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et pour tirer d'elle tout le bien qu'elle peut renfermer. En attendant, nous pouvons seulement espérer que, dans l'avenir, elle produira d'heureux résultats et exprimer notre satisfaction de voir qu'enfin la propriété littéraire a été reconnue aux Etats-Unis. » M. Félix Alcan, éditeur d'ouvrages scientifiques, a dit : « Jusqu'à présent, la loi n'a pas encore produit, en ce qui me concerne, de résultats pratiques; mais elle est depuis trop peu de temps en vigueur pour que je puisse dire ce qu'on en peut attendre. » Le comte de Kératry, dont on avait demandé l'avis, a répondu : « La clause de refabrication empêche tous les pays de tirer de la loi un bénéfice quelconque. Il est parfaitement naturel que les Etats-Unis aient désiré protéger les intérêts de leurs imprimeurs contre les éditeurs anglais; mais, en France, la langue étant différente, nos éditeurs ne peuvent nuire en rien aux imprimeurs américains. Cette clause de refabrication a élevé une muraille de Chine qui empêche toute communication littéraire ou artistique entre la France et les Etats-Unis. Pous assurer aux Américains l'impression de peut être trente volumes par an, cette clause détruit le droit de propriété littéraire sur des ouvrages sans nombre. Deux écrivains français seulement ont en vertu de la loi nouvelle, acquis la protection aux Etats-Unis et l'un d'eux est M. Zola. Mais il a eu tant de difficulté pour avoir à temps son manuscrit terminé, en vue de l'édition américaine, qu'il déclare que jamais plus il ne tentera à aucun prix une pareille entreprise. Pour ce qui est des nouvelles d'auteurs français, la nouvelle loi n'a rien fait autre chose que de légitimer la piraterie littéraire; et cela est vrai aussi des pièces de théâtre. J'ai écrit aux Américains, partisans de la protection internationale, pour leur demander de faire modifier cette clause de refabrication. »>

VIII. CIRCULAIRE DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR AUX ÉDITEURS DE MUSIQUE SUR LA SIMULTANéité du dépoT EN FRANCE ET AUX ETATS

UNIS.

« Ministre de l'Intérieur.

Direction de la sûreté générale.

-

3e bureau. Service de l'imprimerie et de la librairie. Paris, le 4 avril 1892. Le directeur de la sûreté générale prie MM. les éditeurs de musique de vouloir bien se concerter avec les imprimeurs pour assurer la simultanéité du dépôt en France et aux Etats-Unis des œuvres musicales dont ils veulent réserver la propriété dans ce pays.

« Il croit devoir, à ce sujet, les prévenir que les œuvres dont il

s'agit doivent, au moment où elles sont déposées au Ministère de l'Intérieur, être accompagnées d'un acte de dépôt signé par l'imprimeur et daté du jour où le dépôt est effectué.

<< Il est surtout essentiel que ces œuvres soient l'objet d'un dépôt distinct et séparé, et que, pour attirer l'attention de service de l'imprimerie et de la librairie, l'acte de dépôt indique qu'elles sont destinées à bénéficier de la loi américaine sur le Copyright.

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L'inscription au registre du dépôt légal de l'œuvre déposée sera faite à la date indiquée sur l'acte de dépôt, à la condition que cette date coïncide avec celle du dépôt lui-même.

« Le directeur de la sùreté générale adresse ces avertissements à MM. les éditeurs de musique, en vue de leur épargner le dommage qu'entraînerait pour eux l'inexécution des conditions de simultanéité prescrites par la loi sur le Copyright. — Le Directeur de la sûreté générale. — N. Soinoury. >>

Chinois. Interdiction du territoire. « On ne veut plus des Chinois dans le pays, et, malgré le traité que les Etats-Unis ont conclu avec la Chine, les fils du Céleste Empire ne seront plus admis dans la Grande République libre, fussent-ils sujets de la reine d'Angleterre, comme les Chinois de Hongkong et de Singapour. Interdira-t-on la Chine aux Américains à titre de représailles? La flotte américaine ne manquerait pas de protester contre un pareil traitement. » (Lettre des Etats-Unis, 7 avril 1892, Cripple Cirque (Colorado), publiée dans les Débats du 27 avril 1892.) Cf. Moore, les Etats-Unis fermés aux Chinois, suprà, p. 388.

