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faire faire de grands pas à la restauration des forêts; d'autant que la graine de bouleau manque beaucoup moins que celle des autres arbres.

No. 2.

BAUDRILLART.

Rapport fait par M. Baudrillart, à la société d'encouragement pour l'industrie nationale, sur une brochure relative à l'emploi de la scie, préférablement à celui de la hache, pour débiter les bois de chauffage.

L'usage abusif de débiter les grands bois de chauffage à la hache, auquel on a renoncé depuis long-temps dans presque toutes les forêts de la France, s'étoit conservé dans celles qui avoisinent le Rhin; sans doute parce que la rareté du combustible s'étoit moins fait sentir dans ces contrées qu'ailleurs. Presque partout on emploie la scie, pour réduire en cordes les bois qui ont plus de six pouces de tour, et on se sert de la serpe pour les brins qui, pouvant se couper en un ou deux coups, ne sont propres qu'à faire du charbon, des cotterets, des bourrées, des fagots et autres menus bois.

M. le préfet du département du Haut-Rhin, instruit par M. Picquet, inspecteur forestier à Colmar, de l'énorme perte de bois qui étoit occasionnée par l'emploi de la hache, au lieu de la scie, pour débiter les bois de chauffage, chargea une commission de faire des expériences pour s'assurer de la différence produite par les deux méthodes,

Les scies dont on a fait usage sont celles connues dans le pays, sous la dénomination de scies de forêts (waldsågen).

I mil.

cent.

La lame a m.55cent. ( près de 5 pi. ) de longueur, et environ 2 (près d'1 li.) d'épaisseur. La distance des dents, d'une pointe à l'autre, est de 2 (9 lignes): elles ont rent. (4 li.) de base et autant de saillie. Leur distance, à la base, est de 13 millimètres (près de 6 lig.). Ces lames, au lieu d'être terminées, à leurs deux extrémités, par une poignée en bois, comme les scies dites passe-partout, dont se servent les charpentiers et les bucherons dans l'intérieur de la France, sont montées sur un bois courbé en forme d'arc, dont elles représentent la corde. Le bois qui forme l'arc, a environ 5 centimètres de diamètre, et sa courbure est telle qu'il y a environ 7dé (2 pi.) de flèche entre le milieu de la longueur de la lame et le point le plus élevé de l'arc. Les scies montées de cette manière et dont les dimensions sont suffisantes pour les plus gros arbres qu'on so t dans l'usage de débiter en bois de chauffage, ont paru aux commissaires, offrir plus d'avantage que le passe-partout, à cause de la forte et continuelle tension, opérée sur la lame par

l'arc en bois.

On employa six scieurs pour faire mouvoir trois scies; et, après avoir tenu note du temps employé pour scier chaque tronçon d'un diamètre connu, on obtint, pour terme moyen de trente sept épreuves, les résultats suivans: savoir:

1o. Que deux hommes de force ordinaire, faisant mouvoir une scie, peuvent scier, en quatre minutes, un tronçon de sapin de 44 centimètres ( 16 pouces) de diamètre:

3°. Que, dans les sections de différens diamètres faites à la scie, les temps sont, à peu de chose près, proportionnels au carré du diamètre; ou, ce qui revient au même, à la surface des sections circulaires : en sorte que, s'il faut quatre minutes pour une sec

tion de 44 cent. (16 po.) de diamètre, il faudra seize minutes pour une section de 88 centimètres (32 po.).

3°. Que les ouvriers soutiennent, plus long-temps et avec moins de fatigue, le travail à la scie que celui à la hache; surtout quand ils font mouvoir la scie à la hauteur des hanches.

On estima ensuite le déchet résultant des traits de scie, et pour cet effet, on examina le vide laissé par chaque trait. Il étoit exactement de 6 mil. (2li.), ce qui, d'après le calcul, ne fait guère que pour cent de perte.

Après cette première vérification, les commissaires portèrent leur attention sur douze arbres sapins, que l'on débitoit à la hache, et ils constatèrent que la perte, résultant des entailles faites des deux côtés de l'arbre pour le couper, et de la portion de bois enlevée sur chaque tronçon, étoit de 15 pour cent au moins, et que le temps employé pour ce travail étoit, à très-peu près, double de celui du travail à la scie. On doit observer que les copeaux sont absolument perdus pour le chauffage, attendu qu'on les abandonne aux bucherons qui les font brûler sur place, pour en faire de la cendre destinée à la fabrication de la potasse. Cet usage est d'autant plus abusif, que, d'un côté, le bois qu'on réduit ainsi en copeaux, fourniroit également de la cendre s'il étoit consommé dans les foyers, et que, de l'autre, les bucherons ont un intérêt de faire des entailles plus considérables. Aussi arrive-t-il souvent que ces entailles ont jusqu'à 22 centimètres (8 pouces) de hauteur, ce qui occasionne alors une perte de 17 pour

cent.

