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plus, il peut prétendre à une indemnité, telle qu'elle est fixée par l'article 555, in fine (argument des articles 856 et 857; Dur., no 377).

Quid, si le possesseur a été de mauvaise foi ? Comme il doit restituer les fruits, le propriétaire peut imputer leur valeur sur le prix des matériaux et de la main-d'œuvre qu'il doit rembourser au possesseur (ff. de rei vindic., 1. 48 et 65).

Quid, s'il est certain que le possesseur a employé les fruits à faire des constructions? Cela ne change en rien la position du possesseur : s'il eût consommé les fruits, il en aurait bénéficié; son patrimoine s'en serait accru: l'équité ne permet pas qu'il éprouve une perte, parce qu'il a fait des deniers un emploi qui améliore le fonds.

Accession résultant du voisinage d'un fleuve ou d'une rivière.

Les propriétés qui bordent les eaux courantes ont des limites variables; elles s'étendent ou se restreignent, suivant que le cours d'eau gagne sur la rive opposée ou s'en éloigne; de plus, elles se trouvent soumises à des dégradations imperceptibles, il est vrai, mais qui ne sont pas moins réelles : nul, assurément, ne saurait se plaindre d'un tel résultat, car il ne provient point du fait de l'homme; mais le législateur a dû balancer par quelques avantages ces inconvénients. Telles sont les considérations qui ont dicté les articles que nous allons parcourir.

556-Les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluvion.

L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve et d'une rivière navigable, flottable ou non; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage(1), conformément aux règlements.

= On nomme alluvions, les atterrissements, les amas de terre qui se forment successivement et imperceptiblement, par parcelles, sur les

(1) Inutile: quand même il n'y aurait pas eu d'alluvion, le propriétaire ne serait pas moins tenu de laisser le chemin de halage.

On appelle chemin de halage, le terrain qui sert, sur le bord des rivières, au tirage des ba

teaux.

La largeur que doit avoir le chemin est déterminée par une ordonnance de 1669, confirmée par un décret de 1809. La largeur est de 8 mètres pour chemin et trait des chevaux, sans que les propriétaires puissent planter arbres ni tenir clôture où haie plus près que 10 mètres du côté que les bateaux se tirent, et 3 mètres 33 centim. de l'autre bord. (Art. 7.)

En droit, on nomme rivières navigables celles qui portent bateau (ord. de 1669, art. 41);— et flottables, celles qui, par la disposition des lieux, peuvent être utilisées pour le commerce de bois. Tous les fleuves et toutes les rivières navigables ou flottables font partie du domaine public; mais comme ce privilége n'est conféré à l'État que pour les besoins de la navigation, il nė commence qu'à partir du point où le cours d'eau devient navigable ou flottable: alors, il s'étend jusqu'à l'embouchure du fleuve; c'est à l'autorité administrative qu'il appartient de statuer à cet égard.

bords des fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière (incrementum latens), et qui adhèrent au terrain (1).

Ainsi l'accroissement par alluvion suppose que nul ne peut établir un droit de suite sur le terrain; que ce terrain ne présente pas un corps reconnaissable.

L'alluvion profite, par droit d'accession, aux propriétaires riverains. Il n'y a pas lieu de distinguer si le lit du fleuve ou de la rivière appartient ou non à l'État; car le même motif, qui est de compenser par quelques avantages les inconvénients auxquels on est exposé par le voisinage d'un cours d'eau, existe dans l'un et l'autre cas.

Le propriétaire riverain, disons-nous, profite de l'alluvion: toutefois, lorsqu'il s'agit d'une rivière navigable ou flottable, notre article lui impose la charge de laisser le marchepied ou chemin de halage.

Mais il n'a pas moins la propriété du terrain; l'État n'en jouit qu'à titre de servitude légale, et seulement pour les besoins de la navigation (art. 650); en sorte que le propriétaire pourrait interdire l'accès du chemin même aux promeneurs.-Si la rivière vient à se retirer, le droit de servitude s'évanouit aussitôt; mais alors le propriétaire doit laisser un chemin nouveau, qui se prend sur le terrain nouvellement abandonné par la rivière.

Inutile de dire que cette servitude légale ne met point obstacle à l'acquisition par alluvion, puisque le riverain conserve la propriété du terrain (2).

Par suite du même principe, on décide que si la rivière est longée par un chemin public, l'alluvion doit profiter soit à l'État, soit au département, soit à la commune, suivant le classement du chemin (3).

Il faut étendre l'application de cette règle au cas où le courant a déposé sur un champ, par l'effet d'une crue, des terres qui ne peuvent plus en être séparées : il y a même raison (4).

