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tacite, d'après le droit des gens et l'usage général des

nations.

La jurisprudence française établit, quant aux faits qui se passent à bord des navires de commerce, dans un port ou dans une rade en pays étranger, une distinction entre: 1° d'une part, les actes de pure discipline intérieure du navire, du même les crimes ou délits commis par un homme de l'équipage contre un autre homme du même équipage, lorsque la tranquillité du port n'en est pas compromise; et 2°, d'autre part, les crimes ou délits commis même à bord, contre des personnes étrangères à l'équipage ou par tout autre que par un homme de l'équipage, ou même ceux commis par les gens de l'équipage entre eux, si la tranquillité du port en est compromise.

A l'égard des faits de la première classe, la jurisprudence française déclare que les droits de la puissance à laquelle appartient le navire doivent être respectés; que l'autorité locale, par conséquent, ne doit pas s'ingérer dans ces faits, à moins que son secours ne soit réclamé. Ces faits restent donc sous la police et sous la juridiction de l'État auquel appartient le navire.

Quant aux faits de la seconde classe, la jurisprudence française pose le principe, que la protection accordée aux navires marchands étrangers dans les ports ne saurait dessaisir la juridiction territoriale pour tout ce qui touche aux intérêts de l'État; qu'ainsi le navire admis dans un port de l'État est de plein droit soumis aux lois de police du lieu où il est reçu; et que les gens de son équipage sont justiciables des tribunaux du pays pour les délits commis même à bord contre des personnes étrangères à l'équipage, ainsi que pour les conventions civiles qu'ils pourraient faire avec elles; en un mot que la juridiction territoriale, pour cette seconde classe de faits, est hors de doute.

C'est d'après ces principes que les autorités et les juri

dictions se conduisent en France, à l'égard des navires marchands étrangers, mouillés dans ses eaux.

Ainsi, en 4806, un navire de commerce américain le Newton étant dans le port d'Anvers, une rixe eut lieu dans un canot de ce navire, entre deux matelots de son équipage, rixe au sujet de laquelle un conflit de juridiction s'éleva entre les autorités judiciaires du lieu et le consul américain, qui en réclama la connaissance exclusive. Un fait semblable qui se passa, à la même époque, dans le port de Marseille, au sujet d'un autre navire américain, la Sally, donna lieu à une réclamation pareille de la part du consul américain. Il s'agissait, dans cette seconde affaire, d'une blessure grave, faite par le capitaine en second de la Sally, à l'un de ses matelots, qui avait disposé du canot sans son ordre. Le conseil d'État, chargé de se prononcer sur la manière de régler ce conflit, rendit un avis portant qu'il y avait lieu d'accueillir la réclamation des consuls, et d'interdire aux tribunaux français la connaissance de ces deux affaires.

Voici les termes de cet avis:

« Considérant qu'un vaisseau neutre ne peut être indéfiniment considéré comme lieu neutre, et que la protection qui lui est accordée dans les ports français ne saurait dessaisir la juridiction territoriale, pour tout ce qui touche aux intérêts de l'État; qu'ainsi le vaisseau neutre admis dans un port de l'État, est de plein droit soumis aux lois de police qui régissent le lieu où il est reçu; que les gens de son équipage sont également justiciables des tribunaux du pays pour les délits qu'ils y commettraient, même à bord, envers des personnes étrangères à l'équipage, ainsi que pour les conventions civiles qu'ils pourraient faire avec elles; mais que si jusque-là, la juridiction territoriale est hors de doute, il n'en est pas ainsi à l'égard des délits qui se commettent à bord du vaisseau neutre, de la part d'un homme de l'équipage neutre envers un autre homme.

L'exemption des

étrangers de

d'un pays ne

du même équipage; qu'en ce cas, les droits de la puissance neutre doivent être respectés, comme s'agissant de la discipline intérieure du vaisseau, dans laquelle l'autorité locale ne doit pas s'ingérer, toutes les fois que son secours n'est pas réclamé, ou que la tranquillité du port n'est pas compromise;

« Est d'avis que cette distinction, indiquée par le rapport du grand-juge, et conforme à l'usage, est la seule règle qu'il convient de suivre en cette matière; et appliquant cette doctrine aux deux espèces particulières pour lesquelles les consuls des États-Unis ont réclamé; considé rant que dans l'une de ces affaires il s'agit d'une rixe passée dans le canot du navire américain le Newton, entre deux matelots du même navire, et dans l'autre d'une blessure grave, faite par le capitaine en second du navire la Sally à l'un de ses matelots, pour avoir fait usage du canot sans son ordre;

« Est d'avis qu'il y a lieu d'accueillir la réclamation, et d'interdire aux tribunaux français la connaissance des deux affaires précitées'. »

