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tourne du côté du mur ou de la croisée, pcu d'heures suffisent, quand ce sont des plantes herbacées, pour que la tige se replie sur elle-même et se dirige de nouveau vers la lumière. Cette force d'attraction est telle que des arbres formant palissade sur des murs et retenus par de forts crochets de fer, brisent souvent ces crochets et déplacent les pierres dans lesquelles ils sont scellés. Ce sont des faits que j'ai observés souvent et que tout le monde peut vérifier.

Une courte analyse des observations faites par Bonnet et Duhamel sur la direction des tiges et sur la nutation des différentes parties des plantes, me paroit nécessaire pour faire connoître le parti qu'on peut tirer de ces observations, pour favoriser la formation de bois propres aux constructions navales.

Bonnet ayant semé des haricots dans une cave, observa que, dans le jour, les tiges s'inclinoicnt vers le soupirail, et que, dans la nuit, elle se redressoient un peu. La même chose arrive en plein air, dit Duhamel; car on peut remarquer que souvent les arbres isolés poussent plus vigoureusement du côté du midi que du côté du Nord; néanmoins cet effet est souvent dérangé par la vigueur des racines; parceque les arbres poussent avec plus de force du côté où les racines sont plus vigoureuses.

«La direction des tiges du côté de l'air, ajoute l'auteur de la physique des arbres, est bien autrement sensible dans les massifs d'un bois : un jeune arbre qui se trouve entouré de tous côtés par de grands arbres qui ne lui laissent d'air qu'au-dessus de lui, pousse tout droit, toujours en s'élevant, mais prenant peu de corps; de sorte que cet arbre fort mince, gagne en peu de temps la hauteur de ceux qui l'environnent. »

« J'ai particulièrement fait cette observation sur

un chêne vert, qui était planté entre des cyprès beaucoup plus grands que lui;, il s'éleva, en un an, de près de quatre pieds, et en peu d'années, il gagna la hauteur des principales branches de ces cyprès : quand sa tête se trouva assez élevée pour profiter de l'air, alors il cessa de croître en hauteur et il prit de la grosseur. »

l'air

« Si un jeune arbre planté dans le massif d'un bois n'a pas la liberté de l'air au-dessus de sa tête, mais qu'à une certaine distance, il se trouve une clairevoie, toutes ses productions tendront à gagner que leur fournit cette claire-voie; de sorte qu'elles s'inclineront de ce côté là, comme les arbustes placés dans une chambre s'inclinent vers la croisée. »>

« On sait que toutes les branches des arbres plantés en espalier le long d'un mur, s'en écartent pour gagner l'air, et il m'a paru que les branches des arbres frappés par le soleil de midi, s'en écartoient plus que celles des arbres plantés à l'exposition du nord. »

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Tout ce qui vient d'être extrait de Duhamel est incontestable; mais il fait plus loin une observation qui ne me paroît pas de la même exactitude. Il dit qu'en examinant avec attention la direction des branches des arbres touffus, on remarque assez ordinairement que les branches du haut font un angle plus aigu avec la tige que les branches du bas. Ceci est vrai; mais la cause à laquelle il rapporte cette différence, n'est peut-être pas la seule qui la produise: il attribue cet écartement des branches du bas, à ce qu'elles s'inclinent pour chercher l'air. Je ne pense pas que ce soit là la cause principale de cet écartement, car il a lieu dans toutes les positions où puissent se trouver les arbres; même dans celle où leur tête est plus exposée à l'air et à la lumière que ne le sont leurs branches inférieures. On peut s'en con

vaincre dans les hauts taillis, où les futaies réservées n'ont que le tiers ou le quart de leur hauteur audessus du plein bois; nonobstant cette circonstance, qui, d'après l'opinion de Duhamel, devroit causer l'écartement des branches supérieures, puisqu'elles reçoivent beaucoup plus d'air et plus de lumière que celles d'en bas, on remarque toujours que le contraire arrive, et que les angles formés par les branches inférieures, sont infiniment plus ouverts que ceux décrits par les branches de la cime. Mais quelles seront alors les causes de l'inclinaison qui a lieu successivement dans les branches des arbres en commençant toujours par celles d'en bas? Elles résident principalement dans l'alongement que ces branches reçoivent chaque année; dans leur propre poids qui augmente, à raison de cet alongement; dans celui de l'air, qui pèse sur elles et qui est d'autant plus considérable que leur surface est plus grande et plus serrée, comme dans le cèdre du liban et dans le hêtre; elles résident encore dans la pesanteur des feuilles; dans la surcharge des eaux pluviales, des neiges et des givres; dans l'oblitération des vaisseaux de la partie inférieure des branches, et la distension des fibres de la partie supérieure où la sève abonde en raison du retrécissement des vaisseaux de dessous. Ces causes réunies me paroissent plus efficaces que celle unique supposée par Duhamel. D'ailleurs les arbres en plein air, reçoivent les rayons de la lumière dans toutes les parties de leur surface et même beaucoup plus vers leur cime que plus bas, et cependant l'inclinaison des branches inférieures est toujours plus considérable.

