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éprouve une augmentation sensible par cette circonstance que les experts n'auront pas prévue: comment pourra-t-on, sans recommencer l'estimation, déterminer la valeur actuelle de cette partie de bois, si le procès-verbal des experts n'indique pas la quantité de stères qu'elle contient (1).

Si, au contraire, cette première donnée est constante, l'autre se détermine aisément; puisqu'il suffit de prendre, pour la fixer, le taux du commerce, qui, généralement connu dans le pays de la situation des bois, ne peut laisser d'incertitude sur la valeur véritable de leur superficie.

Et réciproquement, cette valeur de superficie pouvant servir à calculer celle de la feuille, mènera à régler convenablement la valeur du sol.

Tout semble donc (dans l'estimation de la superficie d'une partie de bois à estimer) pouvoir, ainsi que je l'ai déjà dit, se réduire à ces deux points: 10. déterminer la quantité de stères qu'elle contient; 2o. indiquer le prix du stère de chaque espèce de bois.

Je reviendrai sur les moyens à prendre pour parvenir à ce double but. CHANLAIRE.

(1) Pour rendre ce qui vient d'être dit plus sensible, je prends un exemple; toujours dans l'inspection de Wassy (Haute-Marne), où se trouvent de si belles forêts. Qu'on ait estimé, par exemple, deux cantons de bois; l'un qui avoisine le port de S.-Dizier; l'autre qui soit à la proximité de Montierender : et que cette estimation ait été faite, sans égard pour le débouché nouveau que peuvent offrir à ces bois, soit le flottage à bûches perdues, à établir sur la Marne, soit la route commencée vers l'Aube, au-delà de Montierender, soit enfin le canal de la Voire, dont il est possible qu'on s'occupe bientôt. On voit que si ces communications s'ouvrent, les transports des bois, Paris, seront facilités, et le prix de ces bois augmenté sensi blement au profit de l'état; tout en procurant, la capitale de l'Empire, un nouveau moyen d'approvisionnement,

vers

DEUXIÈME PARTIE.

ÉCONOMIE FORESTIÈRE.

SECTION 1. STATISTIQUE.

Notice historique sur les forêts;
Par M. BAUDRILLART.

Les forêts sont placées au nombre des productions de la nature qui intéressent essentiellement l'existence des sociétés, et qui méritent de fixer l'attention particulière de l'homme d'état et de l'agronome. Répandues sur toute la surface du globe, elles offrent aux nations des ressources multipliées; et dans les pays encore privés des connoissances agricoles, leurs produits suppléent à ceux de la culture des champs. C'est dans leur sein que les peuples sauvages se forment des asiles, ou qu'ils se réfugient pour se soustraire à la férocité des animaux et à la cruauté de leurs ennemis vainqueurs; c'est là aussi que, poursuivis, harcelés par les nations civilisées qui les avoisinent, ces peuples se resserrent pour conserver leur indépendance et leurs habitudes. Ils y trouvent tout ce qui est nécessaire à l'établissement de leurs habitations, à leur subsistance et à leur vêtement. Seules, les forêts assu-. rent tous les besoins de ces hommes simples, qui ne connoissent pas ceux que le luxe et la mollesse ont produits parmi nous. C'est ainsi que, dans des temps reculés, elles ont protégé l'enfance des sociétés, et qu'elles furent d'abord leurs uniques ressources.

Aussi, la reconnoissance des hommes et la vénération qu'inspire la majesté silencieuse de ces sombres retraites, les avoient-elles fait choisir comme les lieux les plus propres à honorer la divinité. Elles furent, en effet, les premiers temples où les peuples lui adressèrent leurs hommages et implorèrent sa protection. Presque toutes les nations anciennes eurent leurs bois sacrés, et il n'y avoit guère de temple qui ne fût accompagné d'un bois dédié au dieu qu'on y adoroit; telle fut la célèbre forêt de Dodone, consacrée à Jupiter, et dont les chênes rendoient des oracles. La riante imagination des Grecs anima les forêts et les peupla de divinités fabuleuses auxquelles ils en confioient la garde. Les Romains, héritiers de la religion des Grecs, conservèrent un grand respect pour ces demeures sacrées, et les poëtes de ces deux premières nations du monde célébrèrent les dieux et les nymphes tutélaires des forêts, sous les noms de Faunes, de Sylvains, de Dryades et d'Amadryades. La chasse et les forêts eurent pour déesse l'austère Diane, qui, suivie d'une meute de chiens, ne sortoit point de l'enceinte des bois. Ces fictions religieuses attestent la vénération réelle des anciens pour les plus belles et les plus majestueuses productions de la nature. Nos ancêtres en firent aussi le sanctuaire auguste de la divinité; c'est au milieu des forêts de la Germanie et des Gaules, au pied des chênes antiques, que les druides célébroient leur culte et offroient leurs sacrifices à l'Eternel. On connoît la vénération qu'ils avoient pour le gui du chêne, qu'ils ne coupoient qu'après bien des préparations et avec de grandes cérémonies. C'étoit le principal objet de leurs pieuses offrandes. Ces ministres faisoient leur demeure habituelle dans la profondeur des forêts, où ils méditoient en silence sur les décisions qu'ils avoient à rendre, dans tout ce qui intéressoit

