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qu'est-ce qui doit l'empêcher d'y avoir recours pour éviter un procédé si vexatoire? Les croiseurs belligérants et les cours de prises n'ont jamais été assez modérés et assez justes pour faire désirer aux neutres de chercher volontairement l'occasion d'être examinés et jugés par eux. Certes, sur la supposition que la justice serait administrée d'une manière prompte, impartiale et pure, par les tribunaux de prises du Danemark, les patrons des vaisseaux américains ne pouvaient avoir aucun motif d'éviter l'examen des croiseurs danois, puisque leurs preuves de propriété, à eux Américains, étaient claires, leurs voyages légaux, et qu'ils ne savaient pas être exposés à la moindre chance de condamnation devant ces tribunaux. Quelques-uns de ces vaisseaux avaient été examinés à leur voyage sur la Baltique, et acquittés par les cours d'amirauté danoises. Pourquoi donc leur imputerait-on un motif coupable, quand leur conduite pouvait naturellement s'expliquer par un motif innocent? Assurément, dans les ravages multipliés auxquels le commerce neutre était alors exposé sur toutes les mers, par les décrets rapaces de confiscation fulminés par les grandes puissances belligérantes, la conduite des parties pouvait suffisamment s'expliquer, sans recourir à la supposition qu'elles avaient voulu résister ou même échapper à l'exercice des droits belligérants du Danemark.

Ainsi, même en admettant que le vaisseau neutre américain n'avait pas le droit de se mettre sous la protection d'un convoi pour éviter l'exercice du droit de visite et de recherche par un ami, ainsi que le Danemark faisait profession de l'être, il avait parfaitement le droit de se défendre contre son ennemi, comme la France se montrait l'être par sa conduite et les principes avoués d'après lesquels elle avait déclaré guerre ouverte à tout commerce neutre. Le Danemark avait le droit de capturer le commerce de son ennemi, et pour cette raison de rechercher

et d'examiner les vaisseaux sous pavillon neutre, tandis que l'Amérique avait un droit égal de protéger son commerce contre la capture française, par tous les moyens permis par les lois ordinaires de la guerre entre ennemis. L'exercice de ce droit complet ne pouvait légalement être affecté par la circonstance de la guerre existante entre le Danemark et l'Angleterre, ou par l'alliance entre le Danemark et la France. L'Amérique et l'Angleterre étaient en paix. L'alliance entré le Danemark et la France était contre l'Angleterre, non contre l'Amérique; et le gouvernement danois, qui avait refusé d'adopter les décrets de Berlin et de Milan, comme règle de sa conduite envers les neutres, ne pouvait pas assurément regarder comme coupable de la part des maîtres des vaisseaux américains de s'être défendus contre l'effet de ces décrets par tous les moyens en leur pouvoir. Si l'emploi d'un de ces moyens était en quelque sorte en contradiction avec les droits belligérants du Danemark, c'était une conséquence accidentelle, qui ne pouvait être évitée par les parties sans sacrifier leur droit incontestable de défense personnelle.

Mais on pourrait peut-être dire que comme la résistance au droit de recherche est, par le droit et l'usage des nations, un motif indépendant de condamnation dans le cas du maitre d'un seul vaisseau, il doit à plus forte raison en être ainsi quand plusieurs vaisseaux se sont associés pour repousser l'exercice de ce même droit.

Afin de rendre les deux cas exposés parfaitement analogues, il aurait fallu qu'il y eût résistance réelle de la part des vaisseaux en question, ou au moins de la part de la flotte ennemie qui les avait à cette époque sous sa protection, de manière à les joindre inséparablement aux actes de l'ennemi. Dans notre cas il n'y a pas eu de résistance réelle de la part des uns ni des autres, mais seulement une résistance par interprétation de la part des vaisseaux neutres y impliqués, par le fait de s'être joints au

convoi de l'ennemi. Ceci, toutefois, ne fut tout au plus qu'une simple intention de résister, qui ne fut jamais miseà effet, et ne fut jamais considérée dans le cas d'un seul vaisseau comme emportant la peine de la confiscation. Mais la résistance du maitre d'un seul navire, supposée analogue au cas d'un convoi, doit se rapporter à un maitre neutre, dont la résistance, d'après le droit des gens établi, entraînerait pour le navire et la cargaison la peine de la confiscation. Le même principe cependant ne s'appliquerait pas au cas d'un maître ennemi, lequel a le droit incontestable de résister à son ennemi, et dont la résistance ne saurait affecter le propriétaire neutre de la cargaison, a moins qu'il ne fût à bord, et ne prit une part réelle à la résistance. Tel fut dans un cas semblable le jugement de sir W. Scott. De même aussi le droit d'un neutre de transporter ses biens même à bord d'un vaisseau belligérant armé, fut solennellement reconnu par la décision du plus. haut tribunal judiciaire des États-Unis, pendant la dernière guerre avec la Grande-Bretagne, après une discussion trèssavante dans laquelle on examina et on considéra à fond tous les principes et toutes les analogies du droit public ayant trait à la question.

