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aussi sa possession transmise par un peuple à presque tous les autres. S'être rendu complétement maître d'une race, c'est, pour le genre humain, avoir en ses mains le pouvoir de la multiplier, non-seulement presque autant qu'il le veut, mais aussi presque partout où il le veut; car les différences elles-mêmes des climats, les plus fortes barrières que la nature ait opposées à l'expansion indéfinie des espèces, ne sauraient arrêter l'homme dans la propagation graduelle d'une race domestique, opérée par les soins lentement prudents de plu. sieurs générations successives, comme elle l'arrête trop souvent dans ses efforts individuels pour enlever brusquement un animal à sa vie de nature et à sa patrie. » Voy. ACCLI.

MATEMENT.

Il résulte de ce qui précède, qu'autant l'apprivoisement, qui est la conquête complète de l'individu, l'emporte sur la simple captivité, soit par ses résultats utiles, soit comme témoignage de la puissance de l'homme, autant il est au-dessous de la véritable domesticité, qui est la conquête de la race. Confondre l'un et l'autre, c'est fermer les yeux sur l'immense distance qui sépare un fait individuel et momentané, œuvre industrieuse de quelques hommes, d'un fait général et perpétuel, créé dans l'antiquité, et continué d'âge en âge par une si longue série de générations, qu'on est presque en droit de le considérer comme l'œuvre du genre humain tout entier.

Si nous récapitulons toutes les espèces d'animaux réduites jusqu'à présent en domesticité, nous verrons que leur nombre ne dépasse pas quarante, dont dix-sept parmi les mammifères, seize parmi les oiseaux, deux parmi les poissons et cinq parmi les insectes. Or, on pense bien que, vu la diversité de leur organisation, toutes ces espèces ne peuvent être utiles à l'homme, au même degré, ni de la même manière. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, qui nous sert de guide dans cet article, divise les animaux domestiques, d'après la nature des services qu'ils rendent à l'homme, en quatre groupes principaux : c'est-à-dire, en auxiliaires, en alimentaires, en industriels et en accessoires.

Les auxiliaires, dont quelques-uns sont en même temps alimentaires, sont : parmi les mammifères, le chien, le chat, le furet, le renne, le lama, l'yack ou buffle à queue de cheval, le chameau, le dromadaire, le buffle, le bœuf, le cheval et l'ane; parmi les oiseaux, le pigeon seulement.

Les alimentaires, dont la plupart sont en même temps utiles à l'homme par les produits que peut en retirer l'industrie, sont : le lapin, la brebis, la chèvre, le cochon, le canard ordinaire, le canard musqué, improprement appelé de Barbarie, l'oie, le din

don, la pintade, le faisan commun et la poule à quoi il faut ajouter la carpe, qui, propagée et multipliée par l'homme loin de sa patrie originelle, peut être considérée comme domestiquée.

:

Les industriels appartiennent tous à la classe des insectes; ce sont la cochenille du nopal, le bombyx du múrier ou ver à soie, et quelques-uns de ses congénères (Voyez l'article BOMBYX); enfin l'abeille, qui produit à la fois la cire et le miel, substances dont l'une est employée par l'industrie, et l'autre sert tantôt comme aliment, tantôt comme médicament.

Les accessoires, c'est-à-dire ceux dont l'homme ne retire ni services directs, ni produits utiles soit à son alimentation, soit à son industrie, et qu'il n'a conservés et multipliés autour de lui que pour le plaisir de l'ouïe ou de la vue, sont : le serin, la tourterelle, le faisan doré, le faisan argenté, le faisan à collier, le paon, l'oie de Guinée et le cygne; ef parmi les poissons, le cyprin doré de la Chine, qui, par l'éclat de ses couleurs, le dispute aux oiseaux les plus brillants.

Les bornes dans lesquelles nous sommes obligé de nous renfermer, ne nous permettent pas de suivre M. Isidore Geoffroy-SaintHilaire dans toutes les questions qui se rattachent à un sujet aussi complexe que celui de la domestication des animaux ; nous terminerons donc cet article par l'énumération des espèces sur lesquelles cet auteur pense qu'il serait facile de tenter des essais pour aug. menter le nombre de celles que nous possédons en domesticité.

