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tres excellens esprits, qui travaillèrent à perfectionner la botanique, eussent classé les espèces selon des principes dont la clarté et l'évidence nelaissent presque rien à désirer; cet objet rempli, il restoit à prouver que Théophraste ne s'étoit pas abusé, et qu'en effet, il étoit possible de trouver, dans l'organisation interne des plantes et dans les phénomènes de la végétation, des caractères propres à distinguer les différens groupes du règne végétal. Cette preuve ne tarda pas. Un naturaliste (1), membre, de cette classe, de retour d'un voyage, en Afrique, où il avoit observé à loisir le palmier dattier, si différent des arbres de nos climats, fit un heureux essai de la doctrine du philosophe grec, et ouvrit une carrière nouvelle dans une science qui, grace aux travaux de tant d'hommes illustres, sembloit ne devoir offrir désormais que l'application facile des principes qu'ils avoient découverts. Les détails dans lesquels je vais entrer, relativement à ce travail, sont une introduction nécessaire pour l'intelligence des faits que je dois exposer bientôt.

«On sait qu'un gland de chêne, qu'une graine de haricot produisent en germant deux feuilles courtes, épaisses, opposées. On sait encore que la graine de l'oignon, de la jacinte, du palmier, donné naissance à une seule feuille alongée et cylindrique. De là, deux grandes classes de végétaux; les uns à deux feuilles séminales ou dicotylédons; les autres à une feuille séminale ou monocotylédons.

«Les dicotylédons sont ordinairement branchus leurs feuilles sont presque toujours relevées de nervures divergentes et rétrécies à leur partie inférieure (2).

(1) M. Desfontaines, auteur de la Flore du Mont-Atlas.

(a Tous nos arbres de pleine terre, sont de la classe des dicotylédons. (Note des rédacteurs).

« Les monocotylédons sont souvent dépourvus de rameaux, et, dans la plupart des espèces, les feuilles marquées de nervures fines et parallèles embrasserit la tige par leur base élargie.

« Voilà ce que les botanistes avoient remarqué; mais ces différences étoient légères, eu égard à celles que devoit offrir la comparaison des organes inté

rieurs.

<< Si l'on examine la tranche horizontale du tronc d'un de nos arbres forestiers, on voit au centre, un tissu lâche auquel on a donné le nom de moëlle ; à la circonférence, une écorce épaisse; dans la partie intermédiaire, des couches de bois qui forment des zônes concentriques; et, du centre à la circonférence, des rayons médullaires semblables aux lignes horaires d'un cadran. Mais, si l'on examine la coupe horizontale d'un dattier, ou de tout autre végétal à une seule feuille séminale, on reconnoît que la moëlle forme la majeure partie de la tige; que le bois est composé de longs filets disséminés dans le tissu médullaire, et qu'il n'y a point de rayons prolongés du centre à la circonférence; enfin, si l'on considère dans leur développement, les végétaux à couches concentriques, et ceux à filets longitudinaux, on reconnoît que les premiers s'élèvent par la formation de nouvelles couches produites à la circonference, et les seconds, par la multiplication et l'allongement des filets du

centre.

Voici donc l'anatomie et la physiologie qui confirment pleinement la distinction que les botanistes ont établie entre les plantes à une feuille et à deux feuilles séminales. La belle série d'observations sur laquelle repose cette découverte, est la première application que l'on ait faite dela doctrine de Theophraste, et, peut-être, la plus heureuse que l'on fera jamais.

« Qu'il me soit permis, maintenant, d'exposer en peu de mots, les principaux phénomènes dont l'examen a été l'objet particulier de mes études (1). Ce que je vais dire se lie naturellement à ce qui pré

cède.

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« Ce seroit une grande erreur de croire, avec quelques physiciens du dernier siècle, gens plus enclins à imaginer des systèmes, qu'attentifs à observer la nature, que les plantes ont un cœur, des artères, des veines, des fibres, des muscles; en un mot, qu'il ne leur manque que l'organe du sentiment pour ressembler à des animaux d'une organisation très-compliquée. Les plantes sont, toutes entières formées d'un tissu membraneux, composé d'une multitude innombrable de cellules qu'on seroit tenté de prendre pour de petites vessies collées les unes aux autres. Quelques cellules cependant, sont façonnées en tubes déliés, et parcourent le végétal dans sa longueur. Les fluides s'élèvent dans ces especes de vaisseaux, et leur marche à travers le tissu, est facilitée par les ouvertures et les fentes nombreuses dont les tubes et les cellules sont souvent criblés. Il y a même des tubes qui sont découpés circulairement, de manière à présenter, dans leur ensemble, un fil roulé en tire bourre. Malpighi les considéroit comme les poumons des plantes, parce qu'ils ont quelques ressemblance avec les organes de la respiration dans les insectes; mais, de nombreuses observations m'ont prouvé que ce sont les principaux

