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gies du droit civil relatif à l'obligation des contrats conclus par procuration, est soutenue par un écrivain moderne de grand mérite. Kluber affirme que « les traités publics ne peuvent être valablement conclus que par le représentunt de l'État envers l'étranger (d'ordinaire le gouvernant); soit immédiatement par lui, soit par l'entremise de plénipotentiaires, ainsi que d'une manière conforme aux lois constitutionnelles de l'État. Le traité passé par un plénipotentiaire est valable, si celui-ci n'a point agi hors de ses pleins pouvoirs ostensibles; et une ratification postérieure n'est requise que dans le cas où elle aurait été expressément réservée dans les pleins pouvoirs, ou bien stipulée dans le traité même, comme cela se fait ordinairement aujourd'hui dans toutes les conventions qui, telles que les arrangements militaires, ne sont point nécessitées par l'exigence du moment. La ratification donnée par l'une des parties contractantes, n'oblige point l'autre partie à donner également la sienne. Quant au commencement de la validité du traité, c'est du moment de sa signature, et non de celle des ratifications qui l'ont suivie, que datent ses effets, sauf toutefois les stipulations particulières. Une simple sponsion, un engagement formé pour l'État par qui que ce soit, fût-ce même par le représentant de l'État ou par son mandataire, sans qu'ils y aient été autorisés, n'est obligatoire qu'autant qu'il est ratifié par l'État. La question de savoir si un traité passé au nom de l'État entre le gouvernant et l'ennemi, pendant que le premier se trouve prisonnier de guerre, et si jusqu'à quel point un tel traité est obligatoire pour l'État, ou s'il peut être regardé au plus comme une sponsion, a été le sujet de grandes contestations 1. >>

Martens s'accorde avec Klüber jusqu'à admettre que ce que promet un mandataire, ministre, etc., en restant

'KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 142.

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dans les bornes du pouvoir qui lui a été donné et sur la foi duquel la nation étrangère est entrée en négociation avec lui, est obligatoire, pour l'État qui l'a autorisé, quand même il se serait écarté des règles de son instruction secrète. Le droit des gens n'exige pas à cet effet une ratification particulière. » Mais il ajoute très-judicieusement que «cependant, vu la nécessité de donner aux négociateurs des pleins pouvoirs fort étendus, le droit des gens positif a introduit la nécessité d'une ratification particulière, pour ne pas exposer l'État à des préjudices irréparables que l'inadvertance ou la mauvaise foi du subalterne pourrait lui causer; de sorte qu'on ne compte plus sur les traités qu'en tant qu'ils ont été ratifiés. Mais le motif de cet usage, qui remonte jusqu'aux temps les plus reculés, indique assez que si l'une des deux parties offre dûment sa ratification, l'autre ne peut refuser la sienne qu'en tant que son mandataire s'est écarté des bornes de son instruction, et par conséquent est punissable; et qu'au moins dans la règle il ne dépend pas du libre arbitre d'une nation de refuser sa ratification par de simples motifs de convenance !. »> remarque, dans une note de la 3e édition de son ouvrage, publiée après l'apparition de celui de Kluber, que ce dernier est d'une opinion contraire quant à l'obligation par une partie d'échanger les ratifications quand l'autre le propose; «et comme il (Kluber) ne regarde la ratification comme nécessaire qu'en tant qu'elle a été réservée dans le plein pouvoir, ou dans le traité (ce qu'on n'omet guère aujourd'hui), il semble que cet auteur fasse découler de cette réserve le droit de refuser la ratification à son gré, ce dont je doute 2. » ...

2

Martens

Cette observation de Martens paraît être fondée sur un malentendu de ce que veut dire Klüber, malentendu dans lequel, nous étions nous-même tombé par inadver

1 Martens, Précis, etc., § 48. 2 MARTENS, 3e édit., note F.

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tance dans la première édition anglaise de cet ouvrage. Quoique peut-être il n'ait pas entouré sa pensée de précautions suffisantes, un examen plus approfondi nous a convaincu que ni Klüber ni aucun autre publiciste n'avait émis un principe aussi large, que la ratification d'un traité conclu conformément au plein pouvoir, pût être refusée selon le simple caprice de l'une des parties contractantes, et sans appuyer un tel refus de puissantes et solides

raisons.

Les expressions de Vattel: «Pour refuser avec honneur de ratifier ce qui a été conclu en vertu d'un plein pouvoir, il faut que le souverain en ait de fortes et solides raisons, et qu'il fasse voir en particulier que son ministre s'est écarté de ses instructions,» semblent impliquer qu'il considère l'énonciation d'une telle déviation comme l'une des plus puissantes et des plus solides raisons à alléguer pour refuser la ratification. Mais on peut énumérer plusieurs classes et cas, où l'on conçoit qu'un pareil refus soit justifié, même quand le ministre n'a pas outre-passé ou violé ses instructions. Dans le nombre on peut mentionner les suivants : !!

