tiennent ceux qui ont fait la capture d'examiner la conduite de ses membres avant de devenir responsable de ce qu'ils ont fait, un pareil droit exclusif ne peut finir quand leur conduite a été examinée à fond. L'équité naturelle ne peut permettre que l'État soit responsable de leurs actes jusqu'à ce que ces actes aient été examinés par tous les moyens dont l'État dispose pour cet effet. Donc, puisque les pays maritimes ont coutume d'établir non-seulement des cours inférieures maritimes pour juger les captures qui sont ou ne sont pas de prise loyale, mais encore des cours supérieures d'appel auxquelles les parties peuvent en reférer si elles se croient lésées par les cours inférieures, les sujets d'un État neutre n'ont aucun droit de s'adresser à leur État pour obtenir un remède contre la sentence erronée d'une cour inférieure, jusqu'à ce qu'ils en aient appelé à la cour supérieure, où à plusieurs cours supérieures, s'il y a plus d'une cour de cette espèce, et jusqu'à ce que la sentence ait été confirmée par toutes ces cours. Car ces cours sont autant de moyens établis par l'Etat auquel appartiennent ceux qui ont fait la capture, pour examiner leur conduite; et jusqu'à ce que leur conduite ait été examinée par tous ces moyens, le droit exclusif de l'État de juger continue. Après que la sentence de la cour inférieure a été ainsi confirmée, les réclamants étrangers peuvent s'adresser à leur gouvernement pour obtenir remède s'ils se croient lésés. Mais le droit des gens ne leur accordera de remède qu'autant qu'ils auront été réellement lésés. Quand la chose est poussée à ce point, les deux États deviennent parties dans la controverse. Et puisque le droit naturel, qu'il s'applique aux individus ou aux sociétés civiles, a horreur de l'emploi de la force, jusqu'à ce que la force devienne nécessaire, le gouvernement suprême de l'État neutre, avant d'en venir à une guerre solennelle ou à des représailles, doit s'adresser au gouvernement suprême de l'autre État, et pour se con vaincre qu'il a été bien informé, et en même temps pour aviser aux moyens de déterminer la controverse par une méthode moins extrême 1. Dans le rapport célèbre fait au gouvernement britannique en 1753 sur le cas des représailles autorisées par le roi de Prusse à cause des captures faites par les croiseurs anglais de la propriété de ses sujets, on revendique la juridiction exclusive de l'Angleterre sur les captures faites par ses croiseurs commissionnés, et l'on expose que « Le droit des gens fondé sur la justice, l'équité, la convenance et la raison, ne permet de représailles que dans le cas d'injures violentes dirigées ou appuyées par l'État, et lorsque justice est absolument refusée, in re minime dubia, par tous les tribunaux et ensuite par le prince.» Ce qui faisait voir clairement que dans l'opinion des personnes éminentes qui avaient rédigé cet écrit, si justice était refusée dans un cas évident par tous les tribunaux, et ensuite par le prince, cela fournit un fondement légal aux représailles contre la nation dont les croiseurs commissionnés et les tribunaux ont commis l'injure. Il est évident que c'était aussi l'opinion de Vattel en [citant cet écrit, pour appuyer sa propre doctrine, que les sentences des tribunaux ne doivent pas être prises pour bases des plaintes de l'État contre les sujets duquel elles sont prononcées, « excepté le cas de déni de justice, d'injustice palpable et évidente, de violation manifeste des règles et des formes, etc. 2. » Dans le cas ci-dessus relaté, le roi de Prusse (alors neutre) avait essayé d'établir dans ses terres une commission pour examiner de nouveau les sentences prononcées contre ses sujets par les cours des prises anglaises, conduite qui est regardée par les auteurs du rapport au gouvernement britannique, comme une innovation «< qui ne fut 1 RUTHERFORTH'S Instit., vol. II, b. II, chap. 1x, § 49. jamais tentée auparavant dans aucun pays du monde. Les causes de prise ou non-prise doivent être déterminées par les cours d'amirauté appartenant à la puissance dont les sujets ont fait la capture.» Mais le rapport commence par déclarer que « tout prince étranger ami a le droit de demander que justice soit rendue à ses sujets devant ces cours, d'après le droit des gens ou les traités particuliers, quand il en existe. Si, in re minime dubia, ces cours procèdent sur des fondements directement opposés au droit des gens ou aux traités subsistants, l'État neutre a le droit de se plaindre de pareilles sentences. » Le roi de Prusse se plaignit de la sentence des tribunaux britanniques, et fit des représailles, en arrêtant l'intérêt de l'emprunt dû aux sujets anglais et assuré par hypothèque sur les revenus de la Silésie, jusqu'à ce qu'il eût obtenu du gouvernement britannique indemnité pour les vaisseaux prussiens injustement capturés et condamnés. La procédure des tribunaux anglais, quoique affirmée par le gouvernement anglais