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inévitablement concluant. On dit souvent que si une personne vient seulement pour une affaire particulière, ce fait n'établira pas un domicile. Il ne faut pas prendre cette mesure sans restriction, et sans avoir quelque égard au temps qu'une pareille affaire peut ou pourra demander. Car si l'affaire est de nature à pouvoir retenir probablement ou à retenir véritablement la personne pour un long laps de temps, il pourrait naître une résidence générale de cette affaire spéciale. Une affaire spéciale peut conduire un homme dans un pays et l'y retenir toute sa vie. Contre une si longue résidence on ne peut invoquer l'exception d'une affaire spéciale originaire. On doit conclure d'un pareil cas que d'autres affaires se présentèrent forcément à lui, et se mêlèrent au dessein originaire, et imprimèrent sur lui le caractère du pays où il résidait. En supposant qu'un homme vienne dans un pays belligérant au moment ou avant le commencement de la guerre, il est certainement raisonnable de ne pas lui imposer trop tôt un caractère acquis, et de lui laisser tout le temps de se débrouiller; mais s'il continue à résider pendant une bonne partie de la guerre, contribuant par le payement des taxes et autres moyens à la force de ce pays, il ne pourrait plaider son affaire spéciale avec quelque effet contre les droits d'hostilités. S'il le pouvait, il n'y aurait pas de défense suffisante contre les fraudes et les abus d'une résidence de longue durée obtenue par des affaires feintes, cachées et uniques dans l'origine. Il y a un temps qui opposera une exception à de tels moyens; il n'y a pas de règle qui puisse fixer le temps a priori, mais il faut qu'il y ait une pareille règle. Pour preuve de l'efficacité seulement du temps, il n'est pas mal à propros de remarquer que la même quantité d'affaires qui n'établirait pas un domicile dans un certain laps de temps, aurait néanmoins cet effet étant distribuée dans un plus large espace de temps. Cette matière doit être prise en proportion du

temps et des occupations avec une grande prépondérance sur l'article du temps quelle que soit l'occupation, il ne peut pas se faire, à peu d'exceptions près, que le temps ne constitue pas un domicile '. »

Dans le cas du Chef Indien, décidé en 1800, M. Johnson, citoyen des États-Unis domicilié en Angleterre, s'était engagé dans une entreprise commerciale, aux Indes orientales anglaises, commerce défendu aux sujets anglais, mais permis aux citoyens américains, en vertu du traité de commerce de 1794 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.

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Le vaisseau vint dans un port anglais au retour de son voyage, et fut saisi comme engagé dans un commerce illicite. M. Johnson ayant alors quitté l'Angleterre, fut déclaré ne pas être sujet anglais au moment de la capture, et la restitution fut décrétée. En rendant son jugement dans ce cas, sir W. Scott dit « qu'il était clair que le caractère national de M. Johnson comme marchand anglais n'était fondé que sur sa résidence, qu'il était acquis par la résidence et ne reposait que sur cette seule circonstance. On pouvait donc regarder que du moment où il avait quitté le pays de sa résidence, en retournant dans son pays, il reprenait son caractère originaire et devait être considéré comme Américain. Le caractère obtenu par la résidence cesse par la non-résidence, et ne s'attache pas plus longtemps à l'individu, dès l'instant qu'il s'est mis en mouvement, bona fide, pour quitter le pays sine animo revertendi 2. »

du caractère national

primitif.

Le caractère national acquis par la naissance revient Retour facile aisément; il exige moins de circonstances pour constituer le domicile, dans le cas d'un sujet natif, que pour imprimer le caractère national à un individu originaire d'un autre pays. Ainsi la propriété d'un Français qui avait longtemps résidé et qui probablement était naturalisé aux États1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. II, p. 324. L'Harmonz. 2 Ibid., vol. III, p. 42. The Indian Chief.

Unis, mais qui était retourné à Saint-Domingue et avait de là pris une cargaison des produits de cette ile pour la France, fut condamnée par la baute cour de l'amirauté 1.

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Pour le cas de M. Dutilth, le conseil du réclamant se référait à celui du Chef Indien, comme ayant obtenu restitution, quoiqu'au moment du voyage il résidât dans le pays de l'ennemi. Mais sir C. Robinson rapporte une décision des lords d'appel, en 1800, par laquelle différentes portions de la propriété de M. Dutilth furent condamnées et d'autres restituées selon les circonstances de sa résidence au temps de la capture. Cette décision est plus particulièrement notée par M. John Nicholl, pour le cas de l'Harmony, plaidé devant les lords le 7 juillet 1803. «Le cas de M. Dutilth vient à l'appui du cas présent. Il vint en Europe vers la fin de juillet 1793, à une époque où l'alarme était fort grande touchant l'état du commerce. Il alla en Hollande, en état non seulement d'amitié mais d'alliance avec ce pays. Il y resta jusqu'à l'entrée des Français. Pendant tout le temps qu'il demeura dans ce pays il resta sans aucun établissement. Il n'avait là aucune maison de banque, aucun contrat ni affaire avec des fournisseurs. Il y employait des marchands à vendre sa marchandise en leur payant une commission. A l'entrée des Français en Hollande, il s'informa de ce qu'il avait à faire dans ces circonstances, étant resté dans ce pays à cause de l'état douteux du crédit commercial qui affectait nonseulement les maisons hollandaises et américaines, mais encore les maisons anglaises, qui toutes veillaient à l'état du crédit dans ce pays. En 1794, quand les Français y vinrent, M. Dutilth s'adressa au ministre américain en Hollande, M. Adams, qui lui conseilla de rester jusqu'à ce qu'il ait pu se procurer un passeport. I resta là jusqu'à

