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l'affirmoient les stoïciens, il est évident que ce royaume est le royaume de Dieu, le trône du ciel, auquel nous sommes tous appelés, d'après les maximes répandues d'un bout à l'autre de l'Evangile. Et parce que J. C. n'est pas entré ici dans un détail fort long sur les biens du ciel et les terreurs de l'enfer, voilà que l'on déclare hardiment que l'auteur de notre religion, cet homme éminemment divin, comme dit M. Jarry lui-même, n'a pas prétendu établir le dogme de l'immortalité. Quelle force de raisonnement! Il est probable que M. Jarry seroit mal accueilli du malheureux qui à grande peine peut obtenir ce pain quotidien qu'il demande, s'il alloit lui déclarer que pourtant c'est-là le seul bonheur auquel il doit tendre, et qu'après être mort de misère ici bas, il n'â` pas d'autre royaume à espérer; tout comme le riche superbe et l'heureux du siècle verra finir son règne de la terre, sans devoir compte à qui que ce soit de sa rapine et de ses injustices. Voilà, je l'avoue, une doctrine bien morale et bien consolante, et le christianisme entendu de cette façon, est une chose toute nouvelle.

Je ne dis rien de la nature de l'ame, que M. Jarry veut bien appeler instinct, comme celle de la terre, de la lune, des grenouilles et des chauve-souris. Permis à chacun de se confondre avec les brutes et la matière. M. Jarry voudra bien nous permettre, à nous autres pauvres chrétiens, qui n'entendons pas comme lui notre religion, de nous croire un peu plus de dignité, un peu plus d'élévation. L'instinct de l'homme, l'instinct de Corneille ou de Bossuet, par exemple, mis sur la même ligne que l'instinct des huîtres et des champignons, cela est tout-à-fait original. M. Jarry nous promet avec ce systême, avec la religion chrétienne expliquée de cette façon, le renouvellement de la face de la terte; les trônes vont être affermis, les peuples fort heureux, et toutes les vertus vont renaître comme aux premiers siècles du christianisme. C'est par ce systême qu'il prétend détruire l'atheisme et l'impiété. Ce sontses paroles, et il termine par cette énergique exclamation: Que l'oraison dominicale soit donc dès ce moment et pour toujours le fondement de notre croyan e, la règle de notre conduite, le gage de notre soumission et la garantie de notre sécurité. Cela ressemble tant soit peu aux gens qui montent à une tribune en annonçant qu'ils vont parler pour une loi, et qui finissent par voter contre. En tout cela, il faut s'entendre, et nous entendons fort bien M. Jarry: la morale de l'Evangile lui fait bien quelque plaisir, mais il y voudroit des amendemens. Au reste, il faut lui rendre la justice due à tous les philosophes : il a dit du mal des prêtres et du pape, et c'est de cette façon qu'il parviendra, à ce qu'il croit, à rétablir cette religion chrétienne, qui, dit-il, fera prende une nouvelle face à l'Europe, et rendra à l'artre social la sève dont il est dépourvu. Tous les faiseurs de systême en sont là, et promettent monts et merveilles. Mais à quoi aboutissent leurs belles phrases et leurs promesses fastueuses? Ils ne font pas éclore une bonne euvre, et un simple prêtre qui a l'esprit de son état, et qui parle au hom de Dieu, fait plus de bien réel en un jour, que ces rêveurs n'en feront, dans la suite des siècles, avec leurs grands mots. Sunt Verba et voces, prætereà que nihil.

L. S. L.

(Mercredi 7 janvier 1818.)

(No. 356.)

Examen du pouvoir législatif de l'Eglise sur le mariage, où l'on relève quelques-unes des erreurs du livre intitulé: Principes sur la distinction du contrat et du sacrement de mariage; avec une Dissertation sur la réception du concile de Trente dans l'église de France (1).

SECOND ARTICLE.

