du pays les grands mots de factions insensées d'ambitions coupables! Ce n'est pas en flétrissant les effe qu'on détruit les causes. Au fond de ces résistances incessan tes doit être une moralité. Il faut la chercher dans notre his toire.

Quand la France impériale succomba, l'Europe entièr liguée contre nous ne fut animée que d'une seule pensée: af faiblir la France. Cette pensée devait être impraticable. En lever nos départements militaires, s'emparer de nos forteres ses ou les détruire, ouvrir sur tous les points de nos nouvelles frontières des passages préparés pour de nouvelles invasions.

us entourer enfin d'une ceinture de fer, rien de ce que ut la stratégie moderne ne fut épargné pour nous soumet3. Et ce n'était point encore assez. Pour rassurer l'Europe rayée au souvenir de nos victoires, il fallait jeter parmi us un principe éternel de division et de faiblesse; il fallait pper la France au cœur.

Illustre et malheureuse maison de Bourbon, vous deviezvir d'instrument à cette politique. Le génie de la diploitie étrangère, toujours si fatal à la France, avait compté destins et les nôtres. Dans ses calculs, dynastie étrangère x nouveaux intérêts, aux nouvelles idées, aux nouvelles ires de la France, vous deviez soulever contre vous ces uveaux intérêts, ces nouvelles idées, ces nouvelles gloires; hoi que vous puissiez faire, vous deviez apparaître toujours la masse inquiète de la nation comme la déléguée de la vicire étrangère, et cette situation éveillant des méfiances conhuelles, excitant les classes les unes contre les autres, deit détruire l'esprit public et donner enfin raison à l'Europe cette France terrible qui avait osé prétendre à l'empire

monde !

Aussi, messieurs les pairs, écoutez lord Castelreagh.... M. LE CHANCELIER. Accusé, je suis forcé de vous répéter e ce n'est pas là une défense. Ce que vous lisez est une véable brochure, et la cour n'est pas ici pour entendre la cture d'une brochure. Venez donc au fait.

M. PERSIGNY. C'est ma défense....

Qu'ai-je besoin, messieurs les pairs, de dérouler devant ous le triste tableau de la situation de la France? Cette siation, ne la connaissez-vous pas mieux que moi? N'en êtesus pas les premières victimes? C'est en vain que vous mptez parmi vous tant de noms célèbres.

M. LE CHANCELIER. Accusé, je ne peux pas vous laisser ontinuer sur un pareil ton. Parlez de votre affaire.

L'ACCUSE. Je proteste contre votre décision, monsieur le résident. J'ai mis dans mes paroles toute la modération ossible, et si la cour m'avait écouté, elle aurait pu s'en conaincre.

M. LE CHANCELIER. Avez-vous des conclusions ? prenez-les. L'ACCUSE. Je n'en prends pas. Je proteste; voilà tout ce ue je puis faire.

M. LE PRÉSIDENT. Votre défenseur s'expliquera pour vous, a parole est à Me Barillon, défenseur de Bouffet-Montauan, Lombard, Conneau et Persigny.

Plaidoirie de Me Barillon.

Le défenseur fait un exposé rapide de la vie de Lombard et Persigny, antérieurement à leurs relations avec Louis Bonaparte. Il essaye ensuite de justifier leur dévouement à sa personne. Il ajoute :

Messieurs, j'arrive à une dernière considération qui domine le procès, et qui me dispensera de vous fatiguer par de longs discours.

Que reproche-t-on aux accusés Lombard, Cenneau et Persigny? On leur dit :

Vous étiez tellement attachés au prince qu'il n'est pas vraisemblable que vous ayez ignoré ses desseins; par conséquent, vous l'avez accompagné avec préméditation, et dans la folle et ridicule pensée de renverser un gouvernement. »

Messieurs, je sais qu'on n'a rien négligé pour réduire ce procès aux mesquines proportions d'un procès correctionnel; qu'on a voulu déverser le ridicule à profusion. Je sais enfin toute la logique du réquisitoire il lui a été plus facile de tourner tout en ridicule que de répondre à des arguments.