Refoulement des étrangers.

Emigration. Les mesures contre les immigrants indiqués, suprà, p. 402, n'ont point paru suffisantes au gouvernement de Washington; le comité judiciaire de la Chambre des représentants vient, en mars 1892, de déposer un rapport favorable sur un projet destiné à restreindre encore le nombre des naturalisations possibles; tout postulant devra résider depuis plus de cinq ans aux Etats-Unis, il devra pouvoir lire la constitution des Etats-Unis et n'être pas anarchiste. D'autre part, M. Foster, secrétaire d'Etat du Trésor, vient de réclamer du Congrès le vote de mesures énergiques pour combattre l'immigration. Tout immigrant qui, dans les deux ans de son arrivée aux Etats-Unis, tomberait à la charge de la charité publique devrait être rapatrié aux frais de la compagnie de navigation qui l'aurait

jadis transporté; tout individu, sur le point de se rendre comme émigrant aux Etats-Unis, devrait subir un examen préalable fait, dans les ports d'embarquement, par des agents spécialement placés sous la direction des consuls des Etats-Unis. V., à ce sujet, Prince de Cassano, Les Etats-Unis et l'émigration, Monde économique du 12 mars 1892.

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France. Commissions rogatoires adressées aux tribunaux français par des tribunaux étrangers (instances civiles et commerciales). (Circulaire du Ministre de la Justice. Paris, le 19 décembre 1891). Monsieur le Procureur général, · La facilité de plus en plus grande des communications, le développement toujours croissant des relations internationales amène, d'année en année, une augmentation sensible du nombre des commissions rogatoires, délivrées en matière civile ou commerciale, et adressées par les tribunaux étrangers aux tribunaux français. Ceux-ci cependant, bien qu'ayant également vu se multiplier les instances dans lesquelles ce mode spécial d'information peut avoir son utilité, en usent rarement, préférant laisser aux parties intéressées le soin de recueillir elles-mêmes les éléments d'une preuve qu'ils les invitent à administrer. Il en résulte pour la justice française un accroissement d'occupations, pour le Trésor français un accroissement de charges, qui, en fait, ne trouvent pas une compensation suffisante dans la réciprocité offerte par les puissances étrangères. Aussi me paraît-il opportun de simplifier, autant que faire se peut, les règles à suivre dans l'accomplissement de ces mandats judiciaires, de manière à le rendre plus aisé pour la justice française, tout en réduisant au strict minimum les dépenses qu'il entraîne; mais, avant d'entrer dans l'examen des mesures qui peuvent être recommandées à ce double point de vue, il n'est pas sans intérêt de préciser l'objet et le caractère des réquisitions auxquelles nos juridictions peuvent être tenues de satisfaire.

I. — Objet et caractère des commissions rogatoires. Les commissions rogatoires qui proviennent de l'étranger ne doivent pas différer en principe, par leur nature, de celles qui peuvent être adressées par un Tribunal français à un autre Tribunal français. Mandats donnés par une autorité judiciaire, à l'occasion d'une instance pendante devant elle, à une autre autorité judiciaire, ils doivent avoir pour but d'effectuer un acte d'instruction, qu'en raison de son éloignement le Tribunal saisi de la contesta

tion ne peut accomplir directement. Il en résulte que la réquisition adressée au juge français doit, par son objet même, et envisagée suivant notre législation, rentrer dans ses fonctions et dans sa compétence.

Tel est bien en effet, le caractère, qu'à défaut d'une définition précise, assignent implicitement aux commissions rogatoires les exemples fournis par le Code de procédure civile, soit dans la disposition générale de l'article 1035, soit dans les dispositions spéciales des articles 121, 255, 266, 305, 326, 412 et 428.

