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» que fut ouvert devant nous le livre de vie où >> la main de Dieu les écrivait pendant que la » droite du prélat les répandait à l'insu de sa » gauche... Sa libéralité avait plus d'une voie » pour porter des vêtemens à ceux qui étaient » nus, du pain à ceux qui avaient faim, pour » donner un toît, un lit, un foyer à ceux qui ne » savaient où réchauffer leurs membres, où reposer » leur tête. Mais c'étaient là les formes communes » de sa bienfaisance. Elle savait en trouver » d'autres selon le caractère et la position de >> ceux qu'elle obligeait. Elle inventait des pré>> textes pour envoyer des secours, tantôt à de >> pauvres religieuses, tantôt à de jeunes aspi>> rans au sacerdoce, qui souffraient de ne pouvoir » venir en aide à un père malade, à une mère » dans le besoin; tantôt pour soutenir une famille » honnête qui, cherchant dans les arts l'espoir » de l'aisance, s'impose les plus dures privations » et ne mange que le pain noir du soldat. »

Vous connaissez, Messieurs, le moyen ingénieux qu'employa M. Belmas pour laisser à un vieux curé, indigent et infirme, dix pièces d'or que celui-ci trouva dans sa tabatière, et je ne saurais résister au désir de citer pour vous le faire également connaître, cet autre fait que votre commission a lu dans son éloge :

<< Une de ces femmes du faubourg qui ap» portent tous les jours des légumes au marché » de Cambrai, avait eu sa maison incendiée, rien

» n'avait pu être sauvé; son âne même avait péri. » Désespérés, sans asile, père, mère, enfans » songent à la bienfaisance de M. Belmas; le mari » n'ose faire la démarche, il en charge sa femme. » Elle arrive à l'évêché, on l'introduit dans le » cabinet de l'évêque. Elle raconte son malheur, » les larmes aux yeux, sans oublier la moindre » circonstance. M. Belmas l'écoute jusqu'au bout, » puis lui fait plusieurs questions mêlées de » quelques reproches d'imprudence, de négli»gence peut-être... La pauvre femme répond à » tout; se justifie facilement de tout. Comme s'il » eût été satisfait de ses réponses, le prélat ouvre » une petite armoire fort basse, y enfonce le bras >> en mettant un genou en terre et en retire un » sac qu'il dépose dans le panier de la malheu> reuse herbière. Elle se confond en remercîmens » et se retire.

» En sortant de l'évêché, pour se remettre de » son émotion, elle entre dans la boutique d'un >> petit marchand. Croyant n'avoir reçu que >> quinze ou vingt francs en monnaie de cuivre, » elle ouvre le sac, c'étaient des pièces d'argent! » Emue, éblouie, hors d'elle-même, elle se hâte » de porter cette nouvelle et cette fortune à son >> mari, calculant en chemin la somme d'après le » volume du sac, elle se disait avec plus de cer» titude que la laitière de la fable : Je crois qu'il » y en aura assez pour rebâtir la maison et l'é» curie, et peut-être pour racheter...-La preuve

» subsiste que la somme suffit à la reconstruction » de l'humble demeure. »

Les développemens dans lesquels est entré le panégyriste de M. Belmas pour expliquer les regrets universels qu'a inspirés la perte de ce prélat, ont, Messieurs, vivement intéressé votre commission, et ils auront bien certainement le même mérite pour tous ceux qui désireront les connaître. Mais comme votre commission, ceux-ci ne penseront-ils pas qu'en reportant leur texte dans ses notes, l'auteur devrait se borner à résumer dans le corps de son travail les précieux documens qu'il a recueillis? La rapidité de son récit ne peut que gagner à une pareille résolution.

Le tableau des services de toute nature que M. Belmas a rendus aux diverses époques de sa vie, devait conduire à parler des ingrats qu'il a faits; mais tout en comprenant, en pareil cas, l'indignation de son panégyriste, votre commission, Messieurs, désirerait qu'il en refoulât l'expression dans son cœur. Ce sacrifice ne sera pas au-dessus de ses forces, en pensant aux remords des coupables, comme le prélat dont il a écrit l'éloge, il saura souffrir et pardonner.

Telles sont, Messieurs, les seules observations que votre commission m'ait recommandé de vous soumettre. Son opinion sur l'œuvre que vous avez reçue est unanime : cette œuvre lui a paru digne du prix offert par votre programme.

RAPPORT

SUR LE

CONCOURS DE POÉSIE,

Par M. COLONJON.

I.

E

N instituant votre concours de poésie, vous avez voulu, Messieurs, stimuler le zèle et le talent des jeunes hommes d'esprit et de cœur qui se destinent à la carrière des lettres. Votre tâche assurément, n'a rien d'éclatant ni de glorieux, mais elle suffit à vous contenter puisqu'elle vous met à même d'offrir une généreuse hospitalité aux intelligences d'élite.

Convaincus de cette vérité, vous poursuivez l'œuvre de progrès qui vous est confiée, n'ambi

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