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1. Tous les peuples ont le droit de naviguer pour leur commerce et leurs relations; la mer est libre, parce que cette liberté est indispensable aux hommes pour soutenir des rapports entre eux. La navigation doit encore être libre à un autre point de vue, celui de la pêche. Ici aussi les états n'ont droit à aucun privilége pour leurs pêcheurs au détriments des pêcheurs étrangers. Les riches trésors de la mer sont ouverts à toute l'humanité. La couronne de Danemark s'arrogeait encore au XVIIe siècle le droit exclusif de la pêche dans les eaux de l'Islande et du Groenland, et eut à ce sujet un conflit avec les Provinces Unies des Pays-Bas; ce droit, restreint plus tard par le Danemark à une zone s'étendant à quinze milles marins de la côte, ne fut plus reconnu par les autres états. Il s'est, de nos jours, élevé à plusieurs reprises des conflits entre l'Angleterre et les États-Unis au sujet de la pêche dans les eaux anglaises de l'île de Terre-Neuve; un traité en date du 2 août 1839 accorda aux pêcheurs américains le libre droit de pêche, à l'exception d'une zone réservée aux Anglais et dont la largeur fut fixée à trois milles comptés à partir de la côte.

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Le fait d'interdire aux navires de guerre le séjour de certaines mers ne constitue pas une violation de la liberté des mers; cotte mesure est au contraire destinée à en assurer le maintien.

1. Exemple: La paix de Paris en 1856 a fixé le nombre maximum de navires de guerre que la Russie peut entretenir dans la mer Noire.

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Sont, dans de certaines limites, soumises à la souveraineté de l'état riverain :

a) La bande de mer située à portée de canon de la côte, b) Les ports de mer,

c) Les golfes,

d) Les rades.

1. Certaines parties de la mer sont unies si étroitement à la terre ferme qu'on doit, dans une certaine mesure du moins, les faire rentrer dans le territoire de l'état riverain; on les considère comme les accessoires de terre ferme. La sûreté de l'état et l'ordre public y sont tellement intéressés, qu'on ne peut plus se contenter, dans certains golfes, de la zone de mer située sous le feu des canons du rivage. On ne pourra faire d'exceptions à la règle générale de la liberté des mers que pour des motifs sérieux et lorsque l'étendue du golfe est peu considérable; ainsi la baie d'Hudson et le golfe du Mexique font évidemment partie de la mer libre. Personne ne conteste la souveraineté de l'Angleterre sur le bras de mer qui s'étend entre l'ile de Whigt et la côte anglaise, ce qu'on ne saurait admettre pour la mer située entre l'Angleterre et l'Irlande; l'amirauté anglaise a cependant soutenu quelquefois la théorie des mers resserrées « narrowseas » et a essayé, mais sans pouvoir y réussir, de confisquer à son profit sous le nom

de « King's-chambers, » des étendues de mer considérables. On ne peut nier le droit de souveraineté de la Turquie sur les détroits des Dardanelles et du Bosphore; le nouveau droit international pourvoit seulement à ce qu'il ne soit opposé aucune entrave à la marche des navires traversant ces détroits pour se rendre dans la mer Noire.

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L'état riverain peut en conséquence prendre, à l'égard des parties de la mer ci-dessus désignées, toutes les mesures de sûreté et d'ordre public qu'il juge nécessaires, et y réglementer la pêche et la navigation. Mais il n'est pas autorisé, en temps de paix, à interdire ou à entraver par des impôts la libre navigation dans les eaux dépendant de son territoire.

1. L'état riverain peut, afin d'empêcher la contrebande, exiger des navires étrangers de n'aborder qu'à certains points déterminés du littoral; il peut, pour sa sûreté, interdire l'approche du rivage aux navires de guerre, etc. Certains pays défendent encore aux pêcheurs étrangers d'exercer leur profession dans les eaux dépendant de leur territoire; les autres puissances se soumettent, parce qu'on ne peut pas refuser à un état le droit de réglementer la pêche sur son littoral.

