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Dictionnaire des arts et manufactures, art. DéGRAISSEUR, par M. Rouget de Lisle ; 1845.

LENORMAND et MELLET.

DÉISME. (Philosophie, Métaphysique.) Système religieux de ceux qui rejettent formellement tout culte extérieur et toute révélation. Les mots déisme et théisme, l'an latin, l'autre grec, ont la même racine; mais l'usage leur attribue un sens différent : le théisme, opposé au polythéisme, fut le culte épuré de plusieurs nations anciennes, comme les Indiens, les Chaldéens, les Perses; le déisme, étant l'exclusion de toute religion révélée ou positive, ne fut jamais que l'opinion particulière de quelques esprits. Les controverses qui divisèrent l'Église chrétienne au seizième siècle, et plus tard les attaques dirigées contre le christianisme en général, firent donner le nom de déistes aux libres penseurs qui faisaient profession de ne reconnaître aucune autorité et de soumettre toutes les doctrines religieuses à l'examen de la raison. C'est à Socin que se rapporte le premier germe de ce rationalisme; il abandonna la critique du texte sacré des Écritures suivie par les théologiens protestants, il en appela au jugement de la lumière naturelle, et n'admit d'autres dogmes que ceux qu'il trouva conformes aux principes de la raison; or, les principes de la raison n'étant point les mêmes chez tous les hommes en matière de croyance, il se trouva conduit, par son mépris de l'autorité historique, à l'indifférence de tous les dogmes et de tous les cultes chrétiens. Les esprits forts que nous voyons paraître dans le siècle religieux de Louis XIV étaient des épicuriens dont l'incrédulité était plus dans la licence des mœurs que dans la liberté des opinions. Frap. pés du luxe et de la mollesse d'une cour qui affichait les formes austères de la dévotion, ils ne voyaient dans les pratiques du culte que des démonstrations hypocrites, et ils passaient facilement du mépris des ministres à celui de la religion. L'impiété répandue de tout temps en Italie dans toutes les classes n'a pas d'autres sources. L'incrédulité froide et raisonnée naquit, en Angleterre, de la multitude des sectes enfantées par le protestantisme, et du mépris où tombèrent les puritains à la restauration de Charles II. La licence de la régence en favorisa l'introduction en France, et les querelles' religieuses, les prétentions du sacerdoce, lui donnèrent, pendant le long règne de Louis XV, un degré d'éclat et d'énergie dont les écrivains profitèrent pour discuter les points fondamentaux du christianisme, sonder les bases de la législation et de la morale', et agiter toutes les questions que la philosophie embrasse] dans ses vastes applications. Les déistes anglais avaient laissé peu de points de philosophie

morale sans les soumettre à la subtilité de l'analyse et à la sévérité du raisonnement. Les déistes français y ajoutèrent la discussion de toutes les questions de philosophie naturelle, et réunirent ainsi dans l'étendue de leurs recherches l'existence et la génération des êtres, l'origine et la constitution de la société civile, les sources et les principes de la morale et de la religion. Il manquait à ce tableau l'étude de l'esprit humain; Locke s'en occupa, et le déisme français. s'enrichit de cette nouvelle branche.

A considérer le développement du déisme moderne, la liberté de penser en est donc le principe; le socinianisme en fut l'origine en Europe, la réformation en Angleterre, en France la licence des hautes classes et l'influence du clergé sur les dissensions civiles et les troubles de l'État. Bayle, par l'immense étendue de son érudition et la force de sa dialectique, ayant ouvert un vaste arsenal aux disputes philosophiques, les déistes français y puisèrent ce goût de métaphysique générale qu'on remarque dans leurs écrits, et que Bayle avait emprunté à la subtilité des Grecs. Cependant le déisme grec fut plus retenu et plus circonspect que le déisme moderne. Si nous en exceptons les sophistes qui faisaient profession de fronder le culte et les opinions consacrées, et qui la plupart furent mis pour cela au nombre des athécs, ceux qui représentaient dans la Grèce la dignité de la philosophie professaient en secret le pur théisme et les vérités morales et spéculatives enseignées dans les grands mystères païens, et respectaient en public les croyances populaires et les cérémonies de la religion. Il y avait trop de danger pour le polythéisme à porter des regards éclairés sur ses dogmes, ses rites et sa morale; mais le christianisme n'offrant rien de licencieux et de contraire au sentiment moral, son ensemble pouvait être livré au grand jour de la discussion et de la critique, jusqu'à ce que le sentiment moral, lui-même, fût nié ou mis en problème, et que les principes de la religion naturelle eussent cessé d'être pour les déistes un objet de respect.

