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ans, s'est réduite à 108 millimètres (4 pouces); mais le plancher, composé de pièces de bois de 54 millimètres d'épaisseur, est en très-mauvais état, plusieurs planches sont pourries, percées, et les autres altérées principalement au-dessus des deux fermes latérales; les pièces mêmes supérieures de ces fermes, sont échauffées et détériorées dans plusieurs des parties qui touchoient ces planches. Les bouts des fermes appuyés du côté de l'île sur une maçonnerie solide,. sont bons; mais ceux du côté opposé, étant recouverts sur environ 1 mètre de longueur par de la terre, sont altérés et détériorés en grande partie; une des rampes est entièrement tombée de vétusté, l'autre tient encore par quelques parties.

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« A l'égard du second pont, quoiqu'il n'y existe plus de rampes, que la majeure partie des planches qui en forment le plancher soit pourrie, et que le pont ait perdu sa forme bombée pour prendre celle d'une alongée qui seroit couchée, les fermes, à la vérité un peu plus fortes que celles du premier pont (1), sont en meilleur état; cependant quelques-unes des pièces supérieures qui les composent sont aussi un peu altérées, dans des parties où elles étoient en contact avec des planches pourries; de même que dans le premier pont, les fermes, appuyées contre la maçonnerie solide de l'ile, sont bonnes; mais celles de la partie opposée, couvertes de terre sur une longueur de 1 mètre 299 millimètres, sont fort détériorées. « Il résulte de l'examen sévère que nous avons fait de ces deux ponts posés, il y a environ 29 ans, dans un lieu extrêmement humide, qui ont été peints à l'huile, mais non recouverts d'aucune préparation particulière, et où les rampes sont presqu'en totalité tom

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(1) Etant réunies elles présentent, dans leur coupe, environ 80 pouces carrés.

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bées en pourriture pendant ce laps de temps, que le plancher, dont on dit qu'une portion a été renouvelée, est en partie pourri et extrêmement dégradé; que quelques portions des pièces supérieures des fermes, qui sont les seuls objets qui aient été préparés par M. Migneron, sont altérées sous les parties pourries du plancher; que les bouts de ces fermes, recouverts de terre depuis tant de temps, sont presqu'en fotalité décomposés, et que malgré cela, ces ponts, auxquels nous n'avons point aperçu de trous de vers, résistent encore fort bien sous la charge du plancher et des hommes. Enfin, nous avons reconnu qu'environ les trois quarts des pièces qui composent ces fermes, sont en état de servir encore, et qu'elles ont dans plusieurs parties, une dureté qui surpasse où au moins égale celle du cœur de chêne. La forme d'une renversée qu'a prise un de ces ponts, dont la culée a cédé, est une preuve que ces bois ont conservé leur élasticité, puisqu'ils ont ployé sans se rompre.

M. Migneron, jaloux de profiter de la rude épreuve qu'ont déjà subie ces bois, a proposé au propriétaire, qui l'a accepté, de recintrer la partie des fermes déformées, et de reconstruire toutes les pièces adjacentes en les préparant suivant ses procédés ét à ses frais. Il doit nous remettre alors une pièce détachée des fermes actuelles, que nous soumettrons à l'examen de la Société, et avec laquelle on pourra faire les expériences comparatives qu'elle jugera convenables. Nous lui proposerons même de faire poinçonner toutes les pièces des fermes, avant qu'elles soient déplacées, avec une marque particulière que M. Molard fournira, et de consigner dans un procès-verbal, déposé dans les archives de la Société, la désignation des parties de ces fermes qui y auront été employées pour la seconde fois; afin que l'on puisse par la suite, lier l'expérience de

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vingt neuf ans que nous venons d'acquérir, avec un autre espace de temps, et établir ainsi une longue suite d'observations, sur les mêmes pièces de bois toujours si difficile à obtenir et dont les arts pourront un jour profiter.

«Nous avons aussi visité la terrasse, rue d'Anjou, faubourg Saint Honoré, No. 8, construite à la même époque que les ponts. Elle a 6 mètres 172 millimètres de largeur, sur une longueur de 24 mètres 363 millimètres. Elle est formée de trente-huit solives de 133 à 162 millimètres de largeur sur 217 millimètres de hauteur, lesquelles sont recouvertes d'un aire de plâtre et de dalles en pierres de liais, de 54 millimètres d'épaisseur. Nous avons trouvé les dalles parfaitement jointes par un ciment solide. Etant ensuite passé au-dessous, nous avons trouvé les solives non piquées de vers et dans le meilleur état de conservation possible. Le portier qui nous conduisoit, et qui nous a dit être dans la maison depuis dix-huit ans, nous a assuré qu'on n'avoit fait aucun changement aux solives depuis qu'il y étoit, que l'on avoit seulement posé deux forts linteaux au-dessus de deux fenètres, à raison des murs latéraux qui avoient fléchi et s'étoient lézardés. Du reste cette terrasse nous a paru dans toutes ses parties, en aussi bon état que si elle venoit d'être construite.