Parmi les ruminants, il cite les grandes antilopes, mais principalement la vigogne, qui, importée dans les Alpes et les Pyrénées, deviendrait une source de richesses pour ces montagnes, par sa laine si fine, si douce et si abondante. Parmi les pachydermes, il est un animal dont la domestication lui semble devoir être immédiatement tentée : c'est le tapir américain, dont l'utilité serait double pour l'homme, et comme aliment et comme bête de somme. Il regarde encore comme pouvant aussi être utiles, mais à un degré moindre, l'hémione, le zèbre, et d'autres solipè des restés sauvages. En dehors des ruminants et des pachydermes, et dans un groupe qui, en raison de la contrée qu'il habite, n'a encore fourni à l'homme aucun animal domestique, il cite, comme aussi utiles que faciles à asservir, les kangurous de l'Australasie, mais particulièrement le kangurou laineux. Il indique encore dans les mammifères, comme plus ou moins faciles à domestiquer, diverses espèces de rongeurs, telles que le lièvre pampa, les agoutis, le cabiai, et surtout les pacas; puis plusieurs, carnassiers, par exemple : le gué

pard, les coalis, la loutre, et surtout les mangoustes, qui pourraient seconder l'homme dans la recherche et la poursuite des animaux, soit de nos forêts, de nos champs ou de nos rivières, soit de l'intérieur de nos habitations. Il va même jusqu'à proposer de tenter la domestication sur les phoques et les lamantins, animaux si remarquables par la douceur de leur naturel, par le développement de leur intelligence, pár leurs instincts éminemment sociaux; et il ne doute pas que réduits en domesticité, ils ne deviennent éminemment utiles à l'homme, dans certaines localités.

Parmi les oiseaux, le groupe des gallinacés est celui qui peut encore fournir le plus d'espèces utiles, comme il est déjà celui dans lequel l'homme en a pris le plus grand nombre. Il serait certainement très-facile, dit M. Geoffroy, de domestiquer les hoccos, les pénélopes, les catracas, les lophophores, les napauls, et d'autres encore dont la chair prendrait place sur nos tables entre celle du dindon et celle de la poule, et dont les derniers seraient en même temps, pour nos parcs et nos basses-cours, de si magnifiques ornements.

La conquête infiniment plus importante du nandou, du casoar, et même de l'autruche, serait plus difficile à accomplir; mais, d'après les circonstances de la reproduction dans ces espèces, M. Geoffroy ne doute pas qu'on n'y parvint avec de la persévérance et des soins habilement dirigés.

Après ces oiseaux, il cite l'agami, que son instinct rendrait si utile pour la garde et la conduite des autres oiseaux de bassecour, et dont l'apprivoisement est trop facile pour que sa prompte domestication n'en soit pas la conséquence; le pigeon goura, qui, en raison de sa grande taille, deviendrait l'une de nos plus précieuses volailles ; et enfin le marabout, et d'autres oiseaux que l'on recherche pour la beauté de quelques-unes de leurs plumes.

DUPONCHEL père.

DOMICILE. (Législation.) On distingue, dans notre jurisprudence française, plusieurs espèces de domicile : le domicile réel, le domicile élu, le domicile politique.

Il arrive aussi quelquefois que le mot domicile est confondu, même dans le langage du droit, avec les mots demeure, maison, habitation. C'est en ce sens qu'on dit changement de domicile, inviolabilité du domicile.

L'inviolabilité du domicile consiste dans la défense faite aux agents de l'autorité publique de s'introduire dans la maison d'un particulier, même pour y opérer l'arrestation d'un prévenu, si ce n'est dans les cas et suivant les formes autorisées par la loi.

Aux termes de l'art. 76 de la loi du 22 fri. maire an VIII, la maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé, ou par une loi, ou par un ordre émané d'une autorité constituée. Un décret du 4 août 1806 a déterminé ce qu'on doit entendre par le temps de nuit

c'est depuis le 1er octobre jusqu'au 31 mars l'espace compris avant six heures du matin et après six heures du soir, et de. puis le 1er avril jusqu'au 30 septembre, l'intervalle de temps qui existe entre neuf heures du soir et quatre heures du matin.

L'article 131 de la loi du 28 germinal an VI complète l'ensemble des dispositions de nos lois relatives à l'inviolabilité du domicile. Spécial au service de la gendarmerie, cet article a été, pour ainsi dire, textuellement reproduit par l'article 76 de la loi du 22 frimaire an VIII.

