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Ce principe général est entièrement indépendant de la règle de décision qui doit guider le tribunal. Cette règle peut être la loi du pays où siége le tribunal, ou bien la loi d'un pays étranger dans certains cas; mais cela n'affecte pas la juridiction des tribunaux, qui peut être exercée sur toutes les personnes résidant même temporairement dans le pays. Cependant cette juridiction, fondée sur le droit international, peut être limitée par les lois civiles de l'État, et il n'y a pas d'usage constant et uniforme parmi les nations pour l'exercice de cette juridiction. Un État souverain peut refuser, à sa discrétion, de prendre connaissance des controverses entre les étrangers. Toutes les actions réelles ou possessoires doivent être nécessairement intentées dans le lieu où les biens en question sont situés, et la jurisprudence anglaise et américaine considère toutes les actions personnelles, ex delicto ou ex contractu, comme transitoires, et les attribue au for domestique, n'importe dans quel pays ces actions ont pris origine, et n'importe qui sont les parties litigantes. Cette règle est basée sur une fiction légale qui suppose que l'injure a été infligée, ou que le contrat a été fait dans les limites de la juridiction locale. Dans les pays dont la jurisprudence est fondée sur le droit romain on suit, en général, la maxime, actor forum rei sequitur; et il faut que les actions personnelles soient intentées devant les tribunaux du pays où le défendeur a acquis un domicile fixe.

D'après la loi française, l'étranger qui a été admis par l'autorisation du roi à établir son domicile en France, y jouit de tous les droits civils, et entre autres de celui de plaider devant les tribunaux du pays. Dans d'autres circonstances, la juridiction sur les étrangers est attribuée à ces tribunaux dans les cas suivants :

4o Dans les cas où l'obligation est contractée en France, ou en pays étranger, entre des étrangers et des Français. 2o Dans les affaires de commerce, où l'obligation est

§ 20. Distinction entre la règle de

décision et

la règle de

contractée en France, et les parties contractantes y ont élu un domicile, ou expressément ou par implication résultant nécessairement des termes de l'obligation.

3o Dans le cas où les étrangers soumettent volontairement leurs litiges à la décision des tribunaux français '.

Dans tous les autres cas où les étrangers non domiciliés en France par autorisation du roi sont intéressés, les tribunaux français refusent d'exercer leur juridiction sur les étrangers, même si l'obligation est contractée en France.

Un savant auteur qui a traité du droit international privé considère cette jurisprudence, qui refuse à l'étranger non domicilié en France la faculté d'intenter un procès contre un autre étranger, comme étant en contradiction avec le droit international européen. Le droit romain a reconnu le principe que tous les contrats les plus ordinaires parmi les hommes tirent leur origine du droit des gens, ex jure gentium, ou, en d'autres termes, que ces contrats sont valides, qu'ils soient faits entre des étrangers et les citoyens, ou entre les citoyens du même État. Ce principe a été incorporé dans le droit des gens moderne, qui reconnaît aux étrangers le droit de contracter des obligations dans les limites territoriales d'un autre État. De ce droit découle nécessairement, pour les tribunaux du pays, celui de contraindre les parties contractantes, qu'elles soient citoyens ou étrangers, à remplir ces obligations 2.

La règle de décision en matière de contrat doit nécessairement être la loi applicable au cas, qu'elle soit le code civil du pays ou un code étranger, mais la règle de proprocédure cédure est en général déterminée par la lex fori du pays où le procès est intenté. Cependant il n'est pas toujours facile de distinguer la règle de décision de la règle de pro

en matière

de contrat.

1 PARDESSUS, Droit commercial, part. VI, tit. vi, chap. 1, § 4. POTHIER, Procédure civile, part. I, chap. 1, p. 2. - Discussion sur le

Code civil, t. I, p. 48.

2 FOELIX, Droit international privé, § 122—123.

cédure. On peut affirmer en général que tout ce qui regarde l'obligation du contrat doit être réglé d'après la loi du domicile des parties contractantes, ou du pays où le contrat a été fait, tandis que tout ce qui regarde les moyens de contrainte à l'exécution doit être réglé par la lex fori.

