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CHAPITRE III.

DES DROITS D'ÉGALITÉ.

§ 1.

L'égalité

L'égalité naturelle des États souverains peut être monaturelle des difiée par un contrat positif ou par un consentement supposé fondé sur l'usage, de manière à donner à un État

Etats peut être modifiée par des conventions

ou

une supériorité sur d'autres pour ce qui regarde certains par l'usage. objets particuliers, tels que le rang, les titres, et d'autres

§ 2.

Des honneurs royaux,

distinctions relatives au cérémonial.

C'est ainsi que le droit international de l'Europe a attribué à certains États des honneurs royaux. Tous les empires et royaumes de l'Europe, ainsi que les États du Pape, grands- duchés allemands et les Confédérations germanique et suisse, jouissent maintenant de ces honneurs. Ils étaient autrefois accordés aussi à l'empire d'Allemagne et aux grandes républiques, telles que les Provinces - Unies et la république de Venise.

Ces honneurs royaux sont accordés droit de

donnent aux États auxquels ils préséance sur tous les États qui n'ont pas le même rang, avec le droit exclusif d'envoyer aux autres États des ministres publics du premier rang, tels que des ambassadeurs, et avec d'autres titres distinctifs 1.

1 VATTEL, Droit des gens, t. I, liv. II, chap. ш, § 38. Précis du droit des gens moderne, liv. III, chap. II, § 129. Droit des gens moderne, part. II, tit. I, chap. ш, § 94 et 92. das europäische Völkerrecht, § 28.

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KLÜBER, HEFFTER,

Parmi les princes qui jouissent de ces honneurs, les puissances catholiques accordent la préséance au Pape ou souverain-pontife; mais la Russie et les États protestants de l'Europe le considèrent seulement comme évêque de Rome et comme prince souverain en Italie, et ceux de ces États qui jouissent des honneurs royaux lui refusent par conséquent la préséance.

Sous l'ancienne constitution de l'Empire germanique, l'empereur, comme héritier de Charlemagne et des Césars dans l'empire d'Occident, avait droit de préséance sur tous les autres princes temporels; mais depuis les changements introduits dans cette constitution, et la renonciation qu'a faite l'empereur d'Autriche de ses titres et prérogatives comme chef de la Confédération, le droit de préséance de ce prince sur d'autres princes ayant le même rang peut être regardé comme douteux'.

Les différentes disputes qui ont eu lieu entre des têtes couronnées pour le droit de préséance fourniraient matière à des recherches historiques des plus curieuses, puisqu'elles serviraient à faire connaître les mœurs des cours européennes à des époques différentes; mais l'importance pratique de ces discussions a été singulièrement diminuée par les progrès de la civilisation, qui ne permettent plus que les intérêts sérieux de l'humanité soient sacrifiés à d'aussi vaines prétentions.

§ 3. Préséance parmi les princes

et États qui jouissent des honneurs

royaux.

républiques,

Les publicistes ont ordinairement attribué aux grandes Des grandes républiques, qui avaient droit aux honneurs royaux, un rang un peu inférieur à celui des têtes couronnées de la même classe; et il est de fait qu'autrefois les Provinces - Unies, Venise et la Suisse laissaient la préséance aux empereurs et aux rois régnants, quoiqu'ils la refusassent aux électeurs et aux autres princes qui avaient droit aux honneurs royaux. Mais des disputes de cette sorte ont ordinairement

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été plutôt réglées par la puissance relative des deux parties intéressées que par des règles générales tirées de la forme même du gouvernement. Cromwell savait faire respecter par les têtes couronnées de l'Europe la dignité et l'égalité de la république d'Angleterre, et dans les divers traités entre la république française et les autres puissances de l'Europe, il a été expressément stipulé qu'à l'égard du rang et de l'étiquette, le cérémonial entre ces puissances et la république serait le même que celui observé avant la révolution '.

Les souverains qui ne comptent pas parmi les têtes couronnées, mais qui jouissent des honneurs royaux (comme l'électeur de Hesse) cèdent le pas en toute occasion aux empereurs et aux rois.

Les souverains, au contraire, qui n'ont pas droit aux honneurs royaux, cèdent toujours le pas à ceux qui jouissent de ces honneurs.

Les États mi-souverains ou dépendants ont rang après les États souverains".

Il va sans dire que les États mi-souverains et ceux qui se trouvent sous la protection où la souveraineté d'un État souverain, cèdent toujours le pas à l'État dont ils relèvent. Mais dans le cas où un tiers est intéressé, leurs rapports doivent être réglés par d'autres considérations, et ils peuvent même, comme cela est arrivé pour les électeurs sous l'ancienne constitution germanique, prendre le pas sur d'autres États qui ne jouissent pas des honneurs royaux.