Du domicile réel. Le domicile réel, dont s'occupe particulièrement le Code civil, est le lieu où une personne jouissant de ses droits a son principal établissement, où elle a établi sa demeure, le centre de ses affaires, le siége de sa fortune.

Le domicile sert à déterminer quel est le juge naturel de la personne, quel est le licu de l'ouverture d'une succession, en quel lieu doit se faire la célébration d'un mariage.

Le changement de domicile s'opère par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement. La preuve de l'intention résulte d'une déclaration expresse, faite, tant à la municipalité du lieu qu'on quitte, qu'à celle du lieu où on transfère son domicile. A défaut de déclaration expresse, la preuve de l'intention dépend des circonstances. Néanmoins la loi a admis plusieurs cas de présomption légale de changement de domicile; ainsi : 1o L'accepta tion des fonctions conférées à vie emportera translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ses fonctions. 2° La femme mariée n'a point d'autre domicile que celui de son mari. Le mineur non émancipé aura son domicile chez ses père et mère ou tuteur : le majeur interdit aura le sien chez son tuteur. 3o Les majeurs qui ser. vent ou travaillent habituellement chez autrui, auront le même domicile que la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent, lorsqu'ils demeureront avec elle dans la même maison.

Mais il en est autrement du citoyen appelé à une fonction publique temporaire ou révo

cable. La loi dit formellement qu'il conserve le domicile qu'il avait auparavant, s'il n'a pas manifesté d'intention contraire.

Du domicile élu. L'élection de domicile est conventionnelle ou commandée par la loi. Lorsqu'un acte contient, de la part des parties ou de l'une d'elles, élection de domicile pour l'exécution de ce même acte dans un autre lieu que celui du domicile réel, les siguifications, demandes et poursuites relatives à cet acte, peuvent être faites au domicile convenu, et devant le juge de ce domicile.

Il en est de même dans le cas où l'élection de domicile est commandée par la loi, par exemple, en matière d'inscription hypothécaire, de saisie mobilière.

Du domicile politique. Le domicile politique est le lieu où chaque citoyen exerce ses droits politiques. Il est indépendant du domicile civil, et l'on peut avoir et conserver son domicile politique dans un autre lieu que le domicile civil.

En principe, le domicile politique de tout Français est dans l'arrondissement électoral où il a son domicile réel; néanmoins, il peut le transférer dans tout autre arrondissement électoral où il paye une contribution directe, à la charge d'en faire, six mois d'avance, une déclaration expresse au greffe du tribunal civil de l'arrondissement où il aura son domicile politique actuel, et au greffe du tribunal civil de l'arrondissement électoral où il voudra le transférer.

Dans le cas où un électeur aura séparé son domicile politique de son domicile réel, la translation de son domicile réel n'emportera pas le changement de son domicile politique et ne le dispensera pas des déclarations cidessus prescrites s'il veut le réunir à son domicile réel. Nul individu appelé à des fonctions publiques, temporaires ou révocables, n'est dispensé de la susdite formalité. Les individus appelés à des fonctions inamovibles pourront exercer leur droit électoral dans l'arrondissement où ils remplissent leurs fonctions. Nul ne peut exercer le droit d'électeur dans deux arrondissements électoraux. Si un électeur qui, aux termes de l'article 10 de la loi du 19 avril 1831, a choisi son domicile politique hors de son domicile réel, veut néanmoins coopérer à l'élection des conseillers de département ou d'arrondissement dans le canton de son domicile réel, il sera tenu d'en faire, trois mois d'avance, une déclaration expresse au greffe des justices de paix du canton de son domicile politique et de son domicile réel.

Les citoyens qui n'ont pas été portés sur la liste départementale du pays, à cause de l'incompatibilité résultant de l'article 383 du Code d'instruction criminelle, seront d'office, ou

sur leur réclamation, inscrits comme ayant droit de coopérer à l'élection des conseillers de département ou d'arrondissement dans le canton de leur domicile réel.

Telle fut jusqu'en 1845 la législation relative au domicile politique. Il fut décidé maintes fois alors que, quelque faible que fût une acquisition immobilière faite dans un arrondissement électoral, et quelque modique que fût la contribution payée pour cet immeuble, dûtelle être de quelques centimes seulement, cette acquisition suffisait pour conférer au proprié. taire le droit de transférer son domicile politique dans cet arrondissement. La cour de cassation elle-même maintint cette faculté, sous l'empire de la loi du 19 avril 1831, pourvu que la vente fût sérieuse et la propriété réellement transmise.

