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culier, cela doit s'entendre dans la supposition que ce ne soit pas pour quelque sujet provenant des affaires que peut avoir le ministre en sa qualité de ministre, pour fournitures faites à sa maison, par exemple, pour le loyer de son hôtel, etc. 2»

En réponse à ces arguments et à ces autorités le gouvernement prussien déclara que si, dans le cas qui nous occupe, l'autorité prussienne eût prétendu exercer un droit de juridiction sur la personne du ministre ou sur ses biens, la solution de la question eût assurément appartenu au droit des gens, et eût dû être résolue selon les préceptes de ce droit. Mais la seule question dans le cas présent ne pouvait être autre que de savoir quels sont les droits légaux établis par le contrat de bail entre le propriétaire et le locataire. Pour résoudre cette question il ne pouvait y avoir d'autre règle que la loi civile du pays où le contrat était fait et devait être exécuté, c'est-à-dire, dans le cas présent, le code civil de Prusse 2.

Le différend ayant été terminé entre les parties par la restitution que fit le propriétaire de la maison des effets mobiliers qui avaient été retenus, après avoir reçu une indemnité raisonnable pour les dégradations faites à sa propriété, le gouvernement prussien proposa de soumettre au gouvernement américain la question suivante:

<«< Si un agent diplomatique étranger accrédité auprès du gouvernement des États-Unis conclut, de son propre consentement, et dans la forme prescrite, un contrat avec un citoyen américain, et si, d'après ce contrat, les lois du pays accordent à ce moyen, dans un cas donné, un droit réel sur les biens mobiliers appartenant à cet agent, le gouvernement américain s'attribue-t-il le droit de dépouiller le citoyen américain de son droit réel, sur la simple

i VATTEL, Droit des gens, liv. IV, chap. vш, § 444.· au baron de Werther, note verbale, 15 mai 1839.

M. Wheaton

2 Le baron de Werther à M. Wheaton, note verbale, 19 mai 1839.

réclamation de l'agent diplomatique qui s'appuie sur son exterritorialité? »

Dans sa réponse à cette question, le gouvernement américain considéra l'exemple offert par le gouvernement prussien comme étant celui d'un contrat tacite dérivant des rapports de propriétaire à locataire, au moyen desquels le premier s'était, d'après les lois civiles du pays, assuré une hypothèque tacite ou gage sur les meubles de l'autre. On prit pour accordé qu'il n'y avait pas d'hypothèque expresse, et encore moins de mise en gage impliquant un transfert de possession comme moyen de sûreté d'une créance.

Cette distinction fut regardée comme importante. Il ne pouvait être douteux que, dans ce dernier cas, le prêteur eût un droit complet, un droit réel, comme l'appelait le gouvernement prussien, ou jus in re, que ne détruisaient pas le moins du monde les immunités diplomatiques. Et conséquemment c'était là la marche indiquée aux créanciers par Bynkershoek, qui leur refuse tous autres moyens de satisfaction sur les biens mobiliers d'un ministre. Il va sans dire que ces mots étaient employés avec la restriction propre qui borne ces biens aux apparatus legationis, ou compris sous la description de legatus instructus et cum instrumento.

Avec ces distinctions et qualifications le gouvernement américain ne doutait pas que le point de vue pris par son ministre dans cette question de privilége ne fût entièrement correct. L'opinion de ce gouvernement avait été clairement exprimée dans l'acte du congrès de 1790, qui range ce cas même de saisie-gagerie pour non-payement de loyer parmi les moyens légaux refusés aux créanciers d'un ministre étranger.

Cette exception n'était pas particulière à la loi écrite de ce pays, mais strictement juris gentium, ainsi qu'il ressortait de la jurisprudence rapportée par le grand publiciste que nous venons de citer, dans son traité de Foro

legatorum, la grande base de cette branche du droit public'.

Outre cette autorité concluante sur le point en question, Bynkershoek pose le principe (tiré de Grotius) que les biens mobiliers d'un ministre étranger ne peuvent être pris par le moyen de saisie - gagerie ou de nantissement, et il lui donne la sanction de son approbation la plus vive 2. L'immense faveur accordée à ce traité devait établir cette doctrine même.

Mais à considérer la chose en principe, trois différentes questions s'élèveraient sur la question proposée par le gouvernement prussien. 4° Le droit du propriétaire en pareil cas est-il un droit réel proprement dit? 2o En admettant qu'il le soit, peut-on le revendiquer, d'accord avec le droit civil prussien, contre un ministre étranger qui ne s'est pas volontairement départi de sa possession, par un contrat exprès, pour sûreté de payement de loyer ou de dommages? 3o En supposant que la loi civile de Prusse consi