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1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 96. La Virginie. La même règle est aussi adoptée dans la loi des prises de France (Code des prises, t. I, p. 92, 139, 303) et par les cours de prises d'Amérique (WHEATON'S Reports, vol. II, p. 76). La Dos Hermanos.

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·la fin de la guerre, et ayant arrangé ses affaires, il retourna en Amérique. Une partie de ses biens fut capturée avant son arrivée. La portion qui fut prise avant qu'il revint lui fut rendue (the fair american, Adm., 4796). Mais la partie qui fut prise pendant qu'il était en Hollande fut condamnée, et ce, parce qu'il était en Hollande au temps de la capture (The Hannibal and Pomona, Lords 1800.)

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Le cas de la Diana, décidé par sir W. Scott en 1803, est aussi plein d'instruction sur ce sujet. Pendant la guerre qui commença en 1795 entre la Grande-Bretagne et la Hollande, la colonie de Demerara se rendit aux armes anglaises, et par le traité d'Amiens elle fut restituée aux Hollandais. Ce traité contenait un article accordant aux habitants de quelque pays qu'ils fussent, un terme 'de trois ans à compter de la notification du traité, pour disposer de leurs biens acquis avant ou pendant la guerre, · auquel terme ils auraient la libre jouissance de leurs propriétés. Avant la déclaration de guerre contre la Hollande en 4803, la Diane et plusieurs autres navires chargés de produits coloniaux furent capturés dans un voyage de Demerara en Hollande. Immédiatement après la déclaration, et avant l'expiration des trois ans de la notification du traité d'Amiens, Demerara se rendit encore à la GrandeBretagne. Les réclamations des propriétés capturées furent adressées par les sujets anglais originaires, habitants de Demerara, dont quelques-uns s'étaient établis dans la co·lonie au moment où elle appartenait à la Grande-Bretagne, d'autres avant cet événement. La cause vint après que la colonio fut redevenue anglaise.

Sir W. Scott décréta la restitution à ceux des sujets anglais qui s'étaient établis dans la colonie pendant la possession anglaise, mais condamna la propriété de ceux qui s'y étaient établis avant cette époque. Il soutint que ceux

1 WHEATON'S Reports, vol. II, p. 56, note.

de la première classe, en s'établissant à Demerara quand cette colonie appartenait à l'Angleterre, étaient présumés avoir l'intention de revenir si l'ile passait à une puissance étrangère, et cette présomption, reconnue par le traité, relevait ces réclamants de l'obligation de prouver cette intention. Il croyait raisonnable de les admettre à leur jus postliminii, et il les soutenait en droit de prétendre à la protection des sujets anglais. Mais il était clairement d'avis que «la simple date récente d'établissement ne servirait de rien, si l'intention d'y faire une résidence permanente n'était arrêtée par la partie. Le cas de M Whitehill établissait pleinement ce point. Il était arrivé à Saint-Eustache seulement un jour ou deux avant que l'amiral Rodney et les forces anglaises eussent paru; mais il fut prouvé qu'il était parti pour s'y établir, et sa propriété fut condamnée. Ici donc la date récente serait insuffisante. »>

Mais la propriété de ceux des réclamants qui s'étaient établis à Demerara avant que cette colonie tombât en la possession de la Grande-Bretagne, fut condamnée. «S'étant établis sans croire à la possession anglaise, on ne peut supposer, dit-il, «qu'ils aient abandonné leur résidence parce que cette possession avait cessé. Ils avaient passé avec indifference d'une souveraineté dans une autre, et si l'on pouvait supposer qu'ils eussent cherché à renouer avec ce pays, ils ne devaient l'avoir fait que dans des circonstances qui ne pouvaient en rien affecter leur intention de rester là. Quant à la situation des personnes établies dans la colonie avant l'époque de la possession anglaise, je me sens obligé de prononcer qu'elles doivent être considérées sous le même point de vue que les personnes résidant à Amsterdam. On doit comprendre cependant que s'il y en avait parmi elles qui s'en allassent véritablement, et que ce fait fùt suffisamment prouvé, leurs biens pourraient leur être rendus. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il devrait y avoir intention évidente de retour de la

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