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due réparation, et, enfin, quelque proportion du châtiment à l'offense. Ici il y avait une évidence très-imparfaite de l'outrage, aucune preuve de refus de réparation, et démonstration de l'excessive et monstrueuse injustice de ce qui était faussement appelé représaille. La valeur d'une capitale ne doit pas être estimée par ses maisons, magasins et boutiques. Elle consiste principalement en ce qu'on ne peut ni nombrer ni peser. Ce n'était pas même la grandeur ou l'élégance de ses monuments qui la rendait le plus chère à un peuple généreux. Ce peuple la regardait avec affection et orgueil comme le siége de la législation, comme le sanctuaire de la justice publique, souvent comme liée à la mémoire des temps passés, quelquefois encore plus comme jointe à ses plus chères, à ses plus hautes espérances de grandeur à venir. Mettre ces sentiments respectables d'un grand peuple, sanctifiés par le nom illustre de Washington, au niveau d'une demi-douzaine de baraques, dans le siége temporaire d'un gouvernement provincial, était un acte d'une intolérable insolence, et impliquait autant de mépris pour les sentiments de l'Amérique que pour le sens commun du genre humain '.

des ouvrages d'art du musée du Louvre à Paris, en 1815, aux pays d'où ils

avaient été les guerres révolution

pris pendant

de la

L'invasion de la France par les puissances alliées de Restitution l'Europe en 1815, fut suivie de la restitution violente des peintures, statues, et autres monuments d'art, recueillis dans les différents pays conquis pendant les guerres de la révolution française, et déposés dans le musée du Louvre. Les bases d'après lesquelles ces mesures furent adoptées sont pleinement expliquées dans une note délivrée par le ministre anglais lord Castlereagh aux ministres des autres puissances alliées, à Paris, le 14 septembre 1815. Dans cette note il fut exposé par le plénipotentiaire anglais que des représentations avaient été faites devant le congrès assemblé dans cette capitale, de la part du Pape,

1 Débats parlementaires d'HANSARD, vol. XXX, p. 526 et 527.

française.

du grand-duc de Toscane, du roi des Pays-Bas, réclamant par l'intervention des puissances alliées la restitution des statues, peintures, et autres ouvrages d'art, dont leurs États respectifs avaient été successivement dépouillés par le dernier gouvernement révolutionnaire de la France, contrairement à tous principes de justice et aux usages de la guerre moderne. Cet ambassadeur s'étant reféré aux considérations de sa cour, avait reçu du prince régent l'ordre de soumettre aux considérations de ses alliés les remarques suivantes sur cet intéressant sujet :

C'était alors la seconde fois que les puissances de l'Europe avaient été forcées, pour la défense de leurs libertés et la tranquillité du monde, d'envahir la France. Deux fois leurs armées avaient été en possession de la capitale de l'État, dans laquelle étaient accumulées ces dépouilles de l'Europe. Le souverain légitime de la France avait, comme il arrive souvent, été mis à même, sous la protection de ces armées, de remonter sur son trône et de négocier pour son peuple une paix avec les alliés, à l'indulgence marquée desquels ni la conduite de ce peuple envers son roi, ni sa conduite envers les autres États ne lui avait donné de justes prétentions. Les plus purs sentiments de considération pour Louis XVIII, la déférence pour son ancienne et illustre maison, le respect pour ses malheurs, avaient invariablement guidé les conseils des alliés. Leur conduite l'avait déjà prouvé en 1814, quand ils avaient fait le traité de Paris, en prenant pour base la conservation de la France dans son intégrité complète; et encore plus quand, après leur dernier désappointement, ils faisaient encore de nouveaux efforts pour combiner définitivement les intérêts matériels de la France avec un système de précaution temporaire assez équitable pour satisfaire à ce qu'ils devaient à la sécurité de leurs propres sujets. Mais ce serait le comble de la faiblesse et de l'injustice, et un procédé beaucoup plus propre, dans ses effets, à détourner

le peuple français des habitudes morales et pacifiques qu'à l'y conduire, si les souverains alliés, de qui le monde attendait avec anxiété protection et repos, repoussaient ce principe d'intégrité dans son application juste et libérale aux autres nations leurs alliés (et plus spécialement aux nations faibles et dénuées de ressources), principe qu'ils étaient une seconde fois sur le point d'accorder à une nation dont ils avaient eu depuis si longtemps occasion de supporter la guerre. D'après quel principe la France pouvait-elle, à la fin d'une pareille guerre, s'attendre à prendre place avec la même étendue de territoire qu'elle possédait avant la révolution, et désirer retenir les dépouilles de l'art de tous les autres pays? Était-il possible de douter de l'issue de la contestation, ou du pouvoir des alliés pour effectuer ce qu'exigeaient la justice et la politique? S'il n'y avait pas de doute possible, d'après quels principes priveraient-ils la France de ses dernières acquisitions, quand ils lui conserveraient les spoliations qui consistaient en objets d'art appartenant à ces territoires, objets que tous les conquérants modernes avaient invariablement respectés comme inséparables du pays auquel ils appartenaient.