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Le négociateur américain se reposait donc avec confiance sur le principe par lui soutenu, que le silence complet de tous les publicistes d'autorité sur une pareille exception à la liberté générale de la navigation neutre, exposée par eux en termes si larges et si explicites, ainsi que le silence de tous les traités conclus dans le but spécial de définir et de régler les droits du commerce et de la navigation neutres, que ce silence, disons-nous, constituait de lui-même une puissante autorité négative, pour prouver qu'il n'existe aucune exception semblable, d'autant plus, surtout, que cette liberté s'étend expressément à tous les cas qui ont la plus légère ressemblance avec le cas en question. On ne pouvait nier que les biens d'un ami trouvés dans une

forteresse ennemie sont exempts de confiscation comme prise de guerre; qu'un neutre peut légalement conduire ses biens dans un vaisseau armé belligérant; que le propriétaire neutre de biens à bord d'un vaisseau ennemi (armé ou non) n'est pas responsable des conséquences de résistance de la part du maître ennemi. Comment donc le propriétaire neutre du navire et de la cargaison pourrait-il être responsable des actes du convoyeur belligérant sous la protection duquel sa propriété a été placée, non de son fait immédiat, mais de celui du patron du vaisseau qui agit sans connaissance ni instructions de son commettant ?

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Tel serait certainement le point de vue de la question, même en lui appliquant la mesure la plus large des droits belligérants auxquels un État maritime ait jamais prétendu; mais en l'examinant d'après les interprétations plus indulgentes du droit public que le gouvernement danois, en commun avec les autres puissances du nord de l'Europe, avait jusque-là patronisé, on la trouverait encore plus libre de doute. Si, comme l'avait toujours soutenu le Danemark, un neutre pouvait légalement s'armer contre tous les belligérants; s'il se plaçait sous le convoi armé de son propre pays de manière à repousser l'exercice de la force belligérante qui prétendrait le soumettre à la visite et à la recherche en pleine mer; la conduite des Américains neutres qui avaient été forcés de chercher un refuge sous les forteresses flottantes des ennemis du Danemark, non pas pour résister à l'exercice des droits belligérants de cette puissance, mais pour se mettre à l'abri des violences illégales de ceux dont le but patent donnait l'assurance certaine qu'en dépit de cette neutralité la capture serait inévitablement suivie de la condamnation, cette conduite trouverait sa complète justification dans les principes que les publicistes et les hommes d'État de ce pays avaient soutenus à la face du

monde. Si le commerce américain dans la Baltique avait été placé sous la protection des vaisseaux de guerre publics des États-Unis, comme il fut admis que cela aurait pu être, les droits belligérants du Danemark auraient été enfreints tout autant qu'ils le furent par ce qui était positivement arrivé. Dans ce cas, les croiseurs danois auraient dù, d'après les principes danois, se contenter de l'assurance du commandant de l'escadre de convoi américaine relative à la neutralité des vaisseaux et des cargaisons qui faisaient voile sous sa protection. Mais cette assurance n'aurait pu être fondée que sur le fait que ces vaisseaux possédaient les titres que possèdent ordinairement les vaisseaux américains, titres accordés par le gouvernement des États-Unis sur les représentations et les preuves fournies par les parties intéressées. Si ces titres peuvent être faux dans un cas, ils peuvent l'être dans l'autre, et le gouvernement danois serait également privé de tous les moyens d'examiner leur authenticité dans les deux cas. Dans l'un il serait privé de ces moyens par son propre acquiescement volontaire à la réponse du commandant de l'escadre de convoi, et dans l'autre par la présence d'une force ennemie supérieure empêchant les croiseurs danois d'exercer leur droit de recherche. Ceci n'était exposé que comme exemple, sur la supposition que les vaisseaux escortés eussent échappé à la capture. Car c'était sur cette supposition seulement que le Danemark: pouvait soutenir qu'une injure réelle lui eût été faite comme puissance belligérante. Dans le cas qui nous occupe, les vaisseaux furent capturés sans aucun conflit hostile, et la question était de savoir s'ils étaient sujets à confiscation pour avoir navigué sous convoi ennemi malgré la neutralité de la propriété et la légalité de leur voyage à tous autres égards.

Ainsi donc, même en supposant qu'il y eût eu intention de la part des maîtres des vaisseaux américains, en navi

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