La Commission profita des calculs qu'elle avoit faits pour s'assurer en même temps, de la solidité d'une mesure de bois de sapin: elle trouva pour terme moyen

de plusieurs opérations, que dans une mesure de bois de cette espèce, soit corde, soit stère, il y avoit cinquante-cinq parties de solidité réclle, et quarantecinq parties de vides.

J'observerai que cette évaluation des vides ou interstices de la mesure, est forte; surtout pour des bois droits, qui, comme les pins et sapins se cordent mieux que les autres bois. Au reste, il a été fait un grand nombre d'expériences pour déterminer la solidité relative des différens bois de corde, et tous les résultats ont varié d'une manière étonnante. M. de Burgsdorff a donné dans son ouvrage, le terme moyen de plusieurs épreuves, qui s'est trouvé être, pour une corde de 108 pieds cubes, de vingt-huit parties de vide et de quatre-vingts parties de solidité.

M. Hartig a fait aussi beaucoup d'expériences, et d'une manière fort exacte; car il a mesuré la solidité des bois par le déplacemeut de l'eau, en le mettant dans une huche d'une capacité qui lui étoit connue, et qu'il avoit eu soin d'emplir d'eau jusqu'à la moitié. L'exhaussement du liquide lui donnoit précisément la solidité du bois qu'il y plongeoit. Les résultats qu'il a obtenus ont varie selon les différentes sortes des bois sur lesquels il avoit opéré; car il a trouvé dans une corde de 144 pieds cubes, depuis soixante-quatre jusqu'à cent parties de solidité, et depuis quarante-quatre jusqu'à quatre-vingts parties de vide.

Les commissaires eurent encore l'occasion de remarquer que la manière de corder le bois influoit beaucoup sur le nombre de mesures qu'on peut obtenir d'une même quantité de bois, et qu'à cet egard l'acheteur est toujours à la merci des mesureurs. Ils avoient trouvé, avant le façonnage, que les douze sapins destinés à être débités à la hache, contenoient

en solidité 19 mèt. et qq. décim. (570 pieds) cubes; et que onze autres, destinés à être sciés, ne contenoient que 17 mèt. et une fraction(510 pi.) cub. Cependant les premiers, dont la solidité étoit plus considérable, n'ont produit que 7 cordes, mesure du Rhin, tandis que les autres ont donné cordes. 7፥

Quelle que soit néanmoins la difficulté d'éviter la fraude dans le mesurage ordinaire du bois, on ne pense pas que l'usage de le vendre au poids, suivi dans les pays où il est rare et d'un prix élevé, lui soit préférable; car la pesanteur spécifique du bois varie d'une manière très-sensible selon son espèce (1), sa densité, son état de dessication, et même suivant l'état de l'atmosphère; la dessication seule fait perdre au sapin la moitié de son poids. Il n'y auroit peutêtre que le mesurage par le déplacement de l'eau, (c'est-à-dire, dans des caisses emplies d'eau jusqu'à une hauteur telle que le vide fût égal à la solidité des bois qu'on voudroit acheter) qui pût garantir de toute fraude. Mais on sent les difficultés de ce mesurage pour les forêts et même pour plusieurs chantiers. D'ailleurs, il répugneroit à beaucoup de personnes, de faire mouiller leur bois avant de le mettre au bûcher. Je ne parle donc de ce moyen que comme pouvant être utile pour des expériences.

Résumé.

Il résulte des observations et des calculs présentés dans le mémoire envoyé par M. le préfet du dépar

tement du Haut-Rhin:

1°. Que sous le rapport de l'économie du combusti· ble, dans le façonnage à la scie, le déchet est tout au plus d'un demi pour cent;

2o. Que, dans le façonnage à la hache, il ne peut (1) Voyez p. 381 et suiv. des Annales de 1808, le tableau de la pésanteur spécifique du pied cube des bois de France.

N.° 22.

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