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41,000 fr. à M. de Barillon, pour prix de ces marais et pour dédommagement de ses dépenses '.

« Le premier soin des Etats fut de perfectionner la procédure du bornage, et de préparer et mûrir par la discussion d'une immense quantité de titres le jugement des prétentions élevées ou annoncées par des communes, seigneurs ou autres particuliers qui réclamaient des droits de propriété ou d'usage dans les

marais.

• Ils s'occupèrent ensuite des travaux nécessaires pour le desséchement des marais et la construction du canal de navigation, et par leurs ordres, M. Garipuy, directeur des travaux publics de la province, fit en 1768 un voyage en Hollande, afin d'y conférer, avec les plus célèbres hydrauliciens du pays, sur les moyens qu'ils se proposaient d'employer au desséchement de la mer de Harlem, vaste étang situé entre la ville de Harlem et celle d'Amsterdam.

<< Chaque année fut marquée par des progrès sensibles, soit dans la fixation de la propriété respective des Etats et des parties intéressées, soit dans l'avancement des ouvrages relatifs au desséchement des terres et à la construction du canal. C'est en conciliant le respect dû au droit de propriété avec les plus grandes vues d'utilité générale que les Etats ont eu la gloire d'avoir presque consommé dans un demi-siècle une des plus grandes et des plus importantes opérations qu'on puisse faire en Languedoc, et qui avait été vainement essayée pen dant près de cent cinquante ans.

1 ALBISSON, Lois municipales du Languedoc, t. III-TROL vé, États du Languedoc.

Les Etats du Languedoc ont aussi tendu d'immenses services à la navigation du Rhône et de la Garonne.

La rivière de la Garonne, dit le même historien, éprouvait un état de péril et d'abandon qui y rendait les naufrages très-fréquents. Ce trajet, à cause des écueils et des obstacles qu'il présentait, était devenu si lent, si cher et si dangereux, que les négociants, lorsqu'ils ne pouvaient éviter de s'en servir, étaient obligés de se soumettre à des assurances très-onéreuses; on était même à la veille de voir toute communication interceptée, parce qu'il ne se trouvait pas plus d'un pied d'eau au point de jonction du canal et de la Garonne. Il n'avait point été pourvu d'une manière expresse à cette communication, quoique la partie de la Garonne demandât par ses conséquences une régie et une attention plus particulières que les autres rivières. Cette partie défectueuse s'étendait sur plus de trente lieues de longueur, et était morcelée entre la généralité d'Auch et la province du Languedoc. Dans cet espace, le lit de la rivière était fort large et fort plat, sur un fond de graviers très-profond, quelquefois parsemé de rochers. L'avidité des riverains les avait de tout temps portés à faire des ouvrages pour rejeter les eaux sur la rive opposée; ces travaux entrepris de part et d'autre, emportés tour à tour par les différentes crues, avaient laissé dans le lit de la Garonne de nouvelles causes de péril. Une longue expérience avait prouvé qu'il eût été chimérique de vouloir resserrer óu aligner le lit de cette rivière dans ce fond de graviers si large qu'elle parcourait alternativement et que chacun cherchait à s'approprier. Mais il fallait constater les

lés

parties souffrantes, y apporter les réparations nécessaires, empêcher les riverains et les insulaires de nuire à lá navigation et aux ouvrages destinés à l'entretenir; il fallait dresser des règlements pour prévenir toutes les entreprises réciproques et les étendre à la portion de la Garonne qui était située hors du Languedoc, ce qui ne pouvait avoir lieu que par les ordres du roi; il fallait surtout que les Etats consentissent à se charger de l'entretien de cette rivière, parce que les mesures prises jusqu'alors avaient été infructueuses, les secours accordés par le roi insuffisants, et que la situation des finances né permettait pas d'en espérer de plus considérables.