Cette réflexion nous conduit à examiner le principe de la liberté de penser, relativement à la religion; l'usage que les philosophes en ont fait dans le dernier siècle; les rapports et les limites de la philosophie et de la religion. L'esprit a des besoins et des penchants qui le portent sans cesse hors de la sphère de l'expérience. Y a-t-il un commencement de tout ce qui existe? Quelle est l'origine, quel est le principe des existences? La vie de l'homme est-elle fortuite, n'a-t-elle d'autre règle que celle que les lois de la société lui imposent ? ou cette vie n'est-elle qu'un passage, une voie qui doit nous conduire à une dernière fin?

Quelle est cette fin? A quelles conditions nous est-il permis de l'atteindre? Ces questions peuvent être résolues par les inductions de la raison, tirées du spectacle de l'univers et de la conscience de nous-même; mais une fois engagée dans ces hautes méditations de la destinée humaine, la pensée ne peut longtemps se soutenir par elle-même ; elle se fatigue, elle s'épuise en vains efforts, elle essaye de toutes les conjectures, de toutes les hypothèses, et, mécontente de l'expérience, elle interroge la raison du genre humain: l'histoire lui offre alors des faits et des monuments qui viennent à l'appui de la raison individuelle et lui découvrent d'autres lumières. Ces faits sont les croyances universelles des peuples, que des esprits sérieux ne sauraient négliger ou dédaigner sans laisser échapper la majeure partie des vérités qui, pour toutes les nations, forment la sanction des lois et dés devoirs, sans ôter aux âmes élevées ce règne intellectuel de la pensée qui la dérobe aux intérêts grossiers du monde matériel. Ces croyances, consignées dans des livres ou recueillies dans des traditions pleines des actes de la puissance, de la bonté, de la justice des dieux, et de leur communication avec les hommes, doivent être discutées; toutes remontent à des révélations primitives, qui peuvent être des altérations plus ou moins grandes d'une révélation unique et antérieure. Quelle est cette révélation, source pure de tant d'autres mensongères ? Ne peut-on tracer une ligne entre les fables et les impostures, dictées par l'intérêt et l'ambition, et les relations générales, constantes, uniformes, déposées dans les annales de toutes les nations? Ne donneronsnous aucune foi à des faits primitifs que nous voyons confirmés par les observations et les découvertes des sciences ? Cette marche silencieuse de tout un peuple à travers les nations, depuis dix-huit siècles, ne se mêlant point avec elles, et portant en tous lieux l'anathème qui perpétue sa dispersion, n'est-elle qu'un fait vulgaire, peu digne de notre attention ? Cette vénérable chronique, où sont fidèlement décrits l'origine et les noms des peuples, leurs migrations et leurs établissements, ne nous offrira-t-elle rien d'authentique, lorsque tou. tes les histoires nous montrent, par un merveilleux accord, les arts et les sciences tirer leur source de l'Orient, et de là se répandre sur tout le genre humain? Si la cosmogonie qu'elle renferme n'est point contraire à la marche de la nature, si la physique la plus savante ne peut en contester les faits, si la critique historique, qui a convaincu d'erreur tant d'anciennes chronologies, et d'absurdité tant de cosmogonies, trouve dans ses recherches les plus lumineuses des points de conformité toujours nouveaux entre celle-ci et les âges du monde et les divers états de la so

ciété, pouvons-nous y méconnaître un caractère de vérité qui impose à la raison? Les traits qui offensent la délicatesse des esprits polis, qui révoltent l'humanité qui choquent les esprits éclairés, sont de la grossièreté, de la barbarie, de la simplicité des premiers ages; et la critique, qui s'arrête à ces formes, qui ne pénètre point jusqu'à l'instruction profonde qu'elles couvrent, montre plus de frivolité que de jugement.

