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térêt de la société de le permettre à ses membres. Mais la cour suprême déclara que quelque relâchement à la rigueur des droits de la guerre qu'ait pu établir la pratique la plus modérée et la plus indulgente des temps modernes, il n'y en avait pas sur ce sujet. Le sentiment universel des nations avait reconnu les effets immoraux qui résulteraient de l'admission de rapports individuels entre les États en guerre. La nation tout entière est engagée dans une même affaire et doit être comprise dans un même sort. Chaque individu de l'une des nations doit reconnaître chaque individu de l'autre comme son propre ennemi, parce qu'il est l'ennemi de son pays. Ceci étant le devoir du citoyen, quelle sera la conséquence d'une infraction à ce devoir? Le droit de prise est une partie du droit des gens; par lui un caractère hostile est attaché au commerce, indépendant du caractère du commerçant qui le poursuit ou le dirige. La condamnation au profit de celui qui fait la capture est également le sort de la propriété de l'ennemi et de celle qui se trouve engagée dans un commerce hostile. Mais un citoyen ou un allié peut être engagé dans un commerce hostile, et par là envelopper sa propriété dans le sort de ceux pour la cause desquels il s'embarque. Cette sujettion de la propriété d'un citoyen à être condamnée comme prise de guerre, doit être examinée sous d'autres considérations. Tout ce qui vient d'un pays ennemi est, prima facie, la propriété de l'ennemi, et il est obligatoire pour le réclamant de soutenir la négative de la proposition. Mais si le réclamant est un citoyen ou un allié, en même temps qu'il montre son intérêt, il avoue l'offense cominise, ce qui, d'après la règle bien connue du droit civil, le prive de son droit de poursuivre sa réclamation. Et cette doctrine ne repose pas seulement sur un raisonnement abstrait. Elle est soutenue par la pratique des nations les plus éclairées, on pourrait même dire de toutes les nations

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commerçantes. Ce qui donnait à la cour pleine confiance en son jugement, sur ce cas, c'est qu'en recourant aux archives de la cour des appels dans les causes de prise maritime établie pendant la guerre de l'indépendance, on trouvait que dans des cas nombreux on avait raisonné comme la jurisprudence établie de cette cour. Il était certain que c'était la loi de l'Angleterre avant la révolution américaine, et qu'elle formait ainsi une partie de la juridiction maritime conférée, aux tribunaux des États-Unis par leur constitution fédérale. La question de savoir si le commerce dans ce cas soumettait, aux yeux du droit de prise, la propriété à la capture et à la confiscation, dépendait de la force des termes de la loi. Si par commerce, dans la loi de prise, on entendait la signification du mot qui consiste en négociations ou en contrats, le cas ne se rangerait certainement pas sous la sanction pénale de la règle. Mais l'objet, la politique et l'esprit de la règle sont de couper toute communication ou tout rapport réel d'un lieu à l'autre entre les individus des États en guerre. La négociation ou le contrat n'a donc aucune connexion nécessaire avec le délit. Le rapport en contradiction avec les véritables hostilités est le délit contre lequel est dirigée la règle; et en substituant à ce terme celui de commerce avec l'ennemi, on répondait à l'argument que ce n'était pas un commerce dans le sens du cas cité. Quand à savoir si au moment où la guerre éclate un citoyen a le droit de revenir dans sa patrie avec sa propriété ou non, le réclamant n'avait certainement pas le droit de quitter son pays pour aller chercher sa propriété dans le pays de l'ennemi. La réclamation du vaisseau fut établie dénuée de fondement; car l'entreprise était en même temps volontaire et inexcusable '.

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Ainsi on déclara comme étant une cause de confisca

1 CRANCH'S Reports, vol. p. 155. The Rapid.

tion le cas où les hostilités étant survenues, le navire en question, avec une pleine connaissance des événements, et sans être pressé par aucun danger particulier, avait changé de direction, et touché un port ennemi où il avait négocié et pris une cargaison. Si un pareil acte pouvait se justifier, ce serait en vain qu'on prohiberait le commerce avec l'ennemi. Le trafic subséquent dans le pays de l'ennemi au moyen duquel le navire obtint le retour de la cargaison se lie à l'intention d'un voyage volontaire pour un port ennemi, et la circonstance qu'il était conduit de force dans une partie des domaines de l'ennemi, quand sa destination véritable était autre, ne pouvait le disculper. La conduite de ce navire méritait beaucoup moins d'être défendue que celle du Rapide1.

