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rables membres ne voudroient pas gouverner avec une indépendance entière des journaux. On dit que les journaux sont les échos de l'opinion. A quelle époque l'ont-ils été? Durant les cent jours n'ont-ils pas fatigué de leurs éloges l'usurpateur du trône de ses maîtres? Ils étoient esclaves alors, mais de leurs intérêts (1).

Le 16 décembre, on a passé à l'ordre du jour, au commencement de la séance, sur plusieurs pétitions, entr'autres sur celle d'une dame Corbel, qui demandoit qu'on fit en sa faveur une exception à la loi qui abolit le divorce. M. de la Bourdonnaye a pris la parole pour la discussion sur la liberté de la presse. Il s'est moins occupé du fond du projet, que de sa justification et de celle de ses amis, à l'occasion de ce que M. le ministre de la police avoit dit la veille contre M. de Villèle. Unis par les mêmes principes, a-t-il dit, attachés par nos sermens au Roi, à la légitimité, à la Charte, nous n'avons pas besoin de nous entendre pour suivre la même ligne. Qu'on cesse, après tous nos sacrifices, de nous accuser de vues personnelles ou d'ambition. L'o-' rateur a cru trouver dans la publication impunie de quelques ouvrages la preuve d'une mauvaise direction suivie par l'autorité. Il a nommé les Observations sur l'Histoire de France, les Lettres normandes, de l'Industrie, le Paysan et le Gentilhomme, comme propres à égarer l'opinion, et à exciter des haines, et s'est étonné de leur circulation publique. Il s'est plaint de l'éclat stérile du procès de MM. Comte et Dunoyer, et des attaques insérées dans les journaux contre une partie de la chambre de la nation. L'orateur a voté le rejet de la loi. M. RoyerCollard, qui lui a succédé, a, dans un long discours, insisté sur ces deux points, la provocation indirecte dont il a cherché à bien spécifier la nature, et le jugement par jurés pour lequel il s'est fortement déclaré. Il a voté pour le projet avec les amendemens de la commission, et avec l'établissement du juri. M. Caumartin s'est prononcé contre la loi, où il trouve trop d'entraves à la liberté; il applaudit au juri; mais il croit que ce seroit un vain remède si on laissoit subsister les premiers articles de la loi. M. de Courvoisier soutient le projet, et combat les adversaires qui le repoussent par différens motifs. Il a vu inême dans ces contradictions opposées un préjugé favorable à la loi. It a répondu à ceux qui allèguent toujours l'Angleterre, comme si ses usages et ses lois devoient nous servir de règle en tout. Enfin, il a justifié les différentes parties du projet, et entr'autres l'article des journaux.

Le 17, M. Paccard a parlé contre la loi; il l'a considérée comme contraire à la Charte, qui ne parle pas de prévenir, mais de réprimer les abus de la presse. Il a vu dans le jugement par juri la seule garantie d'un droit sacré, et dans la liberté des journaux un droit inhérent au gouvernement représentatif. Ce discours fini, quelques personnes demandent la clôture de la discussion; elle continue. M. Boin' rend hommage aux vues des ministres; mais il trouve la loi trop rigoureuse, et ne l'adopte qu'avec un amendement, portant qu'elle n'aura

(1) Ne nous sera-t-il pas permis de réclamer, pour notre compte, contre la généralité de cette proposition? Nous ne nous montrâmes point alors esclaves de nos intérêts, nous gardâmes le silence.