Le genre humain grandit, et la religion, enveloppée d'abord sous des types obscurs et des symboles, dépouille le langage des sens pour parler à l'esprit. Tout est pur dans le culte chrétien: Dieu s'y montre plus jaloux de l'hommage du cœur que des pratiques extérieures; la foi y est la dernière limite de la raison, mais elle n'en empêche point l'exercice: car elle n'est pas une vaine crédulité, et la foi sans les œuvres est une foi morte. Les hommes, sans distinction de nation, sont, dans l'ordre de la charité, regardés comme frères; elle efface toutes les distinctions de rang, toutes les divisions de sectes. L'humanité est le premier devoir de ses ministres; l'abnégation des biens et intérêts de la terre est le sceau de leur sanctification, et la soumission aux puissances, quelle que soit la forme des gouvernements, le titre de leur mission. Ces sublimes préceptes sont appuyés sur des mystères qui, bien différents des mystères impurs du paganisme, bannissent les images honteuses des passions divinisées, n'offrent que des idées spirituelles, des symboles de la nature divine et des témoignages de sa bonté. L'esprit pourrait-il ne pas se tenir ennobli et élevé par cette sublime Trinité, qui unit, sans les confondre, la puissance, l'intelligence, la bonté, représentées à nos yeux dans toute la nature? Le cœur pourrait-il ne pas être touché par cet abaissement de l'éternelle bonté, descendue parmi les hommes pour les réconcilier avec l'éternelle justice, qui daigne vivre et converser avec eux, les instruire de leurs devoirs, leur montrer la route de l'immortalité et du bonheur, et leur offrir dans sa personne le modèle le plus accompli de justice, de force, de grandeur, de patience, de charité qu'il ait été donné aux siècles de connaître.

L'histoire de la religion nous offre donc une admirable synthèse du monde, dans les temps anciens, et de la société dans les temps modernes. L'unité religiease se maintient par les formes du culte extérieur, et se perpétue par la doctrine d'une autorité enseignante. Le philosophe qui se borne à l'exercice de la raison spéculative, et rejette la méthode historique, se prive donc des seuls documents qui nous éclairent sur l'origine des choses, sur celle de l'homme, sa destinée sur la terre, et sur toute la partie positive et dogmatique de nos devoirs.

