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Cette nouvelle consterna le diocèse. La ville épiscopale fut plongée dans le deuil. Chacun, appréciant mieux que jamais le passé, craignit pour l'avenir. Les pauvres pleurèrent. Trois jours le prélat exposé sur un lit de parade, reçut les prières, les larmes et les adieux d'une foule de fidèles de toutes les conditions, qui voulaient voir encore une fois ses traits vénérés et chéris.

La cérémonie funèbre réunit les hauts fonctionnaires du département, toutes les autorités, tous les corps de la localité, un nombre considérable de citoyens de tous les ordres, et des ecclésiastiques accourus de tous les points du diocèse, parmi lesquels on remarquait avec attendrissement des vieillards en cheveux blancs, pouvant à peine eux-mêmes porter, sans secours, le poids de leurs années. Le cardinal évêque d'Arras officia. Les restes mortels de M. Belmas furent déposés, selon son vou, dans le caveau de la cathédrale, près de ceux de son illustre prédécesseur, au pied du tombeau de Fénelon. C'est là qu'il repose en attendant le monument promis à sa mémoire par la reconnaissance, la vénération et l'amour de ses diocésains.

Arrêtons-nous devant ce tombeau. Notre course est achevée. Nous avons essayé de retracer la vie entière de M. Belmas depuis le jour où, pupille de la Providence, il fut reçu dans la maison de Dieu comme un fils de prédilection, jusqu'au moment où les suffrages des fidèles, comme aux

temps apostoliques, le portèrent à l'épiscopat; et depuis cette époque, jusqu'à l'heure suprême où il rendit à Dieu les talents que la bonté divine lai avait confiés pour le bien de ses frères.

Fidèle à sa mission sainte, il recherche, il enseigne, il prêche la vérité dans sa pureté primitive. Inébranlable dans sa foi, comme les premiers pasteurs de l'Eglise, il voit s'agiter autour de lui les passions humaines et les intérêts des Rois. Il ne sert que la patrie, il ne s'attache, il n'obéit qu'au père des peuples, et, participant par la constance de son caractère à l'immuabilité du souverain du Ciel, il se montre au dernier jour tel qu'il fut au premier, sans que mille changements, mille obstacles divers aient pu le faire dévier un seul instant de sa route.

Cette foi vive inspire toutes les bonnes œuvres dont sa vie est remplie; la charité les anime. La charité, ce feu divin que le fils de Dieu est venu allumer sur la terre; la charité, le caractère distinctif de ses vrais disciples; la charité qui aime, qui tolère, qui pardonne, qui bénit; qui ne voit ici-bas que des frères; qui est patiente et douce, aimable et bonne pour les gagner ou les conserver tous au père commun des hommes, au Dieu de paix, de miséricorde et d'amour.

Eclairé, ferme et doux, M. Belmas nous apparaît comme un de ces hommes rares, un de ces types primitifs où la haute intelligence est relevée par la dignité du caractère; où l'éclat des lumières

est adouci par une modestie naturelle, une humilité sincère qui ne voit que le devoir, n'ambitionne que le bien; où l'austérité des mœurs, la sévérité de la vertu est tempérée par la bonté du cœur, par l'aménité, la sérénité de l'âme qui répandait autour de la personne du prélat un charme inexprimable, mélange d'admiration, de respect et d'amour.

Ce sont ces qualités de l'esprit et du cœur, de l'homme et du chrétien, qui rendront sa mémoire immortelle parmi nous. Ce sont ces vertus qui la rendront chère aux âges à venir. S'il nous était permis d'attendre le jour où le marbre, interprète de tous les vœux, nous rendra, trait pour trait, le prélat que nous avons tant aimé; si nous pouvions devancer le moment heureux où, sous l'empire de la plus douce illusion, nous croirons le voir revivre au milieu de nous; s'il nous était donné d'entendre tout ce que les générations se rediront l'une à l'autre en passant devant ce monument vénéré, comme devant celui de Fénelon, cet éloge que nous avons entrepris sous votre inspiration, Messieurs, serait plus digne de la société savante qui a vu M. Belmas siéger dans son sein, qui l'a vu présider à ses travaux; cet hommage serait aussi plus digne de celui à qui nous l'offrons. Il serait plus complet; mais il ne serait ni plus affectueux, ni plus sincère.

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