2. Le Danemark, en possession des deux îles qui bordent la seule voie de communication entre la Baltique et la mer du Nord, a abusé pendant des siècles de sa souveraineté maritime en prélevant un droit de péage sur les navires qui traversaient le Sund. Les états de l'Europe se soumettaient à cette charge, parce qu'ils n'avaient pu se débarrasser des idées du moyen âge sur la souveraineté, et que l'esprit moderne ne les avait pas assez profondément pénétrés; ils s'étaient donc bornés à conclure des traités pour prévenir une aggravation du droit prélevé. La résistance des États-Unis d'Amérique parvint enfin à forcer le Danemark à entrer en négociations sur le rachat de ce péage. Cet obstacle a été écarté à l'amiable, et le Sund ouvert à la libre navigation le 1er avril 1857.

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Les fleuves et rivières font partie du territoire de l'état qu'ils traversent. S'ils forment la frontière entre deux états, la ligne de démarcation passe par le milieu du fleuve ou de la ri

vière.

1. V. art. 298.

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Les divers états que traverse un même fleuve ou une même

rivière navigable, ont un droit et un intérêt communs à pouvoir tous s'en servir librement et conformément à certaines règles.

Chacun des états intéressés est tenu de faire, sur son territoire, disparaître du lit de la rivière les obstacles à la navigation, et de pourvoir à l'entretien des chemins de halage.

1. C'est là un des rares progrès que le droit international doit au congrès de Vienne. L'initiative de cette mesure appartient à Guillaume de Humboldt, le représentant de la Prusse au congrès. Traité de Vienne, art. 108: «Les puissances dont les états sont a séparés ou traversés par une même rivière navigable, s'engagent à régler d'un commun « accord tout ce qui a rapport à la navigation de cette rivière. Art. 113: Chaque << état riverain se chargera de l'entretien des chemins de halage qui passent par son << territoire et des travaux nécessaires dans le lit de la rivière, pour ne faire éprouver «<aucun obstacle à la navigation. » La rivière est un lien naturel entre les pays qu'elle traverse; elle n'est pas placée sous la souveraineté absolue d'un seul état; elle suit son cours sans s'inquiéter des frontières politiques. Elle sert à la navigation de tous, aussi loin que la rivière est navigable. En protégeant et en favorisant les relations entre les riverains, on ne fait que se conformer à l'ordre établi par la nature. Il est du devoir de tous les états riverains d'empêcher l'un d'eux de mettre des obstacles à la navigation et de l'obliger à prendre les mesures nécessaires pour en favoriser le développement (par exemple curage du lit, établissement ou entretien de chemins de hâlage, construction d'écluses ou de barrages, etc.).

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La police des rivières et de la navigation fluviale doit être réglée en commun et reposer sur les mêmes principes. Il ne pourra être dérogé à cette règle que pour des motifs exceptionnels.

1. Règlement pour la libre navigation des rivières; traité de Vienne. - Art. 2. «La navigation dans tout le cours de rivières indiquées, et du point où chacune d'elles <devient navigable jusqu'à son embouchure, sera entièrement libre et ne pourra, « sous le rapport du commerce, être interdite à personne, en se conformant toutefois « aux règlements qui seront arrêtés pour sa police d'une manière uniforme pour tous, «<et aussi favorable que possible au commerce de toutes les nations.-Art. 3. Le sys« tème qui sera établi, tant pour la perception des droits que pour le maintien de la « police, sera, autant que faire se pourra, le même pour tout le cours de la rivière et « s'étendra aussi, à moins que des circonstances particulières ne s'y opposent, sur ceux « de ses embranchements et affluents qui, dans leur cours navigable, séparent ou tra<< versent différents états. >>

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Les fleuves et rivières navigables qui sont en communication

avec une mer libre, sont ouverts en temps de paix aux navires de toutes les nations. Le droit de libre navigation ne peut être ni abrogé ni restreint au détriment de certaines nations.