Il méconnaît cette influence visible du christianisme sur la civilisation des peuples; il'rompt cette chaîne d'or qui unit le ciel à la terre; il renonce à la vertu vivante et personnifiée, pour embrasser une vertu abstraite, qui ne peut échauffer son cœur, ni le maîtriser et l'affermir par une autorité et une sanction suffisantes. La religion consacre les maximes les plus pures des esprits éclairés et les inspirations des cœurs droits; elle les met sous la protection de la foi, et les confie, par une iustruction salutaire, à la docilité des enfants et des hommes simples. Ainsi l'autorité religieuse fixe les principes de la morale pour tous les hommes, les leur rend familiers par la pratique des préceptes, et respectable par les dogmes de la foi. Le déiste, qui ne reconnaît d'autorité que celle de la raison, est loin d'obtenir ces avantages: non-seulement l'expérience dont il s'appuie n'est pas la même chez tous les hommes, mais tous ne reçoivent pas la même impression des mêmes faits, ne donnent pas la même direction à leurs observations, ne fondent pas leurs raisonnements sur les mêmes bases. Quand on considère le tableau des opinions philosophiques anciennes et modernes sur la ́physique, la morale, la législation, on conçoit que la marche de l'univers n'a pu recevoir aucune atteinte de la diversité des systèmes sur la physique; mais on peut se demander comment les peuples seraient parvenus à régler leur système de morale sur ceux des philosophes moralistes s'ils n'avaient eu des mœurs déjà formées; et comment, s'ils n'eussent été rassemblés par les rites d'un culte public et assujetti à des coutumes, ils auraient pu, sur les opinions des philosophes politiques, se constituer en corps d'État. Cependant si l'on descend à l'examen de quelques systèmes dont la bizarrerie, l'immoralité, le cynisme, ne répugnent pas moins au sentiment qu'à la raison, on ne sait si l'on ne doit pas féliciter les peuples d'avoir été plongés dans tous les vices et les égarements de l'idolâtrie, plutôt que d'avoir eu pour guides les auteurs de ces viles productions. Gardons-nous de restreindre la liberté de la philosophie; mais gardons-nous de croire que la raison conserve ses droits si l'homme se ravale au-dessous de lui-même, s'il se place sur la même ligne que les animaux. Ne méconnaissons point les vœux et les besoins de l'intelligence, qui nous font aspirer à d'autres biens que ceux que nous partageons avec eux. Et puisque par la religion la raison universelle du genre humain vient s'ajouter à la nôtre; puisque, par elle nous trouvons une sanction à nos devoirs, et qu'elle détermine pour tous les hommes les notions du bien et du mal, si obscures pour le plus grand nombre, et si peu comprises; puisque l'autorité est notre guide avant le développement de la

raison, et qu'elle marche sans cesse à côté d'elle dans tout ce qui se rapporte au témoignage, la raison doit respecter l'autorité en matière religieuse; mais l'autorité doit res pecter les droits de la raison dans la sphère de l'observation, de l'expérience, des intérêts privés et des intérêts publics. La philosophie séparera avec soin les affaires de la vie présente et celles de la vie future, laissant le soin des unes au magistrat politique, et le soin des autres aux ministres de la religion; sans être indifférente sur tous les cultes, elle attendra des véritables lumières et de la persuasion le triomphe de la véritable piété, et, suivant la parole évangélique de Fénelon, elle souffrira toutes les religions, puisque Dieu les souffre toutes; elle se gardera, enfin, de confondre la religion avec la politique, pour ne pas éteindre la foi en la soumettant à la politique, ou opprimer la raison en la soumettant à la foi. Ainsi l'humanité, consolée, n'aura plus à gémir ni des maux de la religion ni des scandales de la philosophie.

La Bruyère, chap. des Esprits forts.
Collins, Discours sur la liberté de penser.
Leland, Histoire du déisme.

SATUR.

DEKKAN. (Géographie.) Dachinabades. On appelle ainsi, du mot sanscrit dekkan, qui veut dire Sud, la péninsule triangulaire qui constitue la partie méridionale de l'Hindoustan. La péninsule du Dekkan n'est autre chose qu'un vaste plateau, dont les talus sont formés par les Ghâts de Coromandel à l'est, les Ghâts de Malabar à l'ouest, et les monts Vindhya au nord.

Les Ghâts (montagnes des défilés) commencent au cap Comorin, au sud du Dekkan; elles forment d'abord le plateau granitique de Travancore, séparé du Dekkan par la coupure de Coïmbetour, profonde vallée, arrosée par le Kavery, et hornée au nord par les monts Nielgherries.

A partir de la coupure de Coïmbetour, les Ghâts occidentales remontent au nord, pendant 350 lieues environ, jusque vers l'embouchure du Tapty, un peu au sud de Surate; elles sont parallèles à la côte de Malabar, dont elles prennent le nom, et sur laquelle elles tombent à pic, comme une muraille. Les Ghâts occidentales ou de Malabar sont hautes, âpres et boisées, et sont habitées par des populations belliqueuses, les Mahrattes, entre autres. Dans leur partie septentrionale, les Ghâts de Malabar sont basaltiques, n'offrent parlout que de petits plateaux escarpés, séparés par d'affreux ravins, disposés en terrasses superposées, et couverts d'épaisses forêts de teck et de bambous. Les cols (phars) qui les tra versent sont très-difficiles. La hauteur moyenne est ici de 1,000 mètres.