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4" On peut repousser les traités, même subséquents à la ratification, en se fondant sur l'impossibilité, physique ou morale, d'en remplir les stipulations. L'impossibilité physique a lieu quand la partie qui fait la stipulation n'est pas apte à la remplir, faute des moyens physiques nécessaires dépendant d'elle. L'impossibilité morale a lieu quand l'exécution de l'engagement entamerait injustement les droits de parties tierces. Dans ces deux cas, il s'ensuit que si l'impossibilité de remplir le traité s'élève ou est décou verte avant l'échange des ratifications, cet échange peut être refusé sur ce fondement.

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2o En se fondant sur l'erreur mutuelle des parties relativement a un point de fait qui, s'il avait été connu dans ses véritables circonstances, eût empêché la conclusion du

traité. Là aussi, si l'erreur est découverte avant la ratification, on peut s'en abstenir d'après ce fondement.

3o Dans le cas d'un changement de circonstances dont doit dépendre la validité du traité, soit par une stipulation expresse (clausula rebus sic stantibus), soit par la nature même du traité. Un pareil changement de circonstance ferait rompre le traité même après ratification; ainsi s'il arrive avant la ratification, il apportera une raison forte et solide pour refuser cette sanction.

Tout traité oblige les parties contractantes du jour de sa signature, à moins qu'il ne contienne une stipulation expresse du contraire. L'échange des ratifications a un effet rétroactif, confirmant le traité du jour de sa date 1.

La récente intervention de quatre des grandes puissances de l'Europe dans les affaires intérieures de l'empire ottoman, offre un exemple remarquable d'un traité qui ne fut pas seulement regardé comme obligeant complétement les parties contractantes, mais dont l'exécution fut au moment même commencée avant l'échange des ratifications. Tel fut le cas de la convention du 15 juillet 1840 entre l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie et la Turquie. Dans le protocole secret annexé au traité, il fut arrêté qu'à cause de la distance qui séparait les cours respectives les unes des autres, des intérêts de l'humanité, et des puissantes considérations de la politique européenne, les plénipotentiaires, en vertu de leurs pleins pouvoirs, étaient convenus «que les mesures préliminaires seraient immédiatement mises à exécution et sans attendre l'échange des ratifications, consentant formellement par le présent acte, et avec l'assentiment de leurs cours, l'exécution immédiate de ces mesures 2. »

Ce cas anomal peut, à première vue, sembler contra

1 MARTENS, Précis, etc., § 48. Essai concernant les armateurs, etc., § 48.-KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 48. - HEFFTER, das europäische Völkerrecht, § 87.

2 Murhard, nouveau Recueil général, t. I, p. 463.

dictoire avec les principes ci-dessus établis, de la néces sité d'une ratification postérieure pour donner un effet complet à un traité conclu par des plénipotentiaires. Mais une réflexion plus profonde fera voir la distinction sensible qui existe entre une déclaration des plénipotentiaires, autorisés par les instructions de leurs cours respectives, se dispensant par consentement mutuel de la ratification postérieure, et une demande de l'une des parties contractante que le traité soit mis à exécution sans attendre la ratification de l'autre partie.

La constitution civile de chaque État particulier détermine en qui réside le pouvoir de ratifier les traités négociés et conclus avec les puissances étrangères, et de les rendre ainsi obligatoires pour la nation. Dans les monarchies absolues, c'est la prérogative du souverain lui-même de confirmer l'acte de son plénipotentiaire par sa sanction définitive. Dans certaines monarchies limitées ou constitutionnelles, le consentement du pouvoir législatif de la nation est dans quelques circonstances exigé pour ce cas. Dans quelques républiques, comme dans celle des États-Unis d'Amérique, l'avis et le consentement du sénat sont essentiels pour rendre le chef exécutif de l'État apte à engager la foi nationale dans cette forme. Dans tous ces cas c'est conséquemment une condition implicite en négociant avec des puissances étrangères, que les traités conclus par le gouvernement exécutif seront soumis à la ratification de la manière prescrite par les lois fondamentales de l'État. « Celui qui contracte avec un autre,» dit Ulpien, « connaît ou doit connaître sa condition. » Qui cum alio contrahit, vel est, vel debet esse non ignarus conditionis ejus (1. 19, D de div. R. J. 50, 17). Mais en pratique les pleins pouvoirs donnés par le gouvernement des États-Unis à leurs plénipotentiaires contiennent toujours réserve expresse de ratification des traités par eux conclus, par le président, avec l'avis et le consentement du sénat.

§ 6. Le pouvoir de faire

des traités dépend de la chaque État,

constitution civile de

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