Cependant il arrivait souvent qu'un certain nombre d'électeurs, voulant faire prévaloir leur opinion dans tel collége électoral où il suffisait d'introduire quelques suffrages favorables pour obtenir la majorité, achetaient en commun une pièce de terre ou immeuble quelconque, puis répartissant entre eux l'impôt qui résultait de cette acquisition, transportaient, à l'aide d'une cote très-faible, leur domicile politique dans l'arrondissement en question. Le gouvernement crut apercevoir un abus dans cette pratique; de bons esprits n'y virent que l'exercice du droit électoral laissé à son entière et légitime liberté. Une proposition émanée de quelques membres du parti conservateur, donna naissance à la loi du 25 avril 1845, qui exige que la contribution payée dans l'arrondissement où l'électeur désire exercer ses droits soit de 25 francs au moins ( Moniteur, 14 mars, 8 avril 1845).

Le deuxième paragraphe de l'article 1er de cette loi réduit de moitié cette somme, c'està-dire fait descendre à 12 fr. 50 le taux de cette contribution, à l'égard des citoyens inscrits, en vertu de l'article 3 de la loi du 19 avril 1831. Les électeurs auxquels il suffit d'un cens contributif de 100 francs sont les membres et correspondants de l'Institut et les officiers en retraite jouissant d'une pension de 1,200 francs au moins.

Une circulaire ministérielle a été rendue, le 8 juin 1845, pour l'exécution de la nouvelle loi.

G. DE VILLEPIN. DOMINICAINS. (Histoire religieuse. ) Ordre religieux institué à Toulouse en 1215 par saint Dominique, qui lui a donné son nom. Pendant tout le cours du douzième siècle, les hérésies s'étaient multipliées sous l'influence de diverses causes, telles que le nouvel essor de la philosophie, le progrès du bon sens populaire, et le réveil du mysticisme. L'autorité même de l'Église se voyait menacée par les

opinions nouvelles. Les Albigeois surtout avaient marqué parmi ces dissidents, et le pape Innocent III avait envoyé deux légats, Arnauld, abbé de Citeaux, et Pierre de Castelnau, pour les ramener à la soumission. Dans le même temps, l'évêque d'Osma et Dominique, un de ses chanoines, étaient venus en France négocier le mariage du fils d'Alphonse IX, roi de Castille, avec la fille du comte de la Marche. Ils furent autorisés par le pape à travailler à la conversion des hérétiques qui peuplaient le Languedoc. A la mort de l'évêque d'Osma, en 1207, Dominique devint le chef de la mission. Pendant que la puissance séculière employait le fer et la flamme contre les malheureux Albigeois, Dominique prétendait les convertir par la parole. C'est dans ce but qu'il établit à Toulouse, en 1215, une nouvelle congrégation religieuse, vouée spécialement à la prédication de la doctrine de l'Église et à la réfutation de l'hérésie. Cependant les ordres monastiques étaient déjà trop nombreux, et, cette année même, un concile avait interdit la création de nouveaux ordres religieux. Dominique, en adoptant la règle des Augustins avec quelques modifications, obtint en 1216 l'approbation du pape Honorius III pour l'ordre des Frères précheurs, qui devint une fervente milice, toute dévouée au maintien des droits du saint-siége. Les dominicains reçurent en France le nom de Jacobins, parce que la maison qu'ils ouvrirent à Paris, en 1218, était située rue SaintJacques. Leur institut fit de rapides progrès; leur fondateur établit successivement des maisons à Madrid, à Asti, à Bergame, à Bologne, à Brescia, à Faenza, à Viterbe, à Rome, avec la mission de prêcher partout contre les nouvelles doctrines. Le pape lui donna le titre de général, et l'ordre fut divisé en huit provinces. Comme marque distinctive, les dominicains portaient suspendu à leur ceinture le rosaire ou chapelet, dont l'institution est attribuée à saint Dominique. Leur costume était une robe blanche avec un scapulaire et un capuchon de même couleur. Hors de leurs maisons, ils mettaient par-dessus un manteau et un capuchon noir.