Dans son extrémité méridionale la chaîne se relève, atteint 2,000 mètres, et n'est plus formée que de terrains granitiques.

Les Ghâts orientales ou de Coromandel se composent d'une série de gradins ou terrasses parallèles, qui s'abaissent par des pentes douces sur les plaines de la côte de Coromandel. Ces terrasses, composées, en général, de formations primitives, présentent de nombreuses coupures, par lesquelles s'écoulent les rivières qui arrosent le plateau et qui toutes se jettent dans le golfe du Bengale. Les Ghâts de Coromandel, beaucoup moins élevées que celles de Malabar (3 à 400 mètres), finissent environ sous le 20° lat. nord.

Les monts Vindhya se dirigent de l'est à l'ouest et unissent les deux chaînes des Ghâts, de manière à former la base du plateau triangulaire du Dekkan. Ces montagnes se composent, comme les Ghâts de l'est, d'une série de terrasses ou gradins parallèles, qui portent divers noms, et qui sont séparés entre eux par les grandes vallées du Tapty et de la Nerbedala. Les derniers gradins, en s'épanouissant, forment, entre le Dekkan et le Gange, le bas plateau de Malva. La hauteur moyenne des Vindhya varie de 400 à 600 mètres. Il faut encore, pour terminer l'esquisse orographique du Dekkan, dire un mot des montagnes Bleues ou Nielgherries, montagnes célèbres dans l'Inde par la salubrité de leur climat, et dans lesquelles la Compagnie envoie, pour rétablir leur santé, ceux de ses employés que le climat a épuisés. Ces belles montagnes, comme nous l'avons dit, forment la paroi nord de la vallée de Coïmbetour.

Ajoutons enfin que le plateau porte le nom de Balaghat (au-dessus des Ghâts ), et que la côte de Karnatic s'appelle Payenghất (audessous des Ghâts).

Les rivières du Dekkan prennent, en géné. ral, leurs sources dans les grandes Ghâts de l'ouest, et comme la pente générale du plateau est de l'ouest à l'est, il s'ensuit que ces rivières vont toutes se jeter dans le golfe du Bengale la mer d'Oman ne reçoit que des torrents sans importance. Les principaux affluents du golfe du Bengale sont, en allant du sud au nord : le Kavery, le Panaur, le Pannar, la Krichna ou Kistnah, le Godavery, le Mahanuddy. Toutes ces rivières sont peu utiles à la navigation en été elles sont presque à sec, en hiver elles deviennent torrentielles, et leurs embouchures sont obstruées par des bancs de sable. Les Indiens réservent le nom de Dekkan à la partie nord du plateau, comprise entre la Nerbedah et la Krichna; la partie du plateau située au sud de cette dernière rivière s'appelle quelquefois le Karnatic.

Les provinces au nord de la Krichna sont celles de Kandeich, Aurengabad, Bedjapour,

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Haiderabad, Bider, Berar, Gandouana, Orissa, et celle des Circars du nord. Les provinces situées au sud de la Krichna sont celles de Kanara, Malabar, Cochin, Travancore, Coïmbetour, Karnatic, Salem, Mysore et Balaghât. La plus grande partie de ces provinces appartient aux Anglais; le reste est au pouvoir des sept princes vassaux des Anglais; les deux principaux États vassaux sont le royaume du Dekkan ou du Nizam et le royaume de Mysore; les autres sont : la principauté de Kolapour, le royaume de Nagpour, le royaume de Satarah, dernier débris de l'empire Mahratte, le royaume de Travancore et le royaume de Cochin.