:

(1) Get exposé contient l'analyse d'un excellent ouvrage, dont M. Mirbel a publié la deuxième édition en 1809, sous le titre de Théorie de l'organisation végétale. Un volume in-8°. avec neuf planches; ehez Dufart, père, et chez Arthus-Bertrand, éditeur des Annales forestières, rue Hantefeuille no 23, à Paris.

canaux du suc séveux, dont le végétal puise les élémens dans la terre et dans l'air.

«Les cellules du tissu des feuilles s'allongent extérieurement en petits tuyaux qui donnent à l'épiderme de certaines plantes, l'apparence d'une étoffe de laine ou de soie. Ces cellules allongées sont les suçoirs dont la nature a pourvu les végétaux.

<< Une partie de la séve se dissipe par la transpiration insensible; une autre va former les huiles et les résines qui remplissent de grandes cavités pratiquées dans le tissu cellulaire de la moëlle et de l'écorce; une troisième produit la liqueur mucilagineuse, le chyle végétal, qui nourrit et développe le tissu de la plante.

Mais, quelle force attire dans les vaisseaux les fluides de la terre et de l'air? Un arbre mort ne paroît pas différer, par son organisation, d'un arbre plein de vie, et toutefois ce seroit en vain qu'on plongeroit ses racines dans l'eau; le fluide ne s'élèveroit point dans le tissu, au dessus de son propre niveau. Les végétaux vivans jouissent donc d'une force qui est inhérente à la nature de leurs organes ; et jusqu'à ce jour, nous n'avons fait que d'infructueuses tentatives pour expliquer les phénomènes de leur végétation par les lois ordinaires de la physique,

« Où réside cette force, dont nous connoissons quelques effets, quoique son principe nous soit toutà-fait inconnu? Seroit-ce essentiellement dans la racine? Non, car une branche privée de racines et mise dans la terre, ne tarde pas à se développer. Seroit-ce dans la moëlle ? Nullement, car je puis enlever la moëlle d'un arbre sans que la végétation s'arrête. Seroit-ce dans le bois? Je ne le saurois croire, car le bois est une partie endurcie, qui jouit, tout au plus, d'une vie passive. Seroit-ce, enfin, dans l'é

corce? Je n'en puis douter; car si je plante une branche dépouillée de son écorce, elle se dessèche

et meurt.

« On conçoit néanmoins que la force vitale (c'est ainsi que nous désignons cette force incompréhensible), ne réside pas dans la partie extérieure des vieilles écorces, qui est rude et desséchée, mais seulement dans cette partie interne, fraîche et molle, à laquelle on a donné le nom de liber. Les boutons, les feuilles, les jeunes branches, les jeunes racines, sont des expansions du liber. Ils communiquent avec le centre du végétal par les vaisseaux de la moëlle, et, comme des pompes aspirantes, ils élèvent dans les longs canaux du bois, les fluides et les gaz enlevés à la terre et à l'atmosphère. Cette succion, qui a lieu pendant que la douceur de la température entretient la force vitale, répare sans cesse les pertes abondantes occasionnées par la transpiration.

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« Le liber est donc l'organe essentiel des développemens; et nous allons voir par quel artifice la nature prolonge la vie des espèces ligneuses, et comment se peuvent concilier, avec les lois de la végétation, l'énorme accroissement et la longue durée de certains arbres dont la naissance paroît être antérieure à tous les monumens historiques.

« Vers l'arrière saison, une plante annuelle sèche sur pied et périt. A cette même époque, un arbre se dépouille de son feuillage, mais il reverdit l'année suivante, et reproduit des feuilles, des fleurs et des fruits. La cause de ce phénomène est dans l'existence du liber. Cette portion interne de l'écorce, abreuvée par la séve et transformée en bois pendant la belle saison, est remplacée bientôt par un nouveau liber, humide et souple comme une herbe dans sa première croissance. Le nouveau liber, caché sous la partie la

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