D'ailleurs, ainsi que la jurisprudence a eu l'occasion de le constater, l'énumération que contient l'article 1035 est purement énonciative; elle sert uniquement à déterminer la portée et le sens de la formule finale : «...Quand il s'agira de faire une opération quelconque en vertu d'un jugement, et que les parties ou les lieux contentieux seront trop éloignés. » C'est ainsi qu'outre les réceptions de serment ou de caution, les enquêtes, les interrogations sur faits et articles, les nominations d'experts, on range sans diffi-culté, parmi les opérations pouvant faire l'objet d'une commission rogatoire, bien que non comprises dans l'énumération donnée par la loi, les descentes sur les lieux, les vérifications de pièces. Il faut et il suffit que l'opération ordonnée conserve le caractère d'une mesure d'instruction à accomplir par le juge, caractère commun des diverses informations prévues dans les textes précités. Elle cesserait de pouvoir être exécutée par voie de commission rogatoire, si elle prenait le caractère d'une mesure d'exécution, ou si elle était de nature à être accomplie directement par les parties intéressées elles-mêmes, sans qu'un acte de la fonction du juge fût nécessaire.

Semblables dans leur nature aux commissions rogatoires échangées de tribunaux français à tribunaux français, les commissions rogatoires provenant de l'étranger s'en distinguent en ce qu'elles n'émanent pas d'une autorité judiciaire relevant de la même souve'raineté territoriale que l'autorité judiciaire commise et, par suite, elles ne sont exécutées en France, du moins en l'absence de traités, qu'à titre purement bénévole et sous la réserve de mesures de réciprocité, qui nous sont offertes et que nous sommes autorisés à réclamer. L'autorité judiciaire française déléguée pourrait donc, dans la rigueur des principes, refuser de déférer à la délégation, sans commettre de déni de justice qu'elle commettrait si la commission rogatoire émanait d'un Tribunal français.

Dans ce même ordre d'idées, le mode d'exécution de ces mandats judiciaires peut demeurer subordonné, tant au fond que dans la forme, à des règles particulières, et une question se pose tout d'abord le juge français, qui reçoit une commission rogatoire étrangère, est-il tenu, pour la validité même des opérations qui lui sont confiées, de suivre rigoureusement les prescriptions de la lor française ? Peut-il, au contraire, notamment lorsque la demande en est faite par le juge étranger, adopter les formes édictées par la loi étrangère ?

J'estime, Monsieur le Procureur général, qu'en principe le juge français doit, pour l'exécution du mandat judiciaire étranger, se conformer aux prescriptions de la loi française; telles étaient les anciennes instructions que donnait mon département elles s'appuyaient sur le principe bien connu du droit international privé, dont nos lois civiles contiennent plusieurs applications, et d'après lequel la forme des actes est régie par la loi du pays où ils sont passés. Cependant je ne vois point d'inconvénient à ce que les juges français suivent certaines formes indiquées par la loi étrangère, lorsque les magistrats étrangers en expriment le désir, toutes les fois du moins que leur demande n'est pas en contradiction avec nos lois et nos usages judiciaires. L'exécution des commissions rogatoires soulève parfois, en effet, des questions de fond, à l'égard desquelles l'application de la loi étrangère peut être considérée comme juridiquement nécessaire. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne le serment déféré à l'une des parties. Il paraît rationnel qu'il soit prêté suivant la formule prescrite par la loi étrangère, lorsque la réquisition du Tribunal étranger, contient une mention expresse sur ce point. Ce sont là d'ailleurs des questions à l'égard desquelles je dois me borner à ces simples indications il appartient aux tribunaux de les trancher conformément à leur propre appréciation, en s'attachant, dans le silence de la loi française, aux principes généraux du droit.

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II. Divers modes de communication des commissions rogatoires

Nos cours et tribunaux peuvent être saisis de diverses manières des réquisitions qui leur sont adressées par les juges étrangers. Assez fréquemment les commissions rogatoires provenant d'un pays étranger sont portées à leur connaissance par la requête d'officiers ministériels, directement choisis par les parties intéressées pour assurer leur exécution. Rien ne s'oppose à ce que nos juridictions donnent satisfaction à ces requêtes. Telle est bien, en

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