Si le tribunal est appelé à appliquer au cas la loi du pays où il siége, entre des personnes domiciliées dans le pays, il n'y a nulle difficulté. Comme l'obligation du contrat et les moyens de contraindre les parties contractantes à son exécution, la règle de décision et la règle de procédure doit être cherchée dans le même code. Dans d'autres cas il faut soigneusement distinguer entre l'obligation et les moyens de contrainte.

L'obligation du contrat consiste dans les éléments sui

vants :

La capacité personnelle de contracter.

2o La volonté des parties contractantes exprimée quant aux termes et conditions du contrat.

La forme extérieure du contrat.

La capacité personnelle des parties contractantes dépend de ces qualités personnelles qui sont inhérentes à leur état civil d'après les lois de leur propre pays. C'est seulement ces qualités universelles personnelles qui, d'après les lois civiles de toutes les nations, sont essentielles à la capacité de contracter, qui sont exclusivement réglées par la lex domicili. Telles sont les qualités de majeur et de mineur, de femme mariée ou non mariée, etc.

L'interprétation des termes et conditions expresses du contrat, ainsi que les conditions tacites qui sont annexées au contrat par l'usage et les lois du pays où il est fait, dépendent nécessairement de la lex loci contractus.

La forme extérieure du contrat doit être réglée par la lex loci contractus, qui détermine s'il doit être écrit et passé avec certaines formalités. L'omission de ces formalités annule le contrat ab initio, et étant nul d'après la loi du

§ 21. Effet des

des

pays où il est fait, le contrat ne peut pas être exécuté par les tribunaux d'un autre pays. Mais les règlements fiscaux d'un État n'ont point d'effet exterritorial, et par conséquent le défaut de timbre exigé par la lex loci contractus ne peut pas être allégué devant les tribunaux d'un autre pays.

C'est un principe généralement reconnu parmi les sentences nations, que toute sentence définitive prononcée par le tribunal compétent d'un État, doit être respectée et tenue personam. comme définitive par les tribunaux d'un autre État où la sentence est invoquée comme exceptio rei judicatæ 1.

tribunaux étrangers in

Mais nul État souverain n'est tenu, à moins d'une convention spéciale, à prêter la main à l'exécution dans les limites de son territoire des sentences d'un tribunal étranger. Cependant la convenance et l'utilité mutuelle des États ont établi parmi la plupart des nations l'usage d'accorder réciproquement l'exécution des sentences définitives des tribunaux étrangers sous certaines conditions qui diffèrent dans divers pays.

D'après la jurisprudence anglaise, la sentence définitive d'un tribunal étranger est regardée comme prouvant l'existence d'une dette, à moins que le défendeur ne puisse attaquer la sentence comme étant rendue irrégulièrement. Dans le cas contraire, une nouvelle sentence est rendue par le tribunal anglais, qui confirme la première et la déclare exécutoire contre le débiteur. Mais s'il est constaté par la procédure que la sentence a été prononcée sans une citation personnelle du défendeur, ou qu'elle est fondée sur de fausses présomptions et motivée par des raisons insuffisantes de fait et de droit, l'exécution ne sera pas accordée par les tribunaux anglais.

La même jurisprudence est suivie aux États-Unis d'Amérique quant aux sentences des tribunaux étrangers à l'Union même. Entre les États composant l'Union, une sentence

1 VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. vII, § 84 et 85. Droit des gens, § 93-95.

MARTENS,

prononcée par les tribunaux d'un État est regardée comme définitive et exécutoire par tous les autres États.

La jurisprudence française ne regarde pas les sentences rendues contre des Français devant les tribunaux étrangers comme définitives. Et même si un Français commence un procès devant un tribunal étranger, et est débouté de sa demande, la sentence ne peut pas être alléguée comme une lis finita par le défendeur dans un nouveau procès commencé pour la même cause. Mais si la sentence a été prononcé contre un étranger, elle forme une exception rei judicatæ contre une nouvelle demande intentée devant les tribunaux français. Dans d'autres cas les jugements prononcés en pays étranger sont examinés de nouveau par les tribunaux français avant qu'ils soient déclarés exécutoires en France'.

1 PARDESSUS, Droit commercial, part. VI, tit. vii, chap. 1, § 2, n° 4488. MERLIN, Répertoire, t. VI, tit. Jugement.

droit, tit. Jugement.

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Questions de

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