« Pour compléter les renseignemens que la Société nous avoit chargés de rassembler, nous avons questionné M. Migneron sur ses procédés, et sur la dépense que pourroit occasionner cette amélioration des bois. Cet artiste nous a répondu qu'il les faisoit bouil, lir dans des grandes chaudières avec des ingrédiens; l'ébullition les ramollissant lui donnoit les moyens de les cintrer facilement, et qu'ils n'étoient plus susceptibles d'éprouver, en retrait et en renflement, que le cinquième de ceux auxquels sont sujets les bois

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ordinaires (1); qu'il pourroit ainsi préparer et améliorer diverses sortes de bois, pourvu qu'ils ne fussent pas trop résineux. A l'égard du prix, il nous a dit qu'il avoit une chaudière en bois, que nous avons vue au Temple de la Gloire, qui avoit intérieurement 4 mètres 385 millimètres sur 1 mètre de hauteur et de largeur, et où le fourneau, chauffé au bois, étoit placé au milieu de la chaudière; mais qu'ayant à préparer des bois pour plusieurs grands édifices, il se disposoit de construire une nouvelle chaudière dont les dimensions lui permettroient de préparer à lafois cent solives, et qu'il comptoit la chauffer avec de la bouille ou de la tourbe. Il ajouta qu'alors le prix de la solive (trois pieds cubes anciens) seroit de 3 francs 50 centimes, soit pour les bois de menuiserie et de charronnage, soit pour les bois de charpente, jusqu'à la grosseur de 8 pouces carrés, les pièces plus fortes demandant bsaucoup plus de temps d'ébullition (2). ·

Il résulte du rapport du Conseil des bâtimens civils, et de l'examen rigoureux que nous avons fait des mêmes objets trois hivers après, que les résultats obtenus par M. Migneron, aux deux ponts et à la terrasse, après vingt-neuf ans d'expérience, sont assez favorables pour mériter l'attention particulière de la Société, relativement 10. à la prolongation de la durée des bois et à la grande économie qui en résulteroit; 2o, aux améliorations nouvelles, auxquelles lapu

(1) Les tourneurs, qui emploient journellement du bois de cerisier nonvellement coupé, l'empêchent de travailler et le colorent en le faisant tremper dans de l'eau avec de la chaux vive; depuis quelque temps ils se servent de sciure de bois d'acajou pour augmenter la beauté de la couleur,

(2) On peut dès ce moment faire préparer toute espèce de bois qui n'excéderoit pas 13 pieds et demi de longueur, dans la chaudière du Temple de la Gloire; en s'adressant à M. Migneron, rue Thévenot, N°. 17.

blication de ces résultats pourroit donner lieu. Nous pensons enfin qu'il seroit très-utile que les architectes et les propriétaires fissent usage de ce procédé, et nous avons l'honneur de proposer à la Société de mentionner honorablement dans son procès-verbal les communications qui lui ont été faites à 'cet égard par M. Migneron, signé Gillet-Laumont, rapporteur.

« Ces conclusions ont été adoptées dans la séance du 11 avril 1810, et il a été arrêté que le rapport seroit imprimé dans le Bulletin de la Société. »

Les faits consignés dans le rapport ci-dessus nous paroissent d'autant plus concluans qu'ils ont pour eux une expérience de près de 30 années, et que les circonstances qui devoient accelerer la corruption du bois, étaient plus multipliées. En effet les deux ponts sont situés dans un endroit fort humide et planté d'arbres futaies qui y entretiennent une fraîcheur constante; les planchers qui ne sont point en bois préparés, se trouvent pourris en partie, dégradés et enlevés sur plusieurs points, quoiqu'ils aient été renouvelés depuis la construction; néanmoins les fermes construites en bois améliorés qui se trouvent en contact avec ces planches échauffées et pourries, présentent encore beaucoup de portées saines et très-dures. Leur durée, qui a été double de celle des planchers, pourroit se prolonger encore si ces derniers avoient été mieux entretenus. Il résulte de cette expérience que les bois préparés par M. Migneron, acquièrent veritablement des qualités qui en retardent de beaucoup la corruption et qui en rendent le cintrage facile. İl est à désirer que cet ingénieur, qui a survécu à sa découverte, et qui jouit du succès dont elle est suivie, puisse en faire l'application aux grandes pièces de construction employées dans la marine.

Nous nous empresserons de faire connoître son procédé, aussitôt qu'il l'aura publié.

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