557 - Il en est de même des relais que forme l'eau courante qui se retire insensiblement de l'une de ses rives en se portant sur l'autre le propriétaire de la rive découverte profite de l'alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu'il a perdu.

Ce droit n'a pas lieu à l'égard des relais dé la mer.

Les relais profitent aux propriétaires riverains, même lorsque la rivière est navigable ou flottable.

(1) Proudhon, t. 4, no 128; Chardon, Alluvion, no 52; Cass., 2 mal 1826, Dev., 1827, 1, 247; D. P., 1826, 1, 273; Bourges, 27 mai 1839, Dev., 1840, 2, 29; Pal. 1840, 2, 466.

(2) Toulouse, 26 novembre 1812, Dev. Pal.; Montpellier, 5 juillet 1853, Dev., 1834, 1, 120. (3) Chardon, no 159; Garnier, no 249; Daviel, nos 130 et 135; Proudhon, Dom. public, t. 4, no 1371; Zach., p. 426; Cass., 16 février 1836 et 9 janvier 1829; Toulouse, 12 décembre 1852, Pal. Dev., 1833, 1, 5; D. P., 1833, 1, 102; 16 février 1836, Dev., 1836, 1, 405; D. P., 1836, 1, 103, 2 mai 1833, Pal.; 9 juillet 1838, Pal., 1858, 2, 175; Paris, 2 juillet 1831, Pat.; Cass., 2 mai 1835; Douai, 30 avril 1832, Pal. Dev.

(4) Pothier, Du domaine, no 165; Dur., t. 4, no 417; Zach., p. 426.

On désigne ainsi les portions de terrain que l'eau a laissées à découvert, soit par l'effet de la diminution de son volume, soit parce qu'elle s'est retirée insensiblement d'une rive pour se porter sur l'autre.

Il ne faut pas confondre les relais avec les lais. - Les lais sont des alluvions proprement dites, c'est-à-dire des amas de terre formés insensiblement sur les bords par la vase ou par le sable.

La condition que l'eau se soit retirée insensiblement, est le caractère distinctif des relais : si la rivière s'était formé subitement un nouveau cours, le propriétaire des terres couvertes prendrait à titre d'indemnité le lit abandonné (565).

A l'égard des relais de la mer, ils appartiennent à l'État (538), de même que les rivages.

558- L'alluvion n'a pas lieu à l'égard des lacs et étangs, dont

le propriétaire conserve toujours le terrain que l'eau couvre, quand elle est à la hauteur de la décharge de l'étang, encore que le volume de l'eau vienne à diminuer.

Réciproquement, le propriétaire de l'étang n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires.

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On appelle lac, un amas d'eau qui se forme par la disposition naturelle des lieux, et qui se conserve dès lors perpétuellement.

On nomme étang, un amas d'eau qui est retenu par une chaussée ou digue, et dans lequel on nourrit du poisson.

Comme l'eau peut recevoir accidentellement une hauteur qui dépasse toutes prévisions, on pratique ordinairement une ouverture pour laisser échapper le trop-plein: cette ouverture est ce qu'on nomme la décharge. La propriété de l'étang ou du lac se trouve limitée par la hauteur de la décharge.

Par suite on décide :

1° Que l'alluvion n'a pas lieu à l'égard des lacs et étangs d'ailleurs, il ne s'agit point ici d'eaux courantes, susceptibles de s'éloigner d'un côté et de s'étendre de l'autre (1);

2o Que le lit de ces amas d'eau, jusqu'à la hauteur déterminée, est imprescriptible (2): on ne peut dire, en effet, que le propriétaire ait cessé de posséder ce terrain.

559-Si un fleuve ou une rivière, navigable ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnais

(1) Cass., 23 avril 1811, Dev. Pal.

(2) Daviel, Cours d'eau, t. 2, nos 813 et 814; Toullier, no 159, t. 3; Carré, Justice de paix, t.

no 1498; Nancy, 20 mars 1826, Dev. Pal.; 11 mai 1833; Dev., 1836, 1, 55; Dal., 1835, 1, 369;,

Cass., 9 novembre 1841, 1, 821; D. P., 1841, 1, 377; Pal., 1842, 1, 51.

sable d'un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée, le propriétaire de la partie enlevée peut réclamer sa propriété; mais il est tenu de former sa demande dans l'année après ce délai, il n'y sera plus recevable, à moins que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n'eût pas encore pris possession de celle-ci.

= Les règles de l'acquisition par alluvion sont fondées sur l'impossibilité où l'on se trouve de savoir aux dépens de qui l'accroissement s'est opéré; elles ne concernent pas le cas où les terres auraient été enlevées tout à coup, et portées vers un champ inférieur ou sur la rive opposée : la loi laisse au propriétaire de ces portions de terrain le droit de les réclamer, pourvu qu'elles soient reconnaissables.