« C'est probablement continue Duhamel, cette même raison (celle qu'il a indiquée) qui produit le parallélisme des branches des arbres qui sont plantés

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sur une colline, suivant l'observation de M. Dodart, où l'on voit qu'un arbre planté sur la croupe d'une montagne, élève sa tige suivant une ligne perpendiculaire et que ses branches sont, à-peu-près parallèles au terrain. Comme les branches opposées à la montagne doivent plus profiter que celles qui sont du côté même de la montagne et comme elles doivent se porter en dehors, elles forceront les branches d'en bas de baisser, au lieu que cette cause ne subsistant pas du côté de la montagne, il en résultera le parallélisme que ce naturaliste a remarqué. >>

« Une observation encore bien singulière, c'est qu'un arbre qui vient de semence élève sa tige fort droite; il en est de même d'une bouture qu'on feroit d'une tige droite; mais celle qu'on feroit avec les branches latérales et des jets courbes sur l'arbre, se courbent beaucoup, surtout si c'est un arbre dont le bois soit fort dur. >>

Cette dernière observation seroit de quelque importance pour l'objet qui nous occupe, si le chêne et l'orme se reproduisoient de bouture; car elle donneroit les moyens de multiplier à volonté les bois courbes de petite et même de moyenne dimension. Je dis de petite dimension, parce qu'il est reconnu que les arbres provenus de bouture, ne sont jamais aussi forts que ceux qui proviennent de semences. Mais ce moyen de reproduction ne leur convient pas, quoique plusieurs auteurs, et nommément Varenne-Fenille, annoncent que l'orme vient de bouture. Cet arbre se reproduit très-bien de rejets qu'on appele crossetes, et c'est même par ce moyen qu'on multiplie l'orme-tortillard, dont les semences ne reproduisent pas toujours cette variété. Je suis persuadé qu'une plantation, faite de rejetons pris parmi ceux qui présenteroient quelque courbure, fourniroit beau

coup plus de pièces courbes pour la marine et de charronage, qu'une autre qui seroit faite des plants de semence. C'est un moyen qu'on pourroit tenter, puisque l'orme s'emploie très - utilement dans les constructions navales, et dans une infinité d'ouvrages qui exigent des pièces d'une configuration semblable à celle qu'on doit espérer de ce moyen.

Je renvoie au traité de la physique des arbres de DUHAMEL pour la suite des éxpériences et des observations faites par cet habile naturaliste et par BoNNET. On y verra que les plantes en général, arbres ou herbes, se dirigent constamment vers la lumière; que plus elles sont dans l'obscurité, moins il y a de transpiration et plus elles sont étiolées; que les tiges ne sont pas les seules parties qui s'inclinent vers le jour; que certaines plantes penchent leurs fleurs du côté du soleil; qu'elles quittent leur perpendicularité et s'inclinent par leur sommet, de façon qu'elles présentent leur disque à cet astre; que pour cet effet les fleurs changent de situation comme le soleil; que le matin elles regardent l'orient; à midi, le sud; et le soir, l'occident; mouvement qu'on appele la nutation des plantes, et qui se fait, ajoute Duhamel, non par une torsion de la tige, mais par une nutation réelle, ou parceque les fibres de la tige se racourcissent du côté de l'astre. On y reconnoîtra également que les épis de bled, qui en s'inclinant par le poids des grains, forment ce qu'on appelle le cou d'oie, ne penchent presque jamais du côté du nord, mais qu'ils ne s'inclinent que depuis le point du levant jusqu'au couchant; que les feuilles des arbres présentent toujours leur face supérieure au ciel, et que si on les tourne vers la terre, elles ne tardent pas à reprendre leur position naturelle; enfin que la chaleur et l'humidité ont peu ou point d'influence

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