La bureaucratie compliquée, minutieuse, paperassière est le fléau des travaux publics et des classes laborieuses. Rappelons-nous les efforts tentés en vain depuis si longtemps pour endiguer les fleuves et les rivières qui dévastent le pays au lieu de le fertiliser. Rappelons-nous l'état arriéré de nos chemins vicinaux, l'imperfection de nos routes, l'insuffisance de nos chemins de fer. Rappelons-nous les erreurs journalières de ce conseil des bâtiments civils à qui l'on a donné le monopole de la truelle, et qui construit sur tous les points du territoire des édifices publics avec une telle connaissance des lieux, qu'il lui est arrivé de mettre au second étage la porte cochère d'une maison. Le seul moyen de remédier à ce triste état de choses, c'est d'enlever la direction exclusive des travaux publics à ces administrateurs de passage qui ont à peine le temps de jeter un coup-d'œil rapide sur les départements qu'ils traversent; c'est d'associer pour une plus large part à ces travaux les élus des localités, c'est en un mot d'étendre et de régulariser dans chaque département un conseil de travaux publies, analogue au conseil académique créé en matière d'instruction publique, et qui fasse refluer sur tous les points du territoire le travail, ce puissant moyen de civilisation et de paix. frais encourus jusqu'à ce jour. L'autorisation viendra quelque jour à ses enfants, non sans de nouveaux frais. La surface à arroser n'est pas de deux hectares; combien faudra-t-il pour que ce produit de l'arrosage compense au propriétaire ses dépenses et ses ennuis ? Principe des établissements de bienfaisance. Dépôts de mendicité. Hospices d'enfants trouvés et abandonnés et d'orphelins. Hospices d'aliénés. Double moyen de développement des établissements de bienfaisance. Des établissements de répression. Il fut un temps où le clergé, possesseur de biens immenses, prodiguait à toutes les misères des secours și abondants, que l'administration publique n'avait presque pas à s'en occuper. Les mœurs suppléaient aux institutions; la charité légale n'était pas organisée, mais la religion pourvoyait à tout. L'hospice des Quinze-Vingts, fondé en faveur des pauvres aveugles sous le règne de saint Louis, et restauré par Louis XVI; l'école des Sourds-Muets de Paris, successivement dirigée par deux vénérables ecclésiastiques et devenue le modèle de plusieurs institutions analogues fondées dans les provinces; les maisons d'aliénés, ouvertes par Vincent-de-Paul et multipliées en peu d'années par les frères de la Charité; les asiles d'orphelins et d'enfants - trouvés, confiés depuis le XII° siècle à l'ordre du Saint-Esprit; en un mot, tous les établissements de bienfaisance publique inspirés par l'esprit chrétien disparurent au milieu de la tourmente révolutionnaire. Plusieurs de ces établissements ont été restaurés, les uns par les soins du gouvernement, d'autres par les administrations locales, quelques-uns par des associations libres et particulières. La plupart d'entre eux manquent d'un système d'administration régulière : cette lacune doit être comblée dans un siècle où tout se systématise et trouve sa place au budget. Quel est le principe fondamental? C'est que la charité, quoique universelle par essence, est soumise à divers degrés. L'indigent doit être assisté par ses proches, puis graduellement par sa commune, par son département, par l'Etat; celui-ci n'est obligé qu'à défaut des corps politiques subordonnés. Or, il est des infirmités heureusement trop peu communes pour exiger autant d'asiles qu'il y a d'hospices communaux: on compte en France un aveugle sur 1,050 habitants, un sourd-muet sur 1,600, un mendiant sur 166, un enfant abandonné sur 250. Il est aisé de proportionner, d'après les bases de la statistique, le nombre et l'importance des secours à l'éten– due des besoins, et de faire contribuer à la dépense tous les corps auxquels appartient l'infirme, dans l'ordre indiqué plus haut. Des dépôts de mendicité. Les philanthropes de la Convention se proposèrent un double but abolir la misère et réprimer la mendicité. : Un décret du 19 mars 1793 établit dans chaque département une ou plusieurs maisons de répression des abus de la meudicité. Un décret du 24 vendémiaire an 11 énumère les mesures pour l'extinction de la mendicité. Un décret du 16 ventôse an II interdit la mendicité aux individus valides. Certaines de ces lois ne tardèrent pas à être abrogées, comme impossibles à exécuter, par la loi du 27 novembre 1796. Les peines draconiennes contre les mendiants tombèrent en désuétude, et le double fléau de la misère et de la mendicité subsista jusqu'au décret du 5 juillet 1808. A la voix de Napoléon, trente-sept dépôts de mendicité surgirent tout-à-coup comme par miracle; vingtdeux autres furent décrétés, mais ne purent être créés. Ces établissements se soutinrent quelques années; mais le défaut de principes fixes dans la charité administrative multiplia les abus, et entraîna la ruine 'd'un essai digne d'un meilleur sort. Depuis lors, la mendicité, livrée à elle-même, privée de secours et de surveillance, a acquis l'intensité d'un véritable fléau. Le mendiant, à qui la société donne, au lieu de pain, la prison, s'irrite de cette injustice et se jette dans la voie du crime. Qu'on se hâte donc d'ouvrir des maisons libres de travail aux indigents vraiment incapables de se suffire à euxmêmes, et des dépôts de mendicité aux mendiants valides et fainéants. Ces derniers établissements qui, selon la juste remarque de M. Degérando, tiennent le milieu entre les institutions de bienfaisance et les établissements de répression, ne sont pas destinés à recevoir indistinctement tous les pauvres. 1 Priver les indigents infirmes de la liberté pour les condamner à un travail impossible serait une barbarie gratuite et onéreuse pour l'Etat. Quant aux mendiants valides volontairement oisifs, le législateur leur doit à eux-mêmes et doit à la société de les obliger au travail. Un économiste chrétien propose à ce sujet un plan fondé sur les vrais principes et d'une exécution facile. « Nous blâmons fortement, dit-il, les peines barbares dont l'ancienne législation avait frappé la mendicité. La seule punition qui nous paraisse conforme à la raison et à la justice, c'est l'obligation du travail : par le travail, en effet, il y a réparation suffisante et dédommagement équitable accordés à la société. « Ce travail, devant être surveillé et réuni à un régime moral qui corrige au lieu de pervertir, s'effectuerait dans les établissements publics disposés à cet effet. La vie commune serait adoptée comme plus économique et facilitant la surveillance. Le travail obligé serait la première punition infligée à la mendicité 1 M. de Villeneuve-Bargemont, Écon. chrétienne, t. III, p. 210, |