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de l'empire, sûrs de l'impunité, ne mirent plus de bornes à leurs violences et à leurs concussions; et les peuples, livrés à la rapine et à l'oppression, se détachèrent entièrement d'un gouvernement dont ils ne recevaient plus ni protection ni justice. Ce fut alors que les Barbares, qui n'avaient fait jusque-là que des incursions passagères dans les Gaules, s'y formèrent des établissements fixes: les Goths, vers les Pyrénées; les Bourguignons, vers les Alpes, et, bientôt après, les Francs en deçà du Rhin. En vain Honorius essaya d'arrêter les progrès de la révolution, en regagnant l'affection des peuples; en vain publia-t-il, en 418, une constitution pour rétablir l'usage des assemblées annuelles des sept provinces des Gaules'. Ce remède tardif ne put sauver l'empire, et lui-même se vit forcé de céder la même année une grande partie de ces sept provinces aux Wisigoths... »

Les Etats provinciaux furent rétablis dès les premiers siècles de la monarchie française, et formèrent sous les deux premières races le complément administratif des grandes réunions politiques appelées champs de mars et de mai. Ils survécurent aux parlements de Charlemagne et furent entre les mains des vassaux de la couronne, devenus de véritables souverains indépendants et rivaux du roi, des assemblées de gouvernement. On les retrouve sous la troisième dynastie à côté des États généraux, fonctionnant dans les diverses provinces avec une grande variété de formes et d'at

1

Voy. le texte de ce rescrit dans le Cours d'Histoire mo◄ derne de M. Guizot, p. 17.

tributions, mais offrant en général à l'administration publique le triple concours du clergé, de la noblesse et des communes.

Le procès-verbal d'une assemblée tenue à Narbonne en 1080 par les trois Etats du pays fait foi qu'une innombrable multitude des habitants de la province y avait été appelée. Le traité du 12 avril 1228 qui réunit le Languedoc à la monarchie lui réserva les usages et coutumes anciens, droits, libertés et franchises; et les procès-verbaux des Etats de la province tenus en 1269, 1271, 1275, en exécution d'une ordonnance de saint Louis de 1254, prouvent que le tiers-état y était dès-lors appelé 1, tandis qu'il n'a figuré dans les Etats généraux que dans le xiv siècle2.

Les Etats du Languedoc se composaient des évêques, des barons, et des consuls ou des députés des villes chefs-lieux de diocèses, et des villes diocésaines3; ces derniers recevaient de leurs communes respectives une indemnité pour droit de présence aux Etats provinciaux '.

Les Etats de la Provence se composaient de l'arche

1 On lit dans un procès-verbal du 15 août 1269 que prælati, terrarii, barones, militares, CONSULES, majores communitatum étaient réunis afin de délibérer sur la traite des blés : cùm bono el maturo consilio non suspecto sit faciendum.

2 En 1303, sous Philippe-le-Bel.

8 Mandez de tous les pays où il y a des consuls, syndics ou procureurs, un ou deux de ces magistrats, et des pays où de tels magistrats n'existent point, deux prud'hommes au choix des habitants ou au vote. (MÉNARD, Hist. de Nîmes, p. 198.)

DOM VAISSETTE, Hist. du Languedoc, t. IV, p. 336.

vêque d'Aix, comme chef de l'assemblée et premier des procureurs du pays, des deux évêques procureurs joints du clergé, des deux gentilshommes procureurs joints de la noblesse et des procureurs syndics de trente communes ayant droit d'assister aux assemblées1.

Dans les uns et dans les autres, la noblesse et le clergé ne votaient pas comme corps mais à la pluralité des suffrages; ces assemblées étaient de véritables communes comparables à celles d'Angleterre; elles étaient composées de représentants de la classe des propriétaires fonciers et taillables entre lesquels les nobles qui se trouvaient consuls ou députés des municipalités prenaient séance comme les roturiers, sans nulle distinction de rang.

Outre les Etats provinciaux, il y avait dans les pays d'Etats des assemblées intermédiaires entre l'administration générale de la province et les administrations locales; ces assemblées, émanant directement de la première et tenant à celle-ci par les rapports les plus intimes et les plus intéressants, perfectionnèrent peu à peu l'organisation de ce grand corps et formèrent le complément de sa hiérarchie muuicipale. C'étaient en Languedoc les municipalités diocésaines, en Provence les assemblées de vigueries, etc. 3

1 Mémoire de M. Lebret, intendant de la Provence. (BOULAINVILLIERS, t. VI, p. 255.)

2 Règlement de 1716, art. 27. (BOULAINVILLIERS, Ibid., p. 257.)

3 Voy. ALBISSON, Lois municipales du Languedoc, tomes IV et V; CORIOLIS, Traité de l'administration de la Provence, t. III, p. 130.

Les Etats généraux et particuliers de la province étaient convoqués par les sénéchaux et autres officiers du roi1. Ils élisaient leurs syndics, chargés de préparer les matières dont les assemblées devaient s'occuper, d'exercer auprès d'elles les fonctions du ministère public et de faire exécuter les délibérations. Il y avait en outre des greffiers et des trésoriers.

Les Etats étaient souverains dans les limites de leur administration; les commissaires du roi y avaient entrée, mais n'y avaient qu'une séance purement honoraire, sans aucun droit de s'immiscer dans l'administration publique, et seulement pour y maintenir le bon ordre. Les délibérations n'étaient assujetties, même en vertu de l'édit de 1649, à l'homologation du roi, qu'autant qu'elles concernaient des aliénations directes ou indirectes.

Après les cérémonies d'usage, le président formait les commissions; elles étaient en général au nombre de onze commission des affaires extraordinaires, commission des travaux publics de la province, commission des impositions de diocèses, commission du mémoire présenté au roi, commission de la ligne d'étape, commission des comptes, bureau des recrues, commission pour la vérification des impositions des communautés, commission pour la vérification des dettes des diocèses et des communautés.

Ces commissions rapportaient à l'assemblée générale

1 L'on ne pourra assembler les trois États de nos dits pays sinon en vertu de nos lettres patentes. (Ordonnances des rois de France, t. XVIII, p. 247.)

les affaires dont elles s'étaient occupées; les Etats déliraient à la pluralité des voix, et ces délibérations, constatées par un procès-verbal, étaient présentées aux commissaires du roi assemblés à cet effet chez le commissaire municipal.

On faisait dans l'assemblée même la répartition de l'impôt entre les sénéchaussées'. Les assemblées diocésaines, simples émanations des Etats provinciaux, faisaient ensuite entre les communautés l'assiette de l'imposition2: cette opération auxiliaire était faite en Provence par les assemblées de vigueries. Les conseils municipaux répartissaient à leur tour l'impôt entre les contribuables de chaque communauté. Ces conseils géraient d'ailleurs toutes les affaires des communes; ils présidaient à la confection du cadastre, aux règlements de la milice, aux encouragements des arts et de l'industrie; fondaient et entretenaient les colléges, les hôpitaux, les églises et en général tous les établissements d'utilité publique.

Une correspondance active régnait entre tous les officiers et les assemblées auxquelles ils étaient attachés; et cette correspondance du centre à tous les points de la circonférence entretenait la confiance, ré– pandait l'instruction, maintenait la règle, découvrait les abus et déconcertait les entreprises.

Par elle l'administration générale était toujours à portée de perfectionner les règlements intérieurs, de garantir le pays de toute atteinte, d'assurer le repos des citoyens, d'ouvrir l'accès du trône à la faiblesse

1 D. Vaissette, t. IV, p. 482; t. V, p. 6.
2 Idem, t. V, p. 482.

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