Mais comme cette propriété est empreinte d'un caractère tout particu lier d'incertitude, il a paru convenable de fixer un délai fort court, après l'expiration duquel l'action du propriétaire dépossédé ne serait plus admise ce délai est d'une année; il court à partir de l'enlèvement. «Un plus long temps, a dit le rapporteur, prolongerait l'incertitude du nouveau possesseur, ce qui nuirait à l'agriculture.

:

Remarquons, surtout, qu'il ne s'agit ici ni d'usucapion, ni d'une prescription extinctive; mais d'une simple déchéance on ne doit donc pas considérer l'époque à laquelle le propriétaire inférieur, ou celui de la rive opposée, a pris possession du terrain enlevé; par cela seul que le fait existe, l'action se trouve éteinte quand une année s'est écoulée depuis l'enlèvement.

Le juge est appréciateur des circonstances qui constituent la prise de possession (Zach., p. 427).

560 - Les îles, ilots, atterrissements, qui se forment dans le lit des fleuves ou des rivières navigables ou flottables, appartiennent à l'État, s'il n'y a titre ou prescription contraire.

=

Les îles, ilots et atterrissements sont des exhaussements partiels du terrain; ils doivent, dès lors, appartenir au propriétaire de ce terrain.

Mais ces exhaussements ne font point partie du domaine public, puisqu'ils ne sont point affectés à un service public notre article les attribue à l'État ; il prend même soin de les déclarer aliénables el prescriptibles.

561 -Les iles et atterrissements (1) qui se forment dans les rivières non navigables et flottables, appartiennent aux pro

(1) Le mot atterrissement exprime ici un commencement d'île, un point de terrain qui sort des

priétaires riverains du côté où l'ile s'est formée; si l'île n'est pas formée d'un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière (1).

=

Le lit des rivières non navigables et non flottables appartient aux propriétaires riverains (voyez toutefois infrà, quest.); dès lors, les îles, îlots et atterrissements qui se forment dans ces rivières, doivent leur appartenir : ils sont censés recouvrer l'usage d'une partie de leur propriété.

Si l'île se trouve d'un seul côté, elle appartient au propriétaire riverain de ce côté; si elle s'est formée au milieu de la rivière, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière, et à chacun suivant le front que chaque héritage présente au rivage: on ne prend pas en considération la profondeur du fonds riverain.

Le partage doit se faire eu égard à l'étendue de terrain que l'eau couvre lorsqu'elle est parvenue à une hauteur moyenne.

-L'application de notre article ne souffre pas de difficultés lorsque les rives sont parallèles: mais si les rivières ont des sinuosités, de quelle manière tirera-t-on la ligne au milieu de la rivière? Quels que soient les tours et détours de la rivière, il faut supposer une foule de lignes dans le cours de l'eau; en prenant ensuite le milieu de chacune de ces lignes, qui couperont le courant de l'eau à à angles droits, on trouvera le milieu de la rivière.

:

Le lit des rivières qui ne sont ni navigables ni flottables fait-il partie du domaine de l'Etat? Des autorités graves sont encore aujourd'hui divisées sur cette question d'une part, on raisonne ainsi : suivant plusieurs coutumes, le lit des cours d'eau appartenait aux seigneurs hauts justiciers, comme dépositaires d'une partie de la puissance publique : or, l'État succéda aux seigneurs par l'effet des lois de 1789 et de 1792, et les lois nouvelles n'en ont point attribué la propriété aux riverains; donc ces rivières sont restées dans le domaine de l'État.-Les articles 557 et 563 viennent à l'appui de ce système : le premier attribue au propriétaire voisin une portion du lit abandonné, sans attribuer aucune indemnité au propriétaire du terrain envahi; le deuxième attribue l'ancien lit, à titre d'indemnité, aux propriétaires des fonds envahis: or, si les riverains étaient propriétaires du lit des rivières, ce serait à eux qu'appartiendrait de droit le terrain abandonné. On conçoit bien que le législateur concède, à titre d'indemnité, ce qui appartient à l'État; mais il ne peut concéder ainsi des choses qui appartiennent à des particuliers: en disposant du lit abandonné, il reconnaît donc implicitement que ce lit appartient à l'État. On trouve un nouvel argument dans un avis du conseil d'État du 28 pluviôse an XIII: cet avis, tout en reconnaissant le droit de pêche aux riverains, porte qu'ils perdent ce droit lorsque le cours d'eau est rendu navigable ou flottable, et cela sans indemnité : or, une indemnité leur serait nécessairement due, s'ils étaient propriétaires du lit de

(1) Article incomplet: il ne dit pas comment on partagera l'île entre les propriétaires qui se trouvent du même côté.

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