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par nos observations, de vous mettre à même de juger du mérite de ces preuves.

« M. Juglar a orné la tête de son livre de cette épigraphe puisée dans Horace:

Indiciis monstrare recentibus abdita rerum.

« Elle a piqué vivement notre curiosité : nous avons de suite parcouru tout l'ouvrage pour connoître ces secrets qu'il devoit nous révéler; mais quelle a été notre surprise de n'y trouver que les mêmes notions éparses dans les divers écrits qui ont traité du Robinier, et que M. François de Neufchâteau avoit eu le mérite de réunir avant lui dans sa lettre sur le Robinier, imprimée à Paris en 1803.

«M. Juglar a divisé son ouvrage en huit chapitres: le premier nous offre la description de l'Acacia, Cette description avoit été faite il y a long-temps, et notamment par M. François de Neufchâteau; en lisant celle de M. Juglar, il nous a semblé voir un peintre dessinant le portrait de sa maîtresse, et cherchant à ajouter encore aux graces dont la nature l'a pourvue; mais notre intention n'étant pas d'atténuer les bonnes qualités dont cet arbre vraiment recommandable est doué, nous ne nous permettrons point d'ajouter d'ombres à son tableau; nous passerons donc sur le champ, au second chapitre, qui traite de la multiplication de cet arbre.

« M. Juglar, toujours attentif à faire valoir les qualités du Robinier, nous présente dans ce chapitre, la petitesse de sa graine comme un grand avantage, qui doit le faire préférer au chêne dont le gland est infiniment plus gros, et par une suite nécessaire plus pesant; ce qui, dit-il, ne laisseroit pas de coûter cher pour peu qu'on le tirât de loin; il entre à cet égard dans des calculs dans lesquels nous croyons superflu

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de le suivre. Nons n'avons rien vu de neuf dans le reste de ce chapitre, qui contient différens moyens de multiplier cet arbre, soit par semis, soit par plantations, soit par drageons ou recépage. Tous ceux qui ont écrit sur cet arbre (et le nombre en est grand) à commencer par Jean Robin à qui nous avons l'obligation de l'avoir naturalisé en France, jusqu'à M. François de Neufchâteau (qui est le dernier qui en ait parlé), nons ont indiqué ces différentes manières ; nous nous trompons, Messieurs, il en est une qui appartient à M. Juglar, elle est le fruit d'une découverte qu'il a faite. Ayant aperçu des tubercules ou mamelons jaunâtres sur les racines de jeunes Robiniers qu'il avoit déplantés (1), il imagina que semblable en cela aux pommes de terre, cet arbre pouvoit se reproduire au moyen de ces tubercules : il en sema douze, mais malheureusement l'expérience ne réussit pas, et il nous avoue lui même que ce semis ne donna aucun produit; il se propose de réitérer sa tentative, mais en attendant le résultat, nous allons passer au troisième chapitre, qui traite du prompt accroissement de l'ACACIA.

<< Personne ne contestera cette qualité dans le Robinier, nous observerons seulement que le plus ou moins d'élévation que le jeune plant acquiert dans

(1) Nous pensons que ces tubercules sont des espèces de glandes, qui servent à l'élaboration de la séve pompée par les racines, qu'elle est transportée de ces espèces de réservoirs dans le tronc de l'arbre par le moyen des vaisseaux propres. Lorsque l'arbre est arraché, l'ascension de la séve ne pouvant plus avoir lieu, et la succion des racines restées en terre continuant, il s'ensuit que ces glandes s'engorgeant, leur tissu se rompt et donne naissance à une autre tige. Voilà pourquoi un terrain planté de Robiniers, se couvre d'une quantité égale, et quelquefois plus forte, des mêores espèces d'arbres après l'arrachis qu'on en a fait.

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les premières années, dépend du sol et de la manière dont on soigne le semis; nous avons vu ainsi que lui, ceux de M. Robert Beauchamp, et nous avons remarqué que celui qu'il avoit fait dans un carré de son jardin étoit beaucoup plus beau que celui qu'il avoit placé dans un étang desséché, quoique ce dernier terrain fût plus frais et encore vierge; mais nous reviendrons sur cet objet. Nous observerons encore que nous sommes fâchés de voir M. Juglar prévenu contre le chêne, au point de dire qu'il ne résiste pas à la transplantation, et que le peu de ces arbres qui survit à cette opération, ne paroissent que de foibles et malheureux avortons; sans doute il n'a point fait attention aux belles plantations de ces arbres qui se trouvent dans les environs de Limoges.