On vous a dit que quelques-uns des hommes qui avaient accompagné le prince s'étaient affublés du costume militaire; mais que sous ce costume, on retrouvait les galons de la domesticité. On aurait pu pousser les investigations plus loin, et on aurait retrouvé, sous les galons de la domesticité, d'anciens soldats couverts d'honorables cicatrices. Il ne faut pas, messieurs, que ceux-là mêmes qui ont eu le bénéfice d'un acquittement anticipé restent sous le coup de la trop grande sévérité d'un réquisitoire. Nous nous sommes présentés avec une poignée d'hommes, dites-vous? S'il y a quelque chose en faveur de mes clients, c'est l'exiguïté du nombre. La tentative aurait-elle donc été moins coupable à vos yeux, si, faisant appel non à notre droit, mais à notre force, nous nous fussions présentés en grand nombre? Je le répète, notre excuse est dans l'exiguïté du nombre. Etant en petit nombre, l'affaire était honorable, car elle était tentée par des hommes honorables, des hommes qui avaient honorablement servi le pays....

M. LE PRÉSIDENT. Je ne puis vous passer l'expression d'affaires honorables; un attentat n'est jamais honorable.

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M. Barillon explique sa pensée.

J'arrive, continue l'avocat, au dernier de mes clients, que j'ai besoin de défendre contre les insinuations du ministère public, au colonel Bouffet de Montauban. L'accusation n'a qu'un seul grief contre M. de Montauban : c'est la vie aventureuse de cet officier qui est le meilleur argument de la défense. Cette vie aventureuse explique sa position et son existence à Londres, et comment il a été entraîné dans l'entreprise.

M. Bouffet de Montauban est un de ces jeunes Français qui, à l'époque de notre gloire militaire, s'arrachèrent au collège pour les champs de bataille, avant d'avoir terminé leurs études. Il alla rejoindre son régiment en Italie, dans lequel il s'était engagé en qualité de fourrier. Son avancement fut rapide, et il le dut à cette circonstance qu'il fut attaché au prince Eugène Beauharnais, vice-roi d'Italie. Le prince le plaça dans un régiment de chasseurs italiens: il fit un rapide chemin; il devint successivement sous-lieutenant, lieutenant et adjudant-major. Telle était la situation de M. de Montauban à l'ouverture de la glorieuse et fatale campagne de Russie; il prit part à cette expédition; il fut blessé en combattant avec honneur. Lorsqu'en 1814 il reçut son congé, il avait bien raison de reposer ses membres brisés.

Au retour de l'île d'Elbe, il fut un des premiers à se présenter à la rencontre de l'Empereur, et fit partie du bataillon sacré. Après les Cent-Jours il fut licencié avec l'armée de la Loire; vous savez, messieurs, quelle était la qualificatien donnée alors à ces glorieux débris.

ger:

M. Bouffet de Montauban alla chercher un asile à l'étran de là vient sa vie aventureuse. Il ne pouvait rester en France où il était opprimé, il alla chercher ailleurs la carrière des armes puisqu'il ne pouvait la trouver dans sa patrie; il alla en Colombie, de la sa vie aventureuse. Les guereres sanglantes de ce pays lui permirent de se distinguer; il § devint aide de camp de Bolivar et colonel, et, s'il eut un regret, ce fut de ne pas avoir acquis cette position au service de la France.

Lorsqu'il s'est embarqué, mon client ignorait les projets du prince. Messieurs, on vous l'a dit, le prince seul connaissait le but de l'expédition. Croyez-vous donc que Napoléon, lorsqu'il confia sa fortune au brick l'Inconstant, eût dit à l'avance à ses soldats le but de son voyage? Non. Si Napoléon eût échoué dans son entreprise, si on eût traduit à la barre

BOULOGNE.

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