être la seule manière légitime de déterminer la validité des captures faites en guerre, ne devait pas être considérée comme empêchant la Prusse de demander des réparations au gouvernement lui-même 1. C'est ainsi que par le traité de 1794, entre les ÉtatsUnis et la Grande-Bretagne, une commission mixte fut chargée de décider sur les réclamations faites par les citoyens américains au sujet de la capture de leur propriété par les croiseurs anglais, pendant la guerre existant avec la France, d'après la justice, l'équité et le droit des gens. Dans le cours des délibérations de ce conseil, des objections furent faites de la part du gouvernement anglais contre les commissaires chargés d'entendre et de décider les cas où la sentence de condamnation avait été confirmée par la cour des lords d'appel, dans les causes de prises, sous prétexte que foi pleine et entière devait être 1 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 260. donnée à la sentence définitive de cette cour, en tant que, d'après le droit des gens général, on devait présumer que la justice avait été administrée par cette cour, tribunal suprême compétent en matière de prises. Mais cette objection fut rejetée par le conseil, d'après les fondements et les principes déjà expliqués, et dans plusieurs cas il accorda une indemnité pleine et satisfaisante alors qu'il y avait eu sentence définitive de condamnation. On pourrait citer beaucoup d'autres exemples d'arrangement entre les États par lesquels des commissions mixtes ont été chargées d'entendre, et de décider sur les plaintes des sujets de puissances neutres à propos de captures de guerre, non dans le but de revoir les sentences des cours compétentes de prises entre ceux qui capturent et ceux qui sont capturés, mais dans le but d'accorder une juste indemnité d'État à État, dans les cas où une compensation satisfaisante n'a pas été reçue dans le cours ordinaire de la justice. Quoique la théorie du droit public considère les tribunaux de prises établis par le pays belligérant, et siégeant dans ce pays, exactement comme s'ils étaient établis par le pays neutre et siégeassent dans le pays neutre, et comme s'ils jugeaient toujours conformément au droit international commun à chacun d'eux, on sait fort bien cependant qu'en pratique ces tribunaux prennent pour guides les ordonnances sur les prises et les instructions émanées du souverain belligérant, sans s'inquiéter si elles s'accordent avec la règle suprême. Si donc les sentences définitives de ces tribunaux devaient été regardées comme absolument concluantes, au point d'écarter toute enquête sur leur mérite, la conséquence évidente serait d'investir l'État belligérant du pouvoir législatif sur les droits des neutres, et d'empêcher ces derniers de montrer que les ordonnances et les instructions d'après lesquelles les sentences ont été prononcées sont contraires à cette loi par laquelle les étrangers seuls sont liés. Ces principes ont reçu une confirmation récente dans la négociation entre les gouvernements américains et danois relative aux captures de vaisseaux et de cargaisons américains faites par les croiseurs du Danemark pendant la dernière guerre entre cette puissance et la Grande-Bretagne. Dans le cours de cette négociation les ministres danois objectèrent que la validité de ces captures avait été définitivement décidée devant la cour des prises compétente du pays belligérant, et ne pouvait être de nouveau remise en question. De la part du gouvernement américain il fut admis que la juridiction des tribunaux de la nation qui capture était exclusive et complète sur la question de prise ou de non-prise, au point de transférer la propriété des choses condamnées du propriétaire originaire à ceux qui ont fait la capture ou à ceux qui réclament après eux; que la sentence définitive de ces tribunaux est concluante quant au changement de propriété qu'elle opère, qu'elle ne peut être accessoirement remise en question devant une autre cour judiciaire, et qu'elle a pour effet de clore pour toujours toute controverse particulière entre ceux qui ont fait la capture et ceux qui ont été capturés. La demande que faisaient les États-Unis au gouvernement danois n'avait pas pour objet la révision judiciaire et l'annulation des sentences prononcées par les tribunaux de Danemark, mais l'indemnité à laquelle avaient droit les citoyens américains en conséquence du déni de justice commis par les tribunaux en dernier ressort, et de la responsabilité ainsi encourue par le gouvernement danois pour les actes de ses croiseurs et de ses tribunaux. Le gouvernement danois était naturellement libre d'adopter telles mesures qu'il croirait à propos, pour tirer satisfaction de l'injustice de ces sentences. Une des plus naturelles serait un nouvel examen et une discussion des cas dont on se plaignait, examen qui serait dirigé par un tribunal impartial sous la sanction des deux gouvernements, non |