« Le chapitre quatrième a pour titre l'Acacia est l'arbre le moins sujet à périr par la transplan

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« Pour prouver la vérité de cette assertion, M. Juglar rapporte divers accidens arrivés à des plants qu'il avoit achetés à Paris, pour les faire transplanter dans sa terre du Ris-Chaudron, département de la Haute-Vienne; il paroît que ces plants furent expédiés en octobre ou novembre, et qu'ils ne furent plantés en pépinière qu'à la fin de mars, après avoir éprouvé toutes les rigueurs de l'hiver, hors de terre; qu'aucun n'a péri, et qu'ils ont été dans le cas d'être transplantés deux fois dans un mois au printemps de 1806.

« Nous ne contesterons certainement pas ce fait, puisque l'auteur l'affirme; mais nous le prions d'avoir la même confiance dans celui qui s'est passé pour ainsi dire à notre porte.

« M. Canolle, de cette ville, propriétaire d'une maison de campagne, près du Grand-Pont, acheta l'an

dernier une assez grande quantité de plants de Robinier, à la pépinière départementale, il les fit transporter de suite, et planter sur le revers d'un coteau exposé au nord-ouest; son intention étant d'en former un taillis, il les fit étêter. Ce plant donna d'abord des jets vigoureux, mais le propriétaire s'aperçut bientôt que tous ces jeunes arbres étoient attaqués de la maladie connue sous le nom de blanc, et il eut le chagrin de les voir tous périr successivement, point d'être obligé de les arracher, et de remplacer cette plantation par de la vigne (1) C'est ainsi que d'un fait particulier, il ne faut pas en tirer de conclusion générale.

au

« L'Acacia s'élève dans toutes sortes de terrains, tel est le titre du cinquième chapitre.

« Voilà une de ces erreurs qui, comme nous l'avons dit, ne peut tendre qu'à engendrer le dégoût pour cet arbre, en qui il réside cependant de bonnes qualités. Nous étions convaincus, par notre propre expérience, du peu d'exactitude de cette assertion, mais nous avons été confirmés dans cette idée par l'opinion de M. Bosc, inspecteur des pépinières impé riales et de celles du gouvernement, membre de la section de l'Agriculture de l'institut de France. Voici comme il s'explique dans le nouveau Cours d'Agriculture, article Robinier :

«On a dit, par exemple, qu'il croissoit également «< bien dans toute espèce de terrain, et et que le plus aquatique comme le plus aride pouvoit en être

(1) M. Canolle nous a autorisé à dire qu'il avait été engagé à former et à exécuter le projet de cette plantation par la lectie de l'ouvrage de M. Juglar; ce qui vient à l'appui de ce que nous avons avancé, en disant que les louanges exagérées qu'on donne au Robinier, ne peuvent qu'engendrer le dégoût pour cet arbre.

«couvert avec succès. Le vrai est qu'il ne vient bien << ni dans l'un ni dans l'autre de ces sortes de ter<< rains; bien des dépenses ont été perdues pour n'a« voir pas connu cette vérité; que sont devenues «<les plantations de Fontainebleau, de Rambouillet? « que deviendront celles du bois de Boulogne ?

Quant à ce qui nous concerne particulièrement, nous dirons que nous avons formé deux pépinières dans deux forêts impériales de ce département, celle de la Mareuil, canton de Chauvigny, et celle de Châtellerault. Le sol de la première est humide et aquatique; il y a deux ans nous y fimes semer du Robinier, il leva d'abord très-bien, mais la presque totalité périt l'hiver suivant, et celui de cette année a enlevé le reste; nous avons placé la seconde dans un sol sablonneux, mais un peu sec, nous y avons également fait semer du Robinier; ce semis n'a point réussi mais comme il fut fait tard, nous ne pouvons rien en conclure contre la nature du sol (1).

:

Le chapitre six traite des grandes et belles proportions auxquelles l'Acacia parvient.

«Si M. Juglar eût eu présent à la mémoire le système forestier suivi dans la classification des arbres il ne se seroit assurément pas servi, dans la rédaction de ce titre, de ces termes un peu emphatiques.

« D'après ce système, on divise les arbres en trois classes; la première comprend ceux qui parviennent naturellement et sans le secours de la culture et de l'art, à une élévation considérable on range dans la seconde, ceux dont le tronc ne passe pas habituellement trente pieds de haut, et qui n'ont à leur partie supérieure qu'une grosseur bien foible et sans pro

(1) Il est bien reconnu que l'Acacia ne réussit point dans les terrains aquatiques; il lui faut une terre légère et fraiche. (Note des rédacteurs.)

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