1. Le traité de Vienne a formulé ce principe pour les rivières d'Europe qui traversent deux états ou plus. Art. 109. «La navigation dans tout le cours des rivières <«< indiquées à l'article précédent sera entièrement libre. » Mais les motifs sur lesquels se fonde en Europe la liberté de la navigation fluviale, sont également applicables aux rivières américaines et à toutes les rivières en général. Ce nouveau principe du droit international arrivera donc peu à peu à recevoir une application universelle. On ne saurait même, comme le font les traités de 1815, le restreindre aux fleuves « communs, » c'est-à-dire à ceux qui traversent le territoire de plusieurs états; car on accorde le droit d'y naviguer aux navires de toutes les nations, et non pas seulement à ceux des nations riveraines. Pourquoi les deux ou trois états riverains de ce fleuve seraient-ils tenus d'y laisser entrer tous les navires, quand l'état qui possède tout le cours du fleuve peut en interdire l'entrée aux autres peuples? L'état qui possède tout le cours du fleuve ne peut pas avoir sur ce fleuve plus de droits que les divers états riverains d'un mème fleuve n'en ont sur leur fleuve commun. Quand on va au fond des choses, il n'y a pas plus de motifs pour accorder à toutes les nations la libre navigation du Rhin plutôt que celle de la Tamise ou de la Loire; sinon, on serait forcé d'admettre ce raisonnement absurde, que lorsqu'un fleuve traverse plusieurs états et vient plus tard à faire partie du territoire d'un état seulement, ce dernier a le droit d'en interdire l'entrée aux autres peuples. Le Mississipi était jadis un fleuve commun; il appartient maintenant sur tout son parcours aux États-Unis; le Pò, autrefois fleuve commun, ne sort pas aujourd'hui du territoire italien; ont-ils pour cela changé de nature? La libre navigation fluviale n'a pas pour base le fait que les rives du fleuve sont possédées par des états différents; elle repose sur ce que le fleuve ne fait qu'un avec la mer; or, la mer est ouverte au commerce de toutes les nations; la liberté des mers entraîne donc nécessairement la liberté de la navigation fluviale.

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Il ne pourra être prélevé sur les rivières navigables que les droits établis à titre de contre prestation pour les établissements, constructions et travaux faits par l'État dans l'intérêt de la navigation. Il ne pourra être établi nulle part de droits d'étape, d'échelle, de relâche forcée ou autres prescriptions de nature à entraver la navigation.

1. On a eu beaucoup de peine à faire passer dans le domaine pratique cette conséquence du droit de libre navigation, et à mettre un terme aux abus innombrables qui avaient pris naissance au moyen âge. V. quelques dispositions de détail dans le traité de Vienne, art. 111. « Les droits sur la navigation sont fixés d'une manière invariable, uni«forme, et assez indépendante de la qualité différente des marchandises, pour ne pas rendre nécessaire un examen détaillé de la cargaison autrement que pour cause de fraude ou de contravention. Le tarif une fois réglé, il ne pourra plus être aug

«menté que par un arrangement commun des états riverains, ni la navigation grevée « d'autres droits quelconques, outre ceux fixés dans le règlement. » — Art. 114. « On « n'établira nulle part des droits d'étape, d'échelle ou de relâche forcée. » On comprend que les droits de douane à percevoir sur l'entrée et la sortie des marchandises n'ont rien à voir avec la navigation fluviale et forment un chapitre à part.

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Les lacs font partie du territoire de l'état qui les entoure. Lorsqu'ils sont situés entre plusieurs états, ils sont traités à l'analogue des fleuves et rivières. A moins de conventions spéciales, chaque état étend sa souveraineté jusqu'au milieu du lac. Le droit de naviguer sur le lac est commun à tous les riverains, et lorsque le lac est en communication avec la mer, il est ouvert au commerce de toutes les nations.

1. Un lac n'est en général que l'élargissement du lit d'une rivière. De là l'extension aux lacs des principes appliqués aux rivières, et en particulier le droit accordé à toutes les nations de naviguer sur les lacs qui sont en communication avec la mer. Il est encore plus difficile de fixer exactement le point du lac où l'un des états commence et où l'autre finit; on est en général forcé dans la pratique d'admettre la concurrence des deux souverainetés, ou de tenir compte de la nationalité des embarcations. V. art. 300.

4. De la navigation.

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Les navires sont regardés comme les parties flottantes du territoire de l'état dont ils dépendent, et dont ils sont autorisés à porter le pavillon.

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1. Le droit international admet depuis longtemps le principe que le navire qui quitte le pays auquel il appartient, est une partie flottante du territoire. Il existe en effet un lien naturel et patriotique entre le navire et la terre qu'il quitte; le pavillon en est le symbole. Chaque état sent le besoin de protéger ses navires contre les attaques des ennemis, et d'étendre la puissance de la nation et les ressources commerciales du pays par le moyen de la marine de guerre et de la marine marchande. — Il est donc très-important de déterminer clairement la nationalité des navires. jurisconsultes anglais ont essayé pendant un temps de refuser de reconnaître ces principes à l'égard des navires marchands; on ne pouvait évidemment le faire à l'égard de la marine de guerre, par laquelle l'état affirme directement son existence et sa

Les

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