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les cultes qui ont assez d'importance dans l'Etat pour obtenir les honneurs de la reconnaissance publique participent dans une juste mesure aux libéralités du budget. La conséquence du principe de concert entre les deux puissances, c'est le droit des gouvernements de dissoudre les associations dangereuses et d'ériger en personnes civiles les corps dignes de cette faveur1.

Il ne doit ni se dessaisir, ui user légèrement de ce droit.

Il n'est pas en effet un publiciste ancien ou moderne, français ou étranger, qui ne reconnaisse que le droit de créer une corporation dans un Etat est un des attributs essentiels du gouvernement.

Tous les jurisconsultes français exigent des lettres patentes pour la fondation des corps.

Les corps religieux en particulier ont toujours reçu l'être de la puissance civile, intéressée à veiller à ce que les monastères n'enlèvent pas trop d'héritages à l'Etat, et ne le privent pas du service d'un trop grand nombre de citoyens. C'est ainsi que par l'édit de décembre 1666, Louis XIV, « Considérant que le nombre des « communautés religieuses s'était considérablement « accru, qu'en certains lieux elles tenaient la meilleure partie des terres, qu'en d'autres elles étaient pauvres « et avaient à peine de quoi subsister, ce qui occasion« nait à l'Etat un grand dommage, déclara qu'à l'a

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1 Jus concedendi exercitium religionis in republicâ est jus imperii civilis; eoque concesso, competit jus coeundi in republicà in ecclesiam, et per consequens exercendi jura collegialia ecclesiæ, quæ sunt annexa exercitio religionis. (BOEHMER, professeur à Goettingue: Principes du droit canonique.)

«

« venir aucune communauté religieuse ne s'établirait << sans lettres patentes enregistrées au parlement, sous peine d'être considérée comme assemblée illicite et « contraire aux lois du royaume. » C'est ainsi que par l'édit de 1749, Louis XV mit obstacle, par des dispositions restrictives de la faculté de donner aux communautés religieuses, à l'accroissement alors exagéré des biens de main-morte. C'est ainsi que par le décret inédit du 15 octobre 1810, relatif aux congrégations religieuses d'hommes, et que par la loi du 24 mai 1825, relative aux congrégations religieuses de femmes, l'intervention du conseil d'Etat, du gouvernement et des Chambres, dut assurer au pouvoir temporel la part légitime qui lui revient dans ces sortes d'établisse

ments.

Maintenons ce concert des pouvoirs sans lequel les réunions religieuses pourraient ou perdre leur caractére essentiellement spirituel, ou dégénérer en foyers d'immoralité et de sédition. Gardons-nous de décentraliser dans une matière liée aux intérêts généraux du pays.

C'est une chose grave en effet que d'ériger au sein d'un Etat des associations de citoyens investies d'une existence propre et autorisées à acquérir et à posséder perpétuellement, surtout des associations religieuses, car le levier de la religion a une immense puissance dont on pourrait abuser au détriment des familles, de l'Etat et de l'Eglise elle-même.

Pour développer ce qu'il y a d'utile, et pour éloigner ce qu'il peut y avoir de dangereux dans la liberté des associations religieuses, des garanties sont indispen

sables. C'est au pouvoir exécutif, gardien suprême de l'ordre public, à veiller à ce que ces garanties soient sérieuses et uniformes. En cette matière, les conseils généraux doivent sans doute être consultés, et leur assentiment est nécessaire, mais il ne suffit pas pour autoriser le corps, comme s'il s'agissait d'une association libre.

En résumé, sans la liberté d'association, la liberté religieuse et la liberté d'enseignement resteraient à l'état de théories impuissantes encourageons donc les congrégations religieuses; mais ne permettons pas qu'elles deviennent des Etats dans l'Etat Unité dans la liberté, telle est la formule du grand problème que nous avons à résoudre.

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CHAPITRE X

DE L'ADMINISTRATION DÉPARTEMENTALE DANS SES RAPPORTS AVEC L'INSTRUCTION PUBLIQUE.

SOMMAIRE.

Double création de la loi du 15 mars 1850. La liberté de l'enseignement ne doit pas être illimitée. Du concert des influences appelées à la régler. Du conseil supérieur et du conseil académique départemental. Des établissements d'instruction publique départementaux. De la décentralisation des écoles de l'État. Des associations religieuses vouées à l'enseignement.

La loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement a consacré un principe, et a fondé une institution, dont la conséquence doit être d'associer forcément les conseils généraux à l'administration de l'instruction publique. Le principe, c'est la liberté d'enseignement; l'institu– tion, c'est le conseil académique départemental.

Qu'est-ce, en effet, que le principe de la liberté de l'enseignement? c'est l'intervention de la famille, de la commune, de l'Église, du département, de la sʊciété tout entière dans l'éducation des enfants. C'est le retour aux principes primordiaux et immuables

qu'avaient altérés, à des époques et à des degrés divers, les Césars du Bas-Empire, les rois absolus, et enfin, l'empereur Napoléon.

Dans l'ordre des temps, comme dans l'ordre des idées, le chef de famille, le chef de tribu est chargé, avant tous autres, de l'éducation des enfants; puis, intervient le prêtre dont les lèvres, dit le prophète Malachie, sont gardiennes de la science; puis, la cité à laquelle il est permis, disait l'empereur Gratien luimême, d'établir à son gré des maîtres et des docteurs. Telle fut la triple origine de notre antique Université, de cette chevalerie lettrée, qui eut, à l'instar du clergé et de la noblesse militaire, ses épreuves, ses degrés, ses tournois, sa hiérarchie, et qui compléta le système des grandes institutions civilisatrices du moyen-âge.

L'Université fondée par les décrets de l'empire 1 n'a que le nom de commun avec l'antique et vénérable institution, œuvre de foi et de liberté, qui, investie par les bulles pontificales de la garde des doctrines religieuses, et par les édits royaux de la mission de propager les connaissances humaines, a concilié pendant tant de siècles ce double et difficile devoir.

OEuvre d'un despote qui, à l'exemple des Lepelletier, des Danton et des Robespierre, en avait fait un instrument de règne, l'Université fléchissait sous le poids du despotisme, des bureaux ministériels; de

1 Décrets des 17 mars 1808, 17 septembre 1808, 17 février 1809, 15 novembre 1811, etc.

2 Voy. le rapport du 13 juillet 1793 et le décret du 13 août de la même année.

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