Ces remarques étaient amplifiées d'une variété de considérations d'urgence politique dont la récapitulation est inutile, et la note concluait en déclarant qu'en appliquant un remède à ce mal offensif, aucun terme moyen ne paraissait pouvoir être adopté sans reconnaître une foule de spoliations sous le couvert de traités d'un caractère plus flagrant, s'il est possible, que les actes de rapine ouverte au moyen desquels ces restes avaient en général été réunis. Le principe de propriété, réglé par les réclamations de territoires d'où ces ouvrages avaient été enlevés, est le seul et plus sûr guide de la justice. Il n'y avait peut-être rien qui tendît davantage à asseoir l'esprit public de l'Europe, à ce jour, qu'un pareil hommage de la

part du roi de France à un principe de vertu, de conciliation et de paix '.

Dans les débats qui s'élevèrent dans la chambre des communes, le 20 février 1816, sur la paix avec la France, sir Samuel Romilly, parlant par hasard de cet acte, déclara qu'il n'était en aucune manière satisfait de son équité. Il n'était pas vrai que les ouvrages d'art déposés dans le musée du Louvre eussent été enlevés comme dépouilles de guerre. Un grand nombre, et les plus remarquables, étaient devenus la propriété de la France par stipulations expresses de traités; et il n'y avait rien à répondre sur ce que ces traités avaient été faits nécessairement par des agressions injustes et des guerres sans principes. En effet toute foi entre les nations trouverait une fin, si l'on devait regarder les traités comme non obligatoires parce que les guerres qui les ont fait naître étaient injustes, d'autant plus qu'il ne pourrait y avoir d'autre juge compétent pour décider de la justice de la guerre, que la nation elle-même. Et puis par qui ce soi-disant acte de justice, «< cette grande leçon morale, » comme on l'appelait, avait-elle été proposée? Par ces mêmes puissances qui avaient à différentes époques poussé la France dans ses guerres injustes. Parmi d'autres articles enlevés de Paris sous le prétexte de les rendre à leurs légitimes propriétaires, étaient les célèbres chevaux de Corinthe qui avaient été rapportés de Venise. Mais quel étrange acte de justice était-ce que de rendre aux Vénitiens leurs statues, et de ne pas leur restituer ces biens d'une valeur bien plus considérable, leurs territoires et leur république qui leur furent enlevés en même temps! Mais la raison en était claire: La ville et le territoire de Venise avaient été transférés à l'Autriche par le traité de Campo-Formio, mais les chevaux étaient restés les trophées de la France. Et l'Autriche, tout en adressant ainsi

1 MARTENS, Nouveau Recueil, t. II, p. 632.

d'une manière hypocrite cette leçon morale aux nations, non-seulement gardait tranquillement les riches et injustes dépouilles qu'elle avait eues, mais restituait ces splendides ouvrages de l'art non pas à Venise qui en avait été dépouillée, à Venise antique, indépendante, républicaine, mais à Venise autrichienne, à ce pays qu'au mépris de tous les principes qui soi-disant la faisaient agir, elle retenait encore comme partie de ses domaines '.

§ 7. Distinction

entre

privée prise

en mer

ou prise sur terre.

Les progrès de la civilisation ont lentement mais constamment tendu à adoucir l'extrême sévérité des opérations la propriété de la guerre sur terre; mais cette sévérité existe encore dans toute sa rigueur dans la guerre maritime. Dans cette dernière la propriété privée de l'ennemi prise en mer, ou dans les ports, est sans distinction susceptible de capture et de confiscation. Cette dissemblance dans les opérations des lois de la guerre sur terre et sur mer a été justifiée par l'usage allégué de considérer comme butin la propriété privée enlevée dans les villes prises d'assaut. Le fait bien connu que des contributions sont levées sur les territoires occupés par une armée ennemie, au lieu d'une confiscation générale de la propriété appartenant aux habitants, sert encore de justification. Et puis l'objet de la guerre sur terre étant la conquête ou l'acquisition d'un territoire devant être échangé en équivalent d'un territoire perdu, la considération du vainqueur pour ceux qui vont être ou ont été ses sujets l'empêche naturellement d'exercer ses droits extrêmes dans ce cas particulier. Tandis que le but des guerres maritimes est la destruction du commerce et de la navigation de l'ennemi, qui sont les sources et les nerfs de sa puissance navale. Et ce but ne peut être atteint que par la capture et la confiscation de la propriété privée.

L'effet d'un état de guerre légalement déclaré est de mettre tous les sujets de chaque puissance belligérante en 1 Life of Romilly, edited by his Sons, vol. II, p. 401.

§ 8.

Quelles sont les

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