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portés au règne d'Adrien. C'était encore l'époque de l'architecture coquette et l'on sait que ce prince ne se borna pas seulement à l'embellissement de Rome, qu'il fit couvrir de monuments magnifiques les provinces les plus éloignées où il se rendait souvent en personne. Tout annonce que c'est à la vive impulsion qu'il sut imprimer aux arts, que la Gaule doit les principaux monuments qui font encore aujourd'hui la gloire de ses plus antiques cités. Nous sommes d'accord en cela avec Massie, le baron de La Bastie, Millin, M. Merimée et M. Artaud. Dire en mémoire de quel prince, de quelle victoire, ils ont été élevés, serait peut-être chose difficile. Les noms de Mario, Dacuno, Sacrovis, etc., que l'on aperçoit encore sur des boucliers, ne sont qu'un bien faible témoignage en faveur de l'opinion que nous avons combattue. Ce ne sont, vraisemblablement, que des noms de chefs gaulois dont la défaite méritait bien d'être signalée sur les trophées des vainqueurs de la Gaule, mais qui ne sauraient infirmer les preuves que nous avons produites. On sait d'ailleurs que les arcs-de-triomphe n'ont pas toujours été élevés pour perpétuer le souvenir d'une victoire; les Romains en ont bien souvent construit comme ornements des villes où ils déployaient le luxe de leur architecture. Il est donc évident, à nos yeux, que l'arc d'Orange n'a pas eu la destination que l'on suppose, et que, s'il a été élevé en mémoire des premières victoires des Romains dans la Gaule

Narbonnaise, ce ne doit être qu'au moins deux siècles plus tard; mais nous aimons mieux y voir l'un de ces édifices destinés à rehausser la splendeur des cités que les Romains affectionnaient le plus, édifices sur lesquels ils inscrivaient indistinctement les succès obtenus par leurs armes. Nous ferons remarquer enfin qu'il est très-peu probable qu'un pareil monument ait été élevé au centre d'une contrée si long-temps agitée par les invasions et les révoltes, et au moment même de la plus grande agitation. C'est seulement après sa soumission et sa pacification complètes, que les nouveaux maîtres de la Narbonnaise ont pu songer à la doter de ces magnifiques établissements qui, aujourd'hui encore, nous étonnent jusques dans leurs débris. Quoiqu'en puisse dire M. Aubenas avec ses Grecs stipendiés, ses soldatsartistes, les beaux-arts sont fils de la paix et ne se développent pas dans les camps.

Lille, le 19 avril 1844.

N. B. Vitruve que nous avons appelé Grec, était né à Rome.

NOTICE HISTORIQUE

SUR

LA VILLE DE BAPAUME,

Par M. Ad. BRUYELLE.

A petite ville de Bapaume doit son origine à un château-fort, dont il est fait mention dès les premières années du IXe siècle, époque où, compris dans le comté de Flandre, fut cédé par Charles-le-Chauve à Beauduin-Brasde-Fer.

il

Vers l'an 1090, une sorte d'aventurier nommé Béranger, homme audacieux et cruel, s'en rend maître par une surprise que la chronique de l'abbaye d'Arrouaise rapporte de la manière suivante:

Un homme d'armes, pressé par le besoin, se présente aux portes de la forteresse, implorant l'hospitalité. Le châtelain qui est bon et compa

tissant, a pitié de sa détresse, le fait héberger et l'admet au nombre de ses serviteurs.

Une nuit, Béranger et ses soldats pénétrent dans le château presque sans résistance; car l'homme d'armes que l'on vient d'accueillir est d'intelligence avec ces bandits et leur a frayé le chemin. Il y avait fête cette nuit là au château de Bapaume, mais chacun fuit à l'approche de Béranger; on égorge sans pitié le bon châtelain et l'on s'empare de sa fille, ange d'innocence et de pureté, réservé aux plus cruels outrages...

Cependant, tandis que Béranger et ses dignes compagnons s'adonnent à l'orgie, un pauvre ménestrel, commensal habituel du manoir, réussit à s'échapper, et va donner l'alarme dans le pays. Il revient accompagné d'une troupe nombreuse et parvient à délivrer la prisonnière.

Si nous en croyons un manuscrit dont l'auteur nous est inconnu, Béranger continua d'habiter la forteresse dont il fit un repaire de brigandage. Nul ne pouvait se hasarder près du château qu'avoisinait la forêt, sans s'exposer à être dévalisé et maltraité. Et si par hasard le pauvre voyageur avait échappé aux terribles routiers, aussitôt arrivé à l'endroit nommé Franche-ville ou Francqueville, il se mettait à battre des mains en signe

Au XVIe siècle on trouva à Franqueville des restes d'édifices fort anciens, avec des casques et des médailles d'origine romaine. Près de ce lieu se voit un monticule très-prononcé, appelé la

de joie... De là serait venu le nom de Bat-paume ou Bapaume, donné au lieu sur lequel devait s'élever plus tard la ville fortifiée.

Toute puérile que soit cette étymologie du mot de Bapaume, nous avons cru devoir la constater ici, parce que cette ville porte encore dans ses armoiries trois mains ou plutôt trois paumes de

mains.

Le redoutable Béranger trouva la mort au milieu de ses exactions. Ayant voulu frapper de son poignard, un pauvre bûcheron, celui ci riposta par un coup de hâche qui lui fendit la tête. Ses compagnons, après avoir vainement cherché à venger sa mort, inhumèrent le corps de la victime dans un lieu appelé encore aujourd'hui la motte Beranger, situé entre Bapaume et l'abbaye d'Ar

rouaise.

Ils établirent sa sépulture au pied d'un gros chêne, dont le tronc creux pouvait aisément cacher un de leurs acolytes. Et lorsqu'une capture dont on pouvait espérer rançon se présentait, on l'amenait devant cet arbre; et là, une voix que l'on croyait être celle du terrible Béranger, taxait le prix de la rançon. Quiconque s'y refusait, était

Motte de Warlencourt. On y a trouvé, au siècle suivant, la tombe d'un guerrier, avec des médailles et des armes.

En 1769 ou 1770, en perçant une chaussée, les travaux de terrassement ont mis à découvert, vis-à-vis Franqueville un tumulus d'ossements humains et des tronçons d'armes. Ces objets ont fait présumer que les Romains ont dû camper dans ce lieu, théâtre de quelque combat.

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