« Ces observations, présentées par la chambre de commerce de Toulouse, furent accueillies à l'assemblée des Etats en 1775. Elle délibéra de donner un fonds annuel de soixante mille francs pour l'étendue de rivière attribuée au Languedoc, et depuis cette époque jusqu'en 1782 elle ne cessa de s'occuper de cet objet important. Des visites et des vérifications furent faites dans l'intervalle par le directeur des travaux publics de la province et par les inspecteurs-généraux du gouvernement. Il y eut des conférences entre le contrôleur-général des finances et le président des Etats, ét dans cette même année 1782 il fut rendu par le conseil-d'État un arrêt contenant règlement pour la navigation de la Garonne, arrêt conforme aux réclamations de la province.

« Le cours de la Garonne était divisé en quatre départements; une somme de 120,000 francs fut assignée chaque année pour donner à la rivière la largeur

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et la profondeur requises. La moitié de cette somme était à la charge du roi; l'autre moitié à celle des Etats du Languedoc. Les quatre intendants d'Auch, de Montpellier, de Montauban et de Bordeaux furent investis de la police de la navigation, à laquelle fut attaché un conservateur-général nommé par le roi ce conservateur devait faire des visites annuelles. Il fut défendu aux riverains de jeter dans la rivière rien qui pût en embarrasser et en altérer le lit, d'en affaiblir ou d'en changer le cours par des tranchées on des plantations. Les moulins sur bateaux, nommés vulgairement moulins à nefs, furent proscrits du courant de la rivière. On déclara ouvrages royaux tous les ponts, les chaussées, pertuis, digues et autres ouvrages publics relatifs à la sûreté et à la faculté de cette navigation. »

Ainsi, les avantages que le commerce retira de ce règlement furent encore le fruit de la sagesse et de la munificence des Etats du Languedoc.

Persuadés que les communications, grandes et petites, sont les instruments les plus actifs de la civilisation, et que les frais d'entretien sont la première des économies, les Etats du Languedoc, ainsi que ceux de la Provence, veillaient avec une religieuse attention à leurs routes qu'ils avaient divisées en quatre classes, dont chacune correspondait à une division territoriale1. La province était chargée des routes de première classe, les sénéchaussées des routes de deuxième classe, les

Voy. les délibérations des États de Provence de 1621, 1624 etc., et le Mémoire présenté au roi par les États du Languedoc en 1780. (ALBISSON, Lois municipales du Languedoc, t. II, p. 294.)

diocèses ou vigueries des chemins de troisième classe, et les communautés des chemins du dernier ordre. Mais cette classification n'était pas tellement inflexible que l'on ne pût, à l'aide d'une sorte de fonds commun, réparer les inégalités de ressources des diverses fractions de la province, proportionnellement à leurs besoins ; car on avait admis comme maxime fondamentale que tout dans une province est essentiellement solidaire, que le corps doit toujours venir au secours de ses membres, et que toute dépense qui peut produire un bien général doit être supportée en commun, quand même ce bien ne s'étendrait pas aussi immédiatement sur quelques-uns des membres du corps politique.

La Bretagne, la Bourgogne et les autres pays d'Etats offrent des traces analogues de cet excellent système d'administration qui, en faisant contribuer chaque communauté à la direction et au paiement des dépenses publiques, dans la proportion de l'avantage qu'elle en retirait, faisait converger vers le bien public tous les intérêts particuliers.

Des remontrances adressées au roi Louis XVI en 1780 par les Etats du Languedoc rappellent qu'il n'en était pas de même dans les pays d'élection. « C'est peutêtre dans les travaux publics, disent les auteurs de ce mémoire, qu'éclate le plus ce qu'on aime à appeler la magnificence du Languedoc ; et effectivement, lorsque des chemins durs, raboteux et mal entretenus du Dauphiné, du Quercy et de la généralité de Bordeaux, on passe sur les routes unies, faciles et praticables en tout temps du Languedoc; lorsqu'on pense que ces utiles communications commencent à s'étendre dans les par

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