Les peuples principaux du Dekkan sont les Mahrattes, les Telingas, les Tamoules et les Gounds. C'est dans le Dekkan que se trouvent les dernières colonies des Français et des Portugais il en sera parlé à l'article INDES.

Calder, Montagnes de l'Inde, Asiatic Journal, octobre 1828.

Hough, Letters on the Neilgherries; 1 vol. in-8°; Londres, 1829.

Nouvelles Annales des Voyages, 1829, t. I et III. Dictionn. geograph. univers. de Kilian et Piquet, art. DEKKAN et GHATTES.

L. DUSSIEUX.

DEKKAN ou du NIZAM (Royaume du). (Histoire.) Ce royaume est actuellement composé des cinq provinces de Haïderabad ou Golconde, de Bider, de Berar, d'Aurangabad et de Bedjapour; adossé aux monts Vindhya au nord, et limité par la Krichna au sud, il comprend la partie centrale du Dekkan proprement dit, et est situé entre la présidence de Bombay et les Mahrattes, à l'ouest; la présidence de Calcutta, au nord; le royaume de Nagpour, à l'est; et la présidence de Madras, au sud. Les villes principales sont : Haïderabad, capitale du royaume, résidence du Nizam, grande ville de 200,000 habitants; Golconde, célèbre par son histoire, ses fortifications, et par son commerce de diamants; Aurangabad, ancienne capitale du royaume; Ellora, village célèbre par ses monuments taillés dans le roc.

et

L'histoire du royaume du Nizam se lie d'une manière trop intime à l'histoire de nos colonies de l'Inde pour que nous ne l'exposions pas, au moins sommairement, dans cet article, dont le complément se trouvera à l'article INDES.

Vers le commencement du dix-huitième siècle, Scheyed-Koulikhan, officier dans l'armée mongole, qui avait obtenu par ses services le titre de nizam, titre qui est devenu le nom his torique des princes de sa dynastie, avait été nommé soubad ou vice-roi du Dekkan. Profitant de l'anarchie où était tombé l'empire des Mongols, le nizam rendit indépendant et héréditaire son gouvernement, qui com

prenait alors tout le plateau du Dekkan, sauf quelques petites provinces du nord-ouest, dans lesquelles les braves Mahrattes défendaient leur liberté. A la mort du nizam, en 1748, cet empire se disloqua; les Anglais et les Fran. çais profitèrent aussitôt de l'occasion, et se disposèrent à s'emparer d'une partie ou de la totalité du Dekkan. Scheyed-Nizam avait laissé à sa mort cinq fils: Chazi-Oudin, l'aîné; Nasirjung, Salabatjung, Nizam-Aly, Bussalutjung, et un petit-fils, Mouzufferjung, né d'une de ses filles.

Chazi-Oudin était, à la mort de son père, à la cour de Delhi, auprès du Grand-Mogol; Nasirjung, profitant de son absence, souleva l'armée, et s'empara de la couronne; mais Mouzufferjung la réclama, et appela les Français à son aide. Dupleix, gouverneur de nos établissements de l'Inde, comprit aussitôt quel parti il pouvait tirer de cette anarchie naissante. Il s'allia à Mouzufferjung, battit ses ennemis, et le proclama soubadar ou roi du Dekkan à Pondichéry: en revanche, le soubadar donna à Dupleix le Karnatic avec le titre de nabab. Mouzufferjung se rendit alors (1750) à Haïderabad, appuyé par trois cents Français commandés par le marquis de Bussy. Mais une révolution éclata; la garde afghane de Nasirjung assassina ce prince, et ne voulut pas reconnaître le roi qu'amenait Bussy. Mouzufferjung fut assassiné à son tour. Alors Bussy donna la couronne à Salabatjung, troisième fils de Scheyed-Nizam, le fit reconnaître et le maintint sur le trône, malgré ChaziOudin, qui mourut empoisonné par sa mère, et malgré les Mahrattes, dont la cavalerie fut contenue par la discipline et écrasée par le feu des braves soldats de Bussy. Bussy gouverna alors le Dekkan, et fit céder à la France plusieurs grandes provinces. L'empire de l'Inde allait passer à la France, lorsque de misérables intriques et l'ignoble cupidité des marchands de la Compagnie des Indes firent perdre tout le fruit des travaux de Dupleix. Dupleix fut rappelé et remplacé par Godeheu, qui signa une paix honteuse avec l'Angleterre. La France renonçait aux acquisitions de territoire faites par Dupleix, s'engageait à ne plus intervenir dans les affaires des princes indiens, et partant à abandonner le nizam Salabatjung à ses ennemis.

