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taient une force au moins égale à la sienne, n'était pas une entreprise sans difficultés, pour peu que le prince d'Anhalt-Pless qui lui était opposé fût un homme de tête et de coeur. La première ne fit qu'un simulacre de résistance; il n'en fut pas de même des autres qui, mieux commandées, furent aussi beaucoup mieux défendues.

Résultats

immenses

de sept semaines.

Ainsi se termina la guerre de sept semaines, bien différente de celle de sept ans. Jamais vic- de la guerre toire n'avait eu de pareils résultats. Dans ce court espace de temps, ma puissance s'était élancée, pour ainsi dire, des bords du Rhin à ceux de la Vistule. Cent mille prisonniers, 4 mille pièces de canon, six grandes places et plusieurs autres moins considérables, tels étaient les trophées d'une habile manoeuvre, de l'impétueuse valeur de mon armée et de l'inexpérience de nos adversaires. Quoi qu'en dise l'élégant écrivain du précis des événements militaires, ces succès ne furent que le résultat d'une habile application des principes de la guerre, de ma part, et d'un oubli total de ces principes de la part de mes ennemis. Vouloir nier l'existence et l'influence de ces principes, c'est nier le soleil; c'est prouver qu'on n'a pas compris la guerre. Mon génie n'a consisté qu'à les appliquer presque constamment, et à donner à cette application toute l'étendue

du possible. C'est dans cette manière de les mettre en pratique que j'ai déployé toute la supériorité de mon jugement, la grandeur de mon caractère et l'étendue de mes vues. C'est là ce

qui distingue le grand homme de guerre du général médiocre. Mais loin de moi la pensée de mettre en doute l'existence des principes et leur influence sur le sort des combats!

CHAPITRE X.

Projets sur la Pologne. Campagne d'hiver. Les Russes arrivent sur la Vistule et envahissent la Moldavie. Batailles de Pultusk et d'Eylau. Quartiers d'hiver. Opérations contre les Suédois. Siéges de Dantzick et des places ́de Silésie. Menaces de l'Espagne. Démonstrations de l'Autriche. Les Anglais devant Constantinople; ils échouent contre l'Égypte. Négociations diverses avec la Perse, la Porte, la Suède et les coalisés. Ouverture d'une seconde campagne. Batailles d'Heilsberg et de Friedland. Traité de Tilsit.

Le roi de Prusse s'était retiré à Koenigsberg. De toute son armée il lui restait à peine 20 mille hommes en état de tenir la campagne; mais 100 mille Russes venaient à son secours et s'avançaient sur la Vistule. Je marchai à leur rencontre; j'arrivai en Pologne. Un nouveau théâtre s'ouvrait à nos armes ; j'allais voir cette vieille terre de l'anarchie et de la liberté courbée sous la domination étrangère; les Polonais attendaient ma venue pour secouer le joug allemand.

la Pologne.

Il aurait fallu ignorer l'histoire du 18e siècle Projet sur pour méconnaître tout le parti que je pouvais tirer de la Pologne; mais, pour qu'elle pût servir

à la fois de barrière à la Russie et de contrepoids à l'Autriche, il fallait un rétablissement complet. Une guerre très-longue et très-heureuse pouvait seule amener ce résultat: mes ministres n'étaient pas d'accord sur son opportunité; Talleyrand, vieux et usé, soupirait après son hôtel de Paris, et se souciait peu d'une promenade d'hiver en Pologne; il s'y montra contraire. Maret pensait qu'on pouvait en faire l'essai, parce qu'il y voyait d'immenses avantages et des chances de succès.

Les promesses de Dombrowsky et de Zayonscheck étaient engageantes. Une députation solennelle de la grande Pologne, présidée par le comte Dzadinski, vint fixer mes idées en m'assurant une prompte levée de ce qu'ils nomment l'insurrection polonaise, espèce d'arrière - ban où chaque gentilhomme monte à cheval et conduit un certain nombre de ses paysans. Déja mes ordres étaient préparés, lorsqu'un mémoire d'un officier attaché à ma personne vint ébranler ma résolution. Il me représenta, sous les couleurs les plus vives, l'avantage que je trouverais à préférer l'alliance de la Prusse, à qui il serait généreux de pardonner, et qu'on pourrait agrandir de toutes les parties du territoire polonais qu'il serait possible de réunir par la suite, en conservant à celles-ci leur nationalité : c'était obtenir l'espèce de contrepoids qu'il importait

à ma politique de créer, et c'était l'obtenir sans m'exposer aux chances d'une guerre interminable contre la Prusse, la Russie et l'Autriche.

Ce mémoire s'appesantissait surtout sur le danger de donner un point de réunion éternel à la politique de trois puissances naturellement rivales, et sur ce qui nous arriverait de fâcheux en passant la Vistule, si l'Autriche débouchait avec 150 mille hommes derrière nous, sans que nous pussions nous appuyer sur la Prusse. Il faisait ressortir aussi l'avantage qui résulterait, pour la nation Polonaise, de sa fusion avec un peuple éclairé et industrieux. C'était une grande idée.

J'avoue que je me sentis sur le point d'être entraîné; déja l'armistice se négociait; mais les réflexions que firent naître les inconcevables capitulations d'Erfurth, de Stettin, de Prenzlow, de Magdebourg et de Lubeck, me firent attacher moins de prix à l'alliance d'une armée si démoralisée. Les conditions de l'armistice s'en ressentirent, et comme je m'attendais que l'arrivée des Russes le ferait refuser, je résolus d'essayer des Polonais, sans me laisser intimider par les approches de la mauvaise saison. Dans le fait, il m'en coûtait moins d'aller à Varsovie combattre l'armée russe au milieu d'une population prête à se joindre à nous, que de l'attendre au milieu

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