d'exécution que jusqu'au 1er janvier 1820, et qu'il sera dans l'intervalle présente une loi pour établir le juri. M. Lafitte monte à la tribune. M. Blanquart-Bailleul reproche au président de ne donner la parole qu'à des orateurs contre, M. le président répond qu'il suit l'ordre de l'inscription, et qu'il ne dépend pas de lui de tracer aux orateurs leurs discours. M. Blanquart-Bailleul se plaint que des orateurs, qui s'étoient inscrits pour la loi, parlent contre. Il ne leur donnera pas de cause à défendre, et ils n'ont de remerciment à recevoir que des adversaires de la loi. M. Lafitte prend la parole. Il voit la liberté de la nation intéressée dans cette discussion; il réclame ses droits les plus chers, et plaide pour l'indépendance des journaux, comme la seule garantie contre l'arbitraire et contre les erreurs des ministres. Après ce discours, on demande encore la clôture de la discussion; mais M. Lainé de Villevêque est encore entendu. Il a conclu à l'adoption du projet, en réduisant à un an la surveillance du gouvernement sur les journaux. Le 18 décembre, M. d'Argenson a pris la parole sur la liberté de la presse, et s'est plus attaché aux accessoires qu'au principal, les ministres, a-t-il dit, lui en ayant donné l'exemple. Il s'est plaint des efforts que l'on fait pour paralyser le zèle de la chambre, et l'empêcher de s'occuper des besoins du peuple. On a proposé des enquêtes qui ont toujours été écartées. Nous attendrons long-temps avec une patience exemplaire une loi de responsabilité des ministres. Si l'on vous conjure d'insérer dans l'adresse une seule ligne sur l'occupation du territoire sur l'admission des corps étrangers dans notre armée, sur les lois d'exceptions, sur les impôts, vous êtes bien vite détournés de toucher à ces objets. On vous arrête également lorsque vous voulez parler de la famine, et vos rapports sur les pétitions sont devenus aussi fastidieux qu'inutiles L'orateur, après avoir énuméré d'autres abus, vote contre le projet; il a néanmoins invoqué le jugement par juri. M. Figarol fait valoir en faveur de la loi plusieurs des motifs déjà exposés par les orateurs du gouvernement. M. Benoit a traité deux points, le juri et les journaux, il a proposé quelques vues pour l'amélioration du juri, et a regardé les journaux comme offrant une opposision utile sous un gouvernement libre. Il a fini par rejeter la loi. M. de la Boulaye l'adopte au contraire avec un amendement, portant qu'elle cessera d'avoir son effet à la fin de 1818. M. Corbières trouve notre législation fort incomplète sur la presse; il en détaille les inconvéniens, et sollicite le juri. Cet amendement n'a, selon lui, rien qui ne puisse être justifié par le droit et par des exemples. L'opinion publique, dont on a parlé assez légèrement, méritoit d'être plus respectée, et le ministre, tout en parlant des journaux comme de misérables gazettiers, n'a pas dédaigné de se mettre à leur tête. L'orateur a examiné quelques autres propositions du discours du ministre de la police, et a voté. contre la loi. M. le ministre de l'intérieur a parlé contre la théorie des amendemens en général, et contre l'amendement sur le juri en particulier, qui ne doit être l'objet que d'une loi spéciale. M. Tronchon a la parole contre le pro et; mais il n'attaque que l'article 27 sur les, journaux, et paroît approuver les autres. On demande de toutes parts. la clôture de la discussion; néanmoins M. Morisset sera encore entendu.

(Mercredi 24 décembre 1817.)

(No. 352.)

Quelques réflexions sur le Concordat.

On ne nous accusera pas sans doute d'être des ennemis du nouveau Concordat. Nous en souhaitons ar¬ demment l'exécution; nous avons répondu, depuis quelque temps, aux attaques lancées de différens côtés contre cette transaction import inte; nous avons examiné les griefs qu'on lui reproche, et nous nous sommes convaincus que les plaintes de ses adversaires prenoient leur source, ou dans l'amour propre blessé, ou dans l'esprit de schisme et d'opposition. La convention dų 11 juin, souscrite par les ministres des deux puissauces, et ratifiée ensuite par le chef de l'Eglise et par le Ror, doit être notre règle. Nous la regardons comme une chose conclue, comme la base sur laquelle on va res lever l'église de France, comme l'espérance de la religion, et nous faisons des voeux pour qu'aucun obstacle ne s'oppose à son exécution prochaine et entière. Mais c'est ce sentiment même qui nous feroit voir avec peine des dispositions dont quelques consciences seroient alarmées, et qui nuiroient au bien que nous nous promettons du Concordat. L'intention du gouvernement est incontestablement de réunir les esprits, et d'éviter tout ce qui pourroit être un sujet d'inquiétude pour les amis de la religion, un prétexte aux plaintes des eunemis de la paix. C'est dans cette vue que nous croyous pouvoir présenter quelques observatious sur un ou deux articles du projet de loi; par cela seul que ce n'est encore qu'an projet, il est susceptible de discussion. Une fois adopté, nous garderons le silence. Il ne l'est pas, il va être examiné par les chambres, il pourra y subir quelques amendemens; et si des auteurs, que nous ne voulons pas prendre pour modèles, ont attaqué une convention arrêtée, Tome XIV. L'Ami de la Religion et du Ror. N

un traité conclu, on ne sera pas surpris que nous hasardions des réflexions sur un projet qui est encore dans le domaine des choses éventuelles, et que le gouvernement lui-même peut encore modifier. Nous espérons du moins qu'on ne nous accusera pas de nous être écartés de la réserve et de la mesure convenables dans un tel examen, et dont nous nous sommes fait une règle.