Les dominicains ou frères prêcheurs acquirent bientôt un grand crédit dans toute la chrétienté, comme fauteurs de la puissance pontificale; et l'on doit reconnaître que leur ordre a produit plus d'un nom illustre dans l'histoire de la science, comme dans les annales de l'Église : il suffit de nommer Albert le Grand, saint Thomas d'Aquin, Tauler, Savonarole, Raymond de Peñafort, Vincent de Beauvais. Ils ont joué un grand rôle dans les universités du moyen âge, et se sont montrés en possession de tout le savoir de leur époque. Mais, il faut le dire aussi, le nom de cet ordre redoutable se trouve associé à un nom justement odieux

dans l'histoire, à celui de l'Inquisition. Que saint Dominique ait été ou non le fondateur de ce tribunal abhorré, qu'on en fasse remonter la création au concile de Vérone en 1184, ou à Pierre de Castelnau en 1204, ou au concile de Latran en 1215, ou au concile de Toulouse en 1229, il n'en est pas moins constant que, en 1233, Grégoire IX nomma deux dominicains inquisiteurs en Languedoc, et chargea leur ordre de la recherche des hérétiques de l'Italie, de la France et particulièrement du territoire de Toulouse. Partout où l'inquisition s'établit, ce furent les moines de SaintDominique qui siégèrent sur ce tribunal de sang; et depuis leur fondateur jusqu'au farouche Torquemada, depuis ce premier grand inquisiteur jusqu'au dix-neuvième siècle, aux dominicains seuls appartint le droit d'allumer les bûchers.

Une longue rivalité et de violentes jalousies divisèrent l'ordre de Saint-Dominique et celui de Saint-François. Il y eut d'abord entre eux guerre de doctrines sur la scolastique, les uns tenant pour saint Thomas, les autres pour Duns Scot. Mais la question de l'immaculée conception de la Vierge devint une occasion de discussions interminables et de scènes scandaleuses. Ces controverses ont perdu aujourd'hui tout intérêt pour nous. - Un des ecclé. siastiques français les plus distingués de notre temps, M. l'abbé Lacordaire, ancien disciple de M. de Lamennais, s'est fait affilier à l'ordre des dominicains.

Historia general de santo Domingo et de su orden de predicadores; 2o ed., Valladol., 1612-21, 5 vol. in-fol.

Annales ordinis prædicatorum, auctore Th. M. Mamachio; Romæ, 1786, in-fol.

Touron, Histoire des hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique; Paris, 1743, 6 vol. in-4°. ARTAUD.

DOMINIQUE (La). (Géographie et Histoire). L'une des petites Antilles, située entre la Martinique et la Guadeloupe. Cette ile fut découverte en 1492 par Christophe Colomb, qui lui donna le nom de Dominique, en l'honneur du saint dont les Espagnols célébraient la fête le jour où on aperçut la terre.

La superficie de cette ile est d'environ soixante lieues carrées, et sa population de vingt-six mille habitants, dont vingt mille esclaves. La capitale, Roseaux, ne contient guère que cinq mille âmes.

En 1625 les Français s'établirent aux Antilles (Voyez ce mot); mais en 1763 la Dominique, ainsi que d'autres îles, fut cédée aux Anglais par le traité de Paris.

En 1782, au printemps, le comte de Grasse, lieutenant général des armées navales, entreprit, avec trente vaisseaux de ligne, de reconquérir la Jamaïque, la seule île qui restât aux

Anglais dans l'Amérique septentrionale. Mais une escadre de quinze vaisseaux de ligne anglais, sous les ordres de l'amiral Rodney, donnant à la marine britannique une trop forte supériorité en nombre, l'amiral français fut contraint à faire voile vers Saint-Domingue, où il devait opérer une jonction avec une flotte espagnole. L'Anglais, instruit de ce brusque départ, poursuivit aussitôt le comte de Grasse, et une action s'engagea, le 9 avril, entre l'avantgarde de la flotte ennemie et l'arrière-garde de la flotte française.

Dans cette première rencontre, les Anglais furent si maltraités que, pour réparer leur faute, ils se virent forcés de mettre en panne. Hors d'atteinte et favorisée par le vent, la flotte du comte de Grasse s'avançait vers la Guadeloupe, quand un léger accident vint causer de grands malheurs.