la religion, les études et même la justice. Leur éloignement de la vie sociale augmentoit le respect qu'on avoit pour leur personne et pour les ordres émanes de leur autorité. La peine de ceux qui ne leur obeissoient pas étoit une espèce d'excommunication, qui les excluoit des sacrifices et les faisoit passer pour des impies que tout le monde fuyoit. C'est encore dans les bois qu'habitoient les bardes, ces poëtes révérés des nations celtiques. Dans des temps plus modernes, les forêts furent également célèbres par la dévotion des peuples, qui y forma des monastères, des pèlerinages et d'autres établissemens pieux; enfin, la superstition plaça dans l'obscure retraite des bois, le manoir des êtres auxquels elle attribuoit un pouvoir surnaturel. Mais, quittons le merveilleux de l'histoire des forêts, pour nous occuper de leur importance et de leur utilité réelles.

Siles forêts ne sont pas nos uniques ressources, comme chez les peuples sauvages, elles nous sont pourtant indispensables; leurs produits sont recherchés par les arts, le commerce, l'agriculture et presque tous les genres de métiers. Ils s'unissent tellement à l'industrie, qu'ils la modifient dans chaque contrée, et lui impriment une direction différente, selon leur nature et leur plus ou moins d'abondance. Il seroit trop long, sans doute, de détailler tous les services que les forêts ont rendus, et qu'elles rendent chaque jour à la société. Personne, au reste, ne peut les méconnoître. Mais, qu'il me soit permis de les indiquer sommairement, et d'esquisser le tableau des malheurs qui affligeroient l'humanité, si quelque catastrophe pouvoit faire disparoître les forêts, et nous priver tout-à-coup de leurs précieuses ressources.

Les arts qui ont occupé les sociétés naissantes, se sont exercés sur les matières qui étoient alors les

plus abondantes et les plus faciles à travailler: le bois et la pierre ont, à ce double titre, reçu les premières empreintes de l'industrie humaine. On en fit des armes, des instrumens de labourage, des meubles, des ouvrages de mécanique, des statues, et dans cette enfance du monde, on vit un morceau de bois grossièrement façonné, devenir l'objet de la vénération des peuples idolâtres. L'emploi des métaux dut être long-temps inconnu, parce que leur préparation exigeoit une suite de connoissances, qui ne pouvoient être que l'ouvrage du temps et de la réflexion. On peut donc considérer les forêts comme ayant fourni les premières matières des arts, comme elles en ont été les premiers ateliers. Leur utilité n'a pas diminué par l'emploi des autres objets de consommation, et quoique les bois aient fait place à quelques métaux pour la confection d'ouvrages qui exigeoient plus de solidité ou plus d'élégance, ils leur prêtent encore leur secours, et sont fréquemment employés seuls, dans une infinité de travaux. Sous quelles formes et de quelles qualités qu'on les obtienne, ils trouvent une destination toujours utile, soit comme bois de feu et bois d'œuvre, soit comme bois de construction: ils servent au chauffage, à la cuisson de nos alimens, à la préparation des métaux ; ils fournissent des produits recherchés dans les arts et la médecine, on les emploie dans les constructions de toute espèce et la confection de presque tous les ouvrages; ils alimentent les usines, procurent au commerce des moyens de transport et d'échange dans toutes les parties du monde; fournissent des matériaux aux chantiers de constructions pour la marine militaire, pour la fortification des places de guerre, pour la construction des ponts, et la navigation intérieure; enfin, on les retrouve dans

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