Le 1er article de ce projet porte que, conformément au Concordat passé entre François I. et Léon X; le Ror seul nomme, en vertu du droit inhérent à sa couronne, aux archepéchés et évéchés dans toute l'étendue du royaume. Cette rédaction a-t-elle bien la précision qu'on doit désirer dans une loi? Si c'est conformément au Concordat que le Roi nomme aux évêchés, ce n'est done pas en vertu d'un droit inhérent à sa couronne, ou si e'est en vertu de ce droit, ce n'est pas conformément au Concordat. L'un exclue l'autre, Loin de dire dans le Concordat que le Pape reconnoissoit au Ror le droit inhé rent de nommer, la nomination y est présentée comme. une concession du Pape pour François Ier. et pour ses successeurs. Ce Prince étoit si peu persuadé que la no mination des évêques fut un droit de sa couronne, qu'il dit, dans le préambule du Concordat, qu'il souhaitoit le rétablissement des élections. Aussi ce droit, qu'on suppose au Roi, est une opinion fort récente. Si c'étoit un privilége attaché à la souveraineté, il eut appartenu à tous les princes, il auroit appartenu aux empereurs romains, il appartiendroit aujourd'hui aux princes séparés de la communion de l'Eglise, au Grand-Seigneur même pour les églises de Turquie et d'Asie. Il n'y a pas moins de raison pour eux que pour les autres. Un prince, en se faisant catholique, n'acquiert aucun nouveau droit dans l'Eglise. Les défenseurs éclairés des libertés de l'église gallicane n'y ont jamais fait entrer ce droit de no mination. On nous citera Pithou, Dupuy, Durand de Maillanne; mais quelques avocats ne forment point l'opi nion de l'église de France. L'opposition qu'a éprouvée

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long-temps le Concordat, prouve assez que le clergé ne reconnoissoit point la nomination aux prélatures comme une prérogative essentielle de la royauté. Le rédacteur' des Mémoires du Clergé, tout avocat et tout janséniste qu'il étoit, n'a parté de la nomination que comme d'une concession de l'Eglise. Il fait même une remarque qui prouve combien cette nomination du Ror souffrit des difficultés. Il étoit dit, à la vérité, dans la bulle de Léon X, titre IV: De Regiá nominatione ad præla. turas, que le Roi nommeroit aux églises; mais le Pape ajoutoit ensuite qu'il n'entendoit point par-là préjudi-" cier aux chapitres qui avoient obtenu du saint Siége le privilége d'élire leur évêque. Cette exception sembloit détruire la concession précédente, et les chapitres prétendoient tous avoir des priviléges. Le Roi et les cha pitres nommoient donc, chacun de leur côté, et les an-¡ ciennes dissentions recommençoient. Pour les faire ces->

François Ier, n'invoqua point le droit inhérent à sa couronne; il s'adressa au Pape, qui étoit alors Clé-1 ment VII, et qui lui accorda, mais pour sa vie seule➡) ment, la suspension du droit des chapitres. Quatre papes, successeurs de Clément VII, ont renouvelé cet indult.. Aussi on estima, dit l'auteur des Mémoires du Clergé, qu'après une concession lant de fois réitérée, les nominations de nos Rois avoient passé en droit ordinaire. Lel Merre ne tenoit donc pas pour le droit inhérent.

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Bossuet n'a jamais pensé qu'un tel droit fit partie de nos libertés. Il connoissoit trop bien, et l'histoire de l'antiquité, et les bornes de l'autorité temporelle, pour lui attribuer une prérogative si importante, et on në trouve› rien dans ses ouvrages qui n'y répugne. Un autre défen. seur de nos libertés, le célèbre abbé Fleury, qui a eu occasion de traiter ce point dans son Discours sur les libertés de l'église gallicane, s'explique encore plus nettement. La nomination du Roi, dit-il, n'a donc› autre fondement légitime que la concession du Pape," autorisée du consentement tacite de toute l'Eglise. Ce Na

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