La guerre s'étant rallumée (1756) avec l'Angleterre, le cabinet de Versailles envoya dans l'Inde l'Irlandais Lally, qui nous fit perdre honteusement un pays où Dupleix avait fait flotter si glorieusement notre drapeau (1763, traité de Paris). Son premier acte fut de rappeler Bussy du Dekkan, affirmant que l'alliance du soubadar était inutile. Bussy obéit après de longues hésitations (1758). Après son départ, un frère de Salabatjung, Nizam

Aly, se souleva contre lui. Salabatjung, faible et timide, mais appréciant toute la valeur des Européens, appela à son aide les Anglais, et, par le traité du 14 mai 1759, il leur donna toutes les provinces qui nous avaient été autrefois cédées, et s'engagea à licencier le corps de Français qui étaient restés auprès de lui. Malgré ce traité, les Anglais, qui négociaient aussi avec son compétiteur, ne soutin. rent pas Salabatjung, qui fut renversé et tué par son frère. Avec lui, dit M. Warren (1), cessa l'influence de la France dans les destinées de l'empire d'Haïderabad.

Pendant le long règne de Nizam-Aly (17591803), le royaume continua sa rapide décadence. Incapable de suivre une politique habile et persévérante, esclave de ses plaisirs, prodigue, dominé par un ministre incapable, Nizam-Aly favorisa, par ses fautes et par ses trahisons envers les princes indiens, les conquêtes de l'Angleterre. Il ne soutint ni les Mahrattes ni les rois de Mysore, dans leurs luttes généreuses contre les Anglais; il s'allia même avec ceux-ci contre Tippoo-Saïb en 1790. L'Angleterre l'obligea successivement de renvoyer un petit corps de troupes françaises qu'il avait encore à sa solde, puis de renvoyer les officiers français qui avaient discipliné ses soldats indiens, sous la direction de Raymond, et de licencier ces troupes disciplinées à la française (1789).

Depuis le funeste traité de 1763, un certain nombre d'officiers français, restés dans les Indes, avaient pris du service auprès de tous les rois indiens, et avaient fait d'héroïques efforts pour chasser les Anglais de l'Hindoustan. Si ces braves gens, entre lesquels on peut citer le neveu de Lally, de Boigne, Cerron, Raymond, avaient été soutenus par la métropole, la victoire se fût certainement déclarée pour eux. Après la mort de Raymond (1797), cette génération d'aventuriers devait à peu près s'éteindre, pour reparaître plus tard, Lahore, avec les Allard, les Court, les Ventura.

En même temps qu'il renvoyait les Français, le nizam était obligé (traité de 1798) de prendre à son service six bataillons anglais, et de payer un subside annuel de 6,000,000 de fr. pour la solde de ces troupes. A partir de ce moment, le nizam est à la discrétion de la Compagnie des Indes, gouverné par le résident anglais, et maintenu par les soldats britanniques; pour compléter sa soumission, les troupes indiennes furent même commandées par des officiers anglais; leur chef fut le colonel Wellesley, depuis duc de Wellington. Aussi, dans la dernière guerre de TippooSaïb, en 1799, le nizam fut obligé de com

(1) L'Inde Anglaise, t. I, chap. VI et VII.

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