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DEUXIÈME PARTIE.

ÉCONOMIE FORESTIÈRE.

SECTION II. AMÉLIORATIONS,

S. 1. Procédé de M. MIGNERON pour durcir et cintrer les bois, et pour prolonger leur durée.

Nous avons fait connoître dans le 21. Numéro de tes annales, page 44, un rapport fait au Ministre de l'intérieur par son conseil des bâtimens sur les procédés de M. Migneron, pour durcir et cintrer les bois de construction. Les mêmes bois dont il y est parlé viennent d'être examinés de nouveau par une commission qu'a nommée la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Son rapport confirme ce qui avoit déjà été constaté et contient des observations propres à ne laisser aucun doute sur l'efficacité du procédé. Voici au reste ce nouveau rapport tel qu'il a été présenté au conseil d'administration de la société d'encouragement.

Depuis long-temps on s'est occupé des moyens de prolonger la durée des bois; mais les résultats capables de constater cette durée, sont si longs à obtenir, que la plupart sont restés jusqu'ici ignorés, et. nous nous félicitons d'en avoir aujourd'hui à présenter à la Société, qui offrent tous les caractères de l'authenticité. Nous les devons à M. Migneron, qui a soumis à la Société, lors de sa dernière séance générale, quelques échantillons de bois améliorés, plusieurs projets de constructions et un mémoire contenant l'exposé des résultats auxquels il annonçoit être parvenu, pour durcir, cintrer et prolonger la

durée des bois. Cet artiste mettoit au nombre des constructions qu'il avoit faites, il y a environ vingtneuf ans, deux ponts encore existans à Bellevue et une terrasse à Paris; il a prié la Société de vouloir bien les faire examiner, avant qu'ils soient démontés pour être réparés.

« Nous allons passer en revue ces divers objets; mais nous nous arrêterons principalement aux deux ponts et à la terrasse, comme pouvant donner une idée de la bonté et de la durée des bois améliorés.

« Les échantillons de bois, remis par M. Migneron, consistent: 1°. en une queue d'aronde en bois préparé, refendue en trois, pour en faire voir l'intérieur, et pareille à celles qui viennent d'être posées dans les fondations du Temple de la Gloire, pour réunir les pierres les unes aux autres; 2o. en une branche d'arbre altérée par vétusté, refendue en plusieurs parties, dont une portion a été préparée, tandis que l'autre a été laissée dans l'état où elle étoit. Le bois de la queue d'aronde nous a paru avoir acquis de la dureté jusque dans son intérieur, et surtout celui de la branche d'arbre altérée, qui est devenue susceptible de recevoir la sculpture; mais ces bois, étant améliorés depuis peu, ne nous paroissent avoir été présentés par l'auteur que pour donner une idée de la préparation qu'il peut leur donner.

« Les projets, dessins et détails de constructions qu'il a soumis à la Société, consistent en plusieurs projets d'orangerie et de greniers d'abondance, offrant de grands développemens; mais principalement en un pont en bois cintré, d'une seule arche de 65 mètres d'ouverture, qu'il a fait graver et qu'il devoit établir à Paris, en remplacement de l'ancien Pont-Rouge, pour joindre l'Isle de la Cité à celle Saint Louis; et un autre projet de pont de deux arches, de chacune

de 32 mètres 484 millimètres d'ouverture, qu'il espère construire à Wehrden, sur la Sarre, près Sarrebruck, et pour lequel, sur le rapport du Conseil des Ponts et Chaussées, il a obtenu l'autorisation par décret impérial de l'an 12. Les circonstances de la guerre ayant jusqu'ici retardé l'exécution de ce pont, extrêmement avantageux pour les salines de l'Est, et pour la communication importante de Strasbourg à Liège par la grande route, est déjà fort avancée, il est à désirer que ce pont utile soit incessamment établi (1).

« Ces divers dessins et projets nous ont paru conçus avec intelligence et tracés avec goût; mais la partie la plus importante du mémoire de M. Migneron, est celle qui traite de l'emploi des bois verts et de la durée de ceux préparés par ses procédés. L'auteur y a donné à cet égard, la copie d'une notice insérée par l'ordre de S. Exc. le Ministre de l'intérieur dans le Moniteur du 18 janvier 1808, dont nous allons présenter l'extrait; il est dit : « Que l'on a vu «< chez Migneron, en 1778, des pièces de bois nou« vellement coupées dans la forêt qui, soumises à « ses procédés, ont été rendues propres à être aus

sitôt employées sans craindre aucun des inconvé« niens attachés à l'emploi des bois verts; que ces procédés furent soumis alors au jugement des Aca«démie des Sciences et d'Architecture de Paris. « de Bordeaux, de Toulouse, de plusieurs Sociétés << Savantes, et examinés par Buffon, Duhamel« Dumonceau, Franklin, Perronet, et qu'ils ob<< tinrent leur approbation.