Les questions relatives au rang qu'ont les souverains et les États entre eux, n'ont jamais été résolues par des règlements positifs ou par des conventions internationales; elles reposent plutôt sur l'usage et sur le consentement général

Traité de Lunéville, art. 17.
SCHOELL, Histoire

1 Traité de Campo Formio, art. 23.
Traité de Bâle avec l'Espagne et la Prusse.

des traités de paix, t. I, p. 640.

2 KLÜBER, § 98.

3 HEFFTER, § 28, no 444.

des nations. Au congrès de Vienne on fit un effort infructueux pour classer les divers États de l'Europe afin de déterminer leur rang. A la séance du 10 décembre 1814, les plénipotentiaires des huit puissances qui signèrent le traité de Paris nommèrent une commission devant laquelle on devait porter cette question. A la séance du 9 février 4845, le rapport de la commission, qui proposait d'établir trois classes de puissances, fut discuté; mais des doutes s'étant élevés au sujet de cette classification, et surtout à l'égard du rang assigné aux grandes républiques, la question fut indéfiniment ajournée, et l'on se contenta de déterminer le rang respectif des divers agents diplomatiques des têtes couronnées '.

§ 4.

de l'alternat.

Lorsque le rang de deux États est égal ou indéterminé, De usage on a recours à divers moyens pour éviter toute contestation et pour réserver les droits et les prétentions des deux parties. C'est ainsi que l'on fait souvent usage de ce que l'on nomme l'alternat, par lequel le rang et la place des diverses puissances sont changés, soit par un ordre régulier, soit par le sort. Ainsi dans la rédaction des traités, l'usage de certaines puissances est de se servir de ce moyen, c'est-à-dire de faire en sorte que dans les divers exemplaires du traité, chacune des puissances qui y prennent part occupe à son tour la première place. D'après les règlements du congrès de Vienne, dont nous avons fait mention plus haut, l'ordre à observer doit se régler par le sort 2.

On a souvent aussi adopté, pour régler cet ordre, l'alphabet français, c'est-à-dire que les ministres des différentes puissances doivent signer dans l'ordre que cet alphabet assigne aux noms des puissances qu'ils représentent 3.

1 KLÜBER, Acten des Wiener Congresses, t. VIII, p. 98, 102, 108, 446. 2 Annexe à l'Acte du congrès de Vienne, art. 7.

3 KLÜBER, Uebersicht der diplomatischen Verhandlungen des Wiener Congresses, § 164.

§ 5.

De la langue dont on se sert dans

diploma

tiques.

L'égalité naturelle de toutes les nations autorise chacune d'elles à faire usage de sa propre langue dans les actes les actes diplomatiques, et ce droit a été exercé dans certains pays. Mais on trouva de bonne heure un grand avantage à se servir dans les relations internationales d'une même langue. La langue latine fut donc d'abord adoptée. Mais vers la fin du 15 siècle la prépondérance politique de l'Espagne fit adopter la langue de ce pays pour toutes les correspondances politiques. Enfin l'usage de cette langue a fait place à celui du français, qui depuis le règne de Louis XIV est devenu la langue diplomatique du monde civilisé. Dans les États où l'on ne se sert pas de cette langue, on a pour habitude de joindre au texte du document que l'on veut communiquer une traduction dans la langue de l'État auquel on envoie le document. Tel est l'usage de la Confédération germanique, de l'Espagne et des cours d'Italie. Les États qui ont une langue commune s'en servent ordinairement dans leurs relations entre elles. C'est ainsi que cela a lieu pour les États de la Confédération germanique et pour ceux de l'Italie dans leurs rapports entre eux, et pour les relations internationales de la Grande-Bretagne et des États-Unis d'Amérique.

§ 6. Des titres

Tout prince souverain ou tout État peut prendre tel des princes titre qu'il lui plaît et exiger de ses propres sujets tels honet des États. neurs qu'il veut. Mais la reconnaissance de ces titres par

souverains

d'autres ne s'ensuit pas du tout, surtout dans le cas où un souverain ou un État prend des titres plus élevés que ceux qu'il possédait déjà. C'est ainsi que le titre de roi de Prusse que prit Frédéric er en 1701 ne fut d'abord reconnu que par l'empereur d'Allemagne, et seulement plus tard par les autres princes de l'Europe. Ce ne fut qu'en 1786, sous le règne de Frédéric - Guillaume II, que le Pape reconnut ce titre, et qu'en 1792 que l'ordre teutonique renonça à ses prétendus droits au duché de

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