De même aussi, on déclara susceptibles de confiscation les marchandises achetées quelque temps avant la guerre par l'agent d'un citoyen américain dans la Grande - Bretagne, mais qui ne furent chargées que presque un an après la déclaration des hostilités. En supposant qu'un citoyen ait, à l'ouverture des hostilités, le droit de retirer du pays de l'ennemi, sa propriété achetée avant la guerre (cas sur lequel la cour ne s'est point prononcée), il faut que ce droit soit exercé avec la diligence nécessaire et dans un temps raisonnable; après la connaissance des hostilités. Permettre à un citoyen de retirer sa propriété d'un pays ennemi longtemps après le commencement de la guerre, sous le prétexte qu'elle a été achetée avant la guerre, conduirait aux conséquences les plus préjudiciables, et exciterait les tentations de toute espèce de trafic frauduleux et illégal avec l'ennemi. Avec une extension aussi illimitée, le droit ne saurait exister 2.

Dans un autre cas le vaisseau appartenant à des citoyens des États-Unis fit voile de là avant la guerre avec une

1 CRANCH'S Reports, vol. VIII, p. 169-179.

2 Ibid., vol. VIII, p. 434. The St. Lawrence. Vol. IX, p. 120, S. C.

cargaison ou fret pour un voyage à Liverpool et dans le nord de l'Europe, pour revenir ensuite aux États-Unis. Il arriva à Liverpool, y déchargea sa cargaison, en prit une autre à Hull, et mit à la voile pour Saint-Pétersbourg avec une licence anglaise accordée le 8 juin 1812, autorisant l'exportation d'acajou en Russie, et l'importation d'une cargaison de retour en Angleterre. A son arrivée à SaintPétersbourg il reçut les nouvelles de la guerre, et fit voile pour Londres avec une cargaison russe adressée à des négociants anglais; il hiverna en Suède, et au printemps de 1843 fit voile, sous l'escorte d'un vaisseau de guerre anglais, pour l'Angleterre, où il arriva, déposa sa cargaison et remit à la voile pour les États-Unis sur lest, avec une licence anglaise, et fut capturé près du phare de Boston. La cour arrêta, en rendant son jugement, qu'après les décisions citées ci-dessus, il n'y avait pas lieu à décider que le voyage avec une cargaison ou fret de la Russie au pays de l'ennemi, après une pleine connaissance de la guerre, n'eût pas la gravité d'un commerce avec l'ennemi, de nature à assujétir à la fois le navire et la cargaison à la condamnation de prise de guerre comme si la capture en eût eu lieu pendant ce voyage. La nécessité alléguée d'entreprendre ce voyage pour couvrir le maître du fret et le décharger de ses dépenses à Saint-Pétersbourg, encouragea ce dernier, ainsi qu'il le déclarait, d'après l'avis du ministre américain dans cette ville, à entreprendre ce voyage sans croire violer les lois de son pays. Quoique ces considérations, si elles était fondées sur la vérité, présentassent un cas de difficulté particulière, elles ne fournissaient cependant pas d'excuse légale qu'il fût possible à la cour d'admettre comme base de sa décision. Le conseil du plaignant semblait être convaincu de l'insuffisance de cette raison, et il mettait toute sa force à montrer que le navire n'avait pes été pris in delicto, ayant terminé le voyage offensif dans lequel il s'était engagé dans le pays

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de l'ennemi, et ayant été capturé à son retour en Amérique sur lest. On ne pouvait nier que s'il eût été pris pendant le même voyage dans lequel le délit fut commis, on le considérerait comme encore in delicto, et sujet à confiscation; mais on soutenait que son voyage s'était terminé dans le port ennemi, et qu'il revenait de ce port par un nouveau voyage. Mais la cour dit que, même en admettant que le voyage du départ et celui du retour pussent être séparés de manière à en faire deux voyages distincts, il n'était cependant pas possible de nier que les limites (termini) de ce voyage ne fussent Saint-Pétersbourg et les États-Unis. La continuité de ce voyage ne pouvait être rompue par la déviation volontaire du maître, dans le but d'entreprendre un commerce intermédiaire. Les réclamants admirent que la traversée du pays neutre au pays de l'ennemi ne fut pas entreprise comme un nouveau voyage; c'était, disaient-ils, un voyage subsidiaire au voyage de retour, c'était en somme un voyage du pays neutre par le chemin du pays ennemi; et conséquemment, si le navire pendant tout le temps de ce voyage était saisi pour quelque acte le soumettant à la confiscation comme prise de guerre, il était saisi in delicto1..

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Nous avons vu quelle est la règle du droit public et du droit privé sur ce sujet, et quelles sont les sanctions qui la soutiennent. On a tenté plusieurs fois d'éviter son effet et d'échapper à ses peines; mais son inflexible rigueur a dérouté toutes ces tentatives. Les exceptions apparentes à la règle, loin d'en affaiblir la force, la confirment et la corroborent. Elles se résolvent toutes dans des cas où le commerce avait lieu avec un pays neutre, ou bien où les circonstances étaient considérées comme impliquant une licence, ou encore dans le cas où le commerce n'était pas achevé au moment où l'ennemi avait cessé d'être ennemi.

2 CRANCH's Reports, vol. III, p. 454, 455. The Joseph.

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