« Qu'en 1806, S. Exc. le Ministre de l'intérieur

(1) M. Migneron y avoit joint aussi la description d'un pont en bois cintré, mais non amélioré, qu'il vient d'établir à St. Leu, dans les jardins de S, M. LE ROI D'HOLLANDE.

<< ayant eu connoissance qu'il existoit encore, dans « le parc de Bellevue, deux ponts construits par M. « Migneron, et une terrasse rue d'Anjou, faubourg « Saint-Honoré, à Paris, Son Excellence chargea le Conseil des bâtimens civils de les examiner « et que ce Conseil lui remit un rapport approuvé « par lui (1), et rédigé par MM. Rondelet et Petit«Radel, portant que ces deux ponts construits en

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1782 (2), sont chacun composés de trois fermes « en chêne cintré, et qu'ils existoient, lors de la vi« site des commissaires, sans aucune marque d'alté«ration; qu'ils n'étoient aucunement entamés ni «altérés de pourriture dans les joints des assem

blages, quoiqu'ils fussent alors exposés, depuis "près de vingt-cinq ans, dans un bosquet extrême«ment humide.

« Le même rapport dit que les commissaires avoient « aussi visité la terrasse avec aire de plâtre et dalles, « établie en 1782, rue d'Anjou, pour remplacer << une terrasse qui n'avoit duré que neuf ans, et qu'ils <<< avoient trouvé toutes les solives saines dans leurs « portées, ainsi que les chevêtres touchant les murs ".

Pour remplir les vues de la Société qui nous avoit chargés de faire un examen exact de ces divers objets, nous nous sommes transportés MM. Montgolfier fils, Baudrillart et moi, le 22 mars dernier, à Bellevue, chez M. Testu, qui avoit bien voulu nous faciliter les moyens de remplir notre mission. Nous avons trouvé les deux ponts placés dans

(1) Le 17 novembre 1806. Signe Peyre, président; Mermet,

secrétaire

(2) M. Migneron annonce que ces pents ont été construits dans ses ateliers en 1780, et mis en place en 1781; ce qui leur donneroit aujourd'hui plus de 29 ans d'existence. Ils ont été posés en son absence, ce qu'aujourd'hui il regrette beaucoup.

le

parc, où ils sont destinés à faire passer dans une petite île formée au milieu d'un bois futaie, par une rivière factice, dont une partie est asséchée, mais dont l'autre contient encore de l'eau stagnante.

« La rivière a 6 mètres (18 pieds) de largeur, les ponts ont été construits sur une longueur de 7 tres 146 millimètres (22 pieds); mais ils ne sont aujourd'hui apparens au-dessus du sol que sur une lar geur de 6 mètres, égale à celle de la rivière; leur cintrage étoit tel que la courbe avoit sur cette longueur, 162 millimètres (6 pouces) de flèche.

« Ces ponts, qui étoient garnis de rampes latérales, sont chacun composés de trois fermes (1) ou arceaux en bois cintré, qui supportent le plancher; ces fermes, les seuls objets qui aient été préparés, sont de petite dimension, d'environ 108 millimètres de largeur, sur 162 millimètres de hauteur (environ 4 pouces sur 6) et formées chacune de trois pièces de bois, posées à plåt les unes au-dessus des autres; chaque pièce est composée de deux morceaux inégaux, réunis à trait de Jupiter.

Un des bouts de chaque pont porte dans l'île sur une maçonnerie qui lui sert d'appui, et l'autre sur des pierres aujourd'hui recouvertes de terre, ainsi que les bouts des fermes et une partie du plancher du pont.

« Le premier pont, en venant du château, est celui dont la charpente est la plus foible, les trois fermes réunies ne présentant sur leur coupe que 72 à 73 pouces carrés (environ la moitié d'un pied carré), et cependant nous avons trouvé ce pont encore solide; la flèche, de 162 millimètres (6 pouces) de hauteur de courbure qu'elle avoit il y a environ 29

(1) Ces fermes ou arcs en bois cintré, sont les seules pièces qui soutiennent les ponts; deux sont placées sous les deux côtés du plancher, l'autre est au milieu.

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