A la hauteur de la Dominique, le vaisseau le Zélé, commandé par le neveu de l'amiral, ayant abordé, pendant la nuit, la Ville de Paris, reçut un tel dommage de ce choc, qu'il se trouva hors d'état de suivre la flotte. L'amiral, emporté par un aveugle attachement pour son neveu, ordonna une contre-marche qui, ayant jeté sa flotte en face de l'ennemi, fournit à celui-ci l'occasion de se venger de ses premiers revers. La manœuvre imprudente de M. de Grasse avait causé parmi les officiers un mécontentement et une surprise dont profitèrent habilement les Anglais. Leurs vaisseaux étaient plus nombreux que ceux de la flotte française. Ils s'attachèrent alors à engager des combats partiels dans lesquels les navires français, accablés par le nombre, de. vaient nécessairement être forcés de se rendre.

Pendant onze heures, la Ville de Paris, montée par le comte de Grasse, se défendit contre quatorze vaisseaux anglais, et l'amiral n'amena son pavillon que lorsqu'il eut perdu tout espoir; il ne lui restait plus à bord que trois hommes valides. De tous côtés, il se fit des actions d'une héroïque bravoure; on cite entre autres celle de M. Marigni, commandant le César: blessé mortellement, on vint lui apprendre que le feu avait pris au bâtiment et qu'il allait infailliblement sauter : Tant mieux, réponditil avec sang-froid; les Anglais ne l'auront pas. Fermez ma porte, mes amis, et tâchez de

vous sauver.

THÉODORE BÉNARD.

DOMITE. (Géologie.) Roche du Puy-deDôme, en Auvergne. C'est une roche hétérogène, quoique certaines portions aient l'apparence homogène, composée de silice, d'alumine avec un peu de potasse, de magnésie et d'oxyde ferreux. Sa couleur est blanchâtre, grisâtre, ou rosâtre; elle est âpre au toucher, peu solide et même souvent friable. On y remarque des cristaux de feldspath et d'am

phibole, et souvent elle contient de l'acide chlorhydrique libre.

La domite constitue la masse du Puy-deDôme et celle de plusieurs des montagnes qui l'environnent, le Puy-Chopine, le Puy. de-Sarcouï, etc.; elle n'est jamais stratifiée ni prismatique: elle offre, au contraire, une struc. ture tout à fait irrégulière et semblable à celle des masses altérées par l'influence des agents intérieurs. Le fer oligiste micacé, qu'elle renferme souvent en petites veines et en parties disséminées, joint à l'acide chlorhydrique qu'elle contient, annonce qu'elle a été pénétrée par des émanations acides venant de l'inté rieur de la terre. Les parties constituantes de la domite sont les mêmes que celles du trachyte, dont on trouve de nombreux fragments dans son intérieur (toute la chaîne du Puy-de-Dôme). Lorsque j'étudiais cette contrée en 1841, j'avais été frappé de cette analogie, et, comme il se trouve là un grand nombre de cratères et d'évents volcaniques éteints, j'avais pensé que la domite n'était autre chose que du trachyte décomposé par les vapeurs acides, si abondantes dans les éruptions. Deux ans après, j'étais dans le cirque de la Solfatare de Pouzzol, dont les parois sont formées par un mélange de domite, de trachyte et de conglomérats trachytiques. Dans plusieurs fentes d'où s'échappaient d'abondantes fumerolles, je surpris la nature sur le fait les parois de ces fentes étaient formées par des trachytes et des conglomérats trachytiques, dans divers états d'altération, depuis le trachyte intact jusqu'à la domite parfaitement caractérisée. On sait que les fumerolles de la Solfatare sont composées de vapeur d'eau, d'acide chlorhydrique et d'acide sulfhydrique. Ces acides, aidés de la vapeur d'eau, emportent lentement l'alcali du feldspath du trachyte, qu'ils finissent par transformer ainsi en véritable domite. J'ai recueilli une suite d'échantillons qui mettent ce phénomène dans tout son jour.

:

Il ne reste plus pour moi aucun doute que les domites, ces roches singulières, qui ont tant intrigué les géologues, ne sont autre chose que des trachytes décomposés par les émanations acides qui ont accompagné les éruptions volcaniques, et qui persistent encore, avec une intensité variable, dans les régions des volcans éteints.

Rozet, Sur les volcans de l'Auvergne et de l'Italie, dans les Mémoires de la Société géologique de France, t. I, ge série.

ROZET.

DOMMAGE. ( Jurisprudence. ) Préjudice quelconque causé par un fait illicite, avec ou sans intention de nuire. Nous employons à dessein le mot fait illicite; nul, en effet, n'offre une plus large compréhension. Sous ce

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