1 Quia hæc (bona) considerantur ut personæ accessiones...... Et secundum hæc Mornacius refert ad L. II, § 3 de Judic., regi Galliarum placuisse, anno 1608, male pro locario Parisiis Venetæ reipublicæ legati mobilia fuisse retenta; et constanter ita usu est servatum deinceps ubique gentium. Sed forte dices, id nimium esse, quia ea mobilium detentio non tam fit ex causa personæ, quam jure in re, quod locatori competit in invectis et illatis, quodque jus, lege quæsitum, legatis auferre non possit. Sed tantum abest, ut nimium dicamus, ut vel bona quorum meminit d. edictum anni 1679, non aliter interpretemur, quam bona mobilia, id est, ustensilia, etc. Hæc ustensilia nego, ex jure gentium, pignori esse, vel unquam fuisse, quin nec capi posse, vel ad ordiendum judicium, vel ad servandum quod nobis debetur, vel ad exsequendam rem judicatam. Et facile assentior Grotio, si de ustensilibus accipias, quæ ipse dixit ea nempe pignoris causa capi non posse, nec per judiciorum ordinem, nec manu regia, explosa sic distinctione, quæ aliis olim, sed sine ratione, placuerat. (De Foro legatorum, cap. IX.) Comparez le Catalogue des biens mobiliers ainsi privilégiés, id. cap. XVI.

2 Bona quoque legati mobilia, et quæ proinde habentur personæ accessio, pignoris causa, aut ad solutionem debiti, capi non posse, nec per judiciorum ordinem, nec, quod quidam volunt, manu regia, verius est: nam omnis coactio a legato abesse debet, tam quæ res ei necessarias, quam quæ personam tangit, quo plena ei sit securitas. (BYNKERSHOEK, de Foro legatorum, cap. vIII. — GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. xvII, § 49.)

dère le cas d'un ministre étranger, cette loi peut-elle en pareille circonstance être applicable en conséquence du droit des gens?

Il y avait, dans tous les systèmes de jurisprudence, une grande difficulté à déterminer la catégorie Jégale du droit du propriétaire. Le gage, quoique n'étant pas une propriété, est certainement un droit réel; mais un simple nantissement ou une hypothèque dans laquelle il n'y a aucun transfert de possession n'est pas un gage. En Angleterre et aux États-Unis le droit des propriétaires était originairement une simple garantie réductible par la saisie en un droit de gage. En Écosse le même droit s'appelait quelquefois simple hypothèque résultant d'un contrat tacite. Sans prétendre déterminer précisément auquel des deux principes on devait reporter l'origine de ce droit (ni l'un ni l'autre n'étant peut-être suffisant pour tous ses effets), il est considéré par les meilleurs écrivains comme un droit d'hypothèque convertible, par un certain procédé légal, en un droit de gage.

Si c'est là le point de vue propre du sujet, on pouvait assurément résoudre la question: car le procédé de conversion est autant l'exercice de la juridiction que la mise à exécution; et le ministre public est exempt de toute espèce de juridiction.

Il est vrai que toutes hypothèques ou priviléges sur une propriété sont classés par quelques écrivains au rang de droits réels, mais ceci ne pouvait en rien résoudre le cas en question. Dans un conflit de droits, cela pouvait donner au créancier privilégié un droit de préférence dans la distribution d'un fonds insuffisant, mais la question était de déterminer comment il doit obtenir cette préférence? est-ce par un procédé judiciaire? s'il en est ainsi, il est privé de recours contre quelqu'un non soumis à la juridiction, si ce n'est par la violence ouverte, qui, il va sans dire, n'est pas classée parmi les droits. Par conséquent

les priviléges et les garanties, par la simple opération de la loi, sont ordinairement considérés comme moyen de recours et non de droit; comme appartenant à la lex fori, et non à l'essence du contrat ',

On peut donc regarder comme douteuse, a priori, la question de savoir si, par le code prussien, le droit du propriétaire est un droit réel quant à l'effet, du moins, de le mettre sur le pied de propriété transférée par contrat, car c'était là l'argument.

Mais supposez que tel soit l'effet ordinaire, par l'opération de la loi, du contrat entre le propriétaire et le locataire, cet effet peut-il atteindre quelqu'un non soumis à la loi, non justiciable de la juridiction, et, d'après la fiction de la loi, non résidant dans le pays du contrat?

Par cette supposition, c'était un incident de la loi des rapports entre le propriétaire et son locataire, et ce droit roulait sur un contrat tacite. On supposait que le locataire consentait à prendre la maison aux conditions ordinaires; mais qu'une de ces conditions était que s'il manquait de payer le loyer ou les indemnités dues pour dommages faits à ladite maison, le propriétaire aurait un recours par saisie-gagerie. Il fut donc conclu que ce n'était ni la loi ni le juge, mais le locataire lui-même qui avait transféré, quasi contractu, cet intérêt sur sa propriété. Mais si ce raisonnement était correct, pourquoi ne s'appliquerait-il pas au cas de contrainte par corps et de fourniture de caution, ou à tout autre cas de saisie? Le consentement pourrait être aussi bien impliqué là qu'en faveur du propriétaire. Certe la même induction pourrait raisonnablement s'étendre à toute espèce de lois, et les ministres étrangers pourraient être universellement soumis par contrat à la juridiction civile. La présomption impliquée dans le contrat par la loi locale, et obligeant les parties soumises

'STORY, Conflict of laws, § 423 — 456, 2a Ed.

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