Quelle que soit la nature et l'étendue de l'exemption bâtiments des bâtiments étrangers de la juridiction du pays dont ils la juridiction occupent une partie des eaux territoriales, il est évis'étend pas dent que cette exemption ne peut être invoquée qu'en d'agression faveur des navires observant et respectant eux-mêmes le contre l'État. droit des gens. Car si un navire, soit de guerre, soit de

à justifier

des actes

commerce, venait, dans le port, dans la rade ou dans la mer territoriale d'un État étranger, commettre lui-même des actes d'hostilité contre cet État ou de violence publique contre ses habitants, il s'agirait, non plus de juridiction, mais bien de défense légitime, et l'État attaqué aurait le droit de prendre toutes les mesures nécessaires à cette défense.

1 ORTOLAN, Règles internationales de la mer, t, I, p. 293–298; Appendice, annexe H, p. 444.

Ce principe juste et salutaire a été reconnu par la cour de cassation à Paris, en statuant sur l'affaire du Carlo Alberto, navire de commerce sarde, qui était venu en 1832 débarquer clandestinement, sur la plage de Marseille, la duchesse de Berri et plusieurs de ses partisans, pour l'exécution d'un complot de guerre civile formé par eux. Un des considérants de cet arrêt est ainsi conçu : « Attendu que le privilége établi par le droit des gens en faveur des navires amis ou neutres, cesse dès que ces navires, au mépris de l'alliance ou de la neutralité du pavillon qu'ils portent, commettent des actes d'hostilité; que, dans cé cas, ils deviennent ennemis, et doivent subir toutes les conséquences de l'acte d'agression dans lequel ils se sont placés 1. »

L'exemption des navires de guerre étrangers, entrant dans les ports d'un État neutre, de la juridiction de cet État, ne doit pas s'étendre aux marchandises ou bâtiments saisis par ces navires en violation des droits souverains de cet État neutre.

Tel fut l'arrêt de la cour suprême des États-Unis d'Amérique dans le cas du bâtiment espagnol la Santissima-Trinidad, dont la cargaison avait été saisie en mer pas des navires illégalement armés dans les ports des États-Unis, et faisant la course sous le pavillon de la république de Buenos-Ayres. La permission tacite en vertu de laquelle les navires de guerre d'une puissance amie sont exemptés de la juridiction du pays, ne pouvait pas être interprétée de manière à les autoriser à violer les droits de souveraineté de l'État, en commettant des actes d'hostilité contre les autres nations, avec un armement équippé dans les ports où ils ont cherché un asile. Conformément à ce principe, la cour a ordonné la restitution des marchan

1 SIBET, Recueil général de jurisprudence, t. XXXII, part. 1, P. 578.

$ 10. Juridiction

sur des

dises réclamées par les propriétaires espagnols comme leur ayant été injustement enlevées 1.

4° Les bâtiments, soit de guerre, soit de commerce, de

de l'Etat chaque nation en pleine mer, et hors des limites territobatiments riales d'une autre nation, sont soumis à la juridiction de marchands l'État auquel ils appartiennent.

de guerre et

en pleine

mer.

Vattel dit que « le domaine d'une nation s'étend à tout ce qu'elle possède à juste titre. Ce domaine comprend ses possessions, et par ses possessions il ne faut pas seulement entendre ses terres, mais tous les droits dont elle jouit.» Il regarde aussi les bâtiments d'une nation «< comme des portions de son territoire, surtout quand ils voguent sur une mer libre 2. >>

Grotius prétend qu'une nation peut acquérir la souveraineté sur une portion de la mer, ratione personarum, ut si classis, qui maritimus est exercitus, aliquo in loco maris se habeat. Mais comme l'observe très-bien un de ses commentateurs, Rutherforth, quoiqu'il n'y ait pas de doute quant à la juridiction exclusive d'une nation sur ses flottes en pleine mer, il ne s'ensuit pas que la nation possède la souveraineté sur cette partie de la mer occupée par ces flottes. Ce n'est pas un droit de propriété permanent qu'elle acquiert dans un lieu qui appartient en commun à tous les hommes et dont ils peuvent tous se servir successivement *.

La juridiction qu'une nation peut exercer sur ces bâtiments, soit de guerre, soit de commerce, en pleine mer, est exclusive pour ce qui regarde les offenses commises contre ses propres lois. La piraterie, et d'autres offenses contre le droit des gens, peuvent être jugées par les tribu

1 WHEATON'S Reports, vol. VII, p. 352.

2

VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. vii, §80; liv. I, chap. XIX, § 216.

3 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, chap. ш, § 13.
+ RUTHERFORTH'S Institutes, vol. II, b. II, c. IX, § 48 et 49.

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