Nous n'avons presque fait, dans notre premier article sur cet ouvrage, qu'y considérer la réfutation des erreurs de M. T., et sans doute l'Examen mérite des éloges sous ce point de vue. On y sape par la base le systême fragile et nouvean construit par l'ancien oratorien, Peut-être cependant n'est-ce pas là le mérite principal de l'Examen. Cette Dissertation, quelque courte qu'elle soit, aura encore une utilité plus grande et plus durable. C'est que l'anteur y pose des principes qui doivent survivre aux erreurs et aux subtilités modernes; c'est qu'il y démêle ce qu'il y a de plus difficile et de plus abstrait dans une question qu'il est cependant important de connoître, puisqu'elle embrasse une foule de cas qui se renouvellent à chaque instant dans la pratique. La théologie a ses épines, comme toutes les autres sciences, et on doit des remercîmens à celui qui en applanit les routes, et qui en rend l'accès plus facile."

(1) Vol. in-8°. ; prix, 4 fr. et 5 fr. franc de port. A Paris, chez Adrien Le Clere, au Bureau du Journal.

Tome XIV. L'Ami de la Religion et du Ror, R

Un des endroits de l'Examen, qui paroîtra plus satisfaisant aux connoisseurs, est celui où, entrant plus avant dans la nature du contrat, l'auteur propose et résout les questions suivantes: 1°. Qu'est-ce que le contrat de mariage? 2°. Le contrat de mariage est-il distingué et séparé du sacrement? 3°. Le sacrenient peut-il être séparé du contrat, comme le contrat du sacrement? 4o. Supposé què le contrat et le sacrement soient distingués dans la théorie, peut-on les séparer dans la pratique? 5o. Qu'est-ce que l'empêchement diriment? 6°. Est-ce sur le contrat ou sur le sacrement que frappe l'empêcheinent dirimem ? L'auteur n'a pas niis plus de 50 pages à résoudre ces questions, dont ceux qui ont étridié la matière sentiront toute Fimportance, et dont les applications dans la pratique son infinies. It les a résolues avec une clarté et une précision qui les mettront à la portée de tous les esprits, et ik wiêlé hubitement aux considérations abstraites des exemples qui les rendent sensibles pour tout le monde, Ou en jugera par le passage suivant, que nous sommes forces d'abréger: "buddinp as e

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«Qu'est-ce que le mariage? C'est un contrať paturel qui a pour objet l'union légitime, maritale et perpéTuelle d'un homme avec une femme : je dis uit contrat naturel; les novaleurs l'ont défini un contrat eivik, et ils spéculent beaucoup sur cette définition. On sait le grand parti que les sophistes savent tirer des mots ambigus, pour servir l'erreur. Les définitions équivoques et à double sens sont aux lecteurs, ce que sont aux yoyageurs les feux errans de la nuit. Le sophiste fait marcher en avant sa fausse définition, comme une lumière trompeuse que l'on suit sans méfiance; après qu'ou l'a adoptée comme un principe, on en suit, dis-je, les fausses lueurs, jusqu'à ce que le vice des résultats.aver

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tisse de la fausseté des principes, et découvre la profondeur de l'abîme où l'on s'engage. Le mariage est un contrat civil: l'Eglise ne peut rien en matière civile; donc le mariage est étranger à la législation comme au tribunal de l'Eglise; et si quelquefois elle en a connu, ce n'est que par la concession des princes qu'elle en a pu connoître. Ces conséquences vont de droit fil, pour qui a reconnu la définition comme un principe. J'arrête le sophiste à l'entrée de son discours, et je nie que le ma riage soit un contrat civil. Si c'est par les accessoires qui l'accompagnent, et les formes éventuelles dont on le revêt, que vous définissez le mariage, ne contestons pas sur les mots : vous avez droit de l'appeler un contrat civil: mais si, aux termes de la bonne dialectique, yous voulez que votre définition nous explique le fond et les propriétés essentielles de la chose, vous appellerez le mariage, contrat naturel; car c'est de la nature, et non pas de la loi, qu'il tire son être et sa subsistance. Et dans le vrai, pourquoi l'appellerez-vous contrat civil? est-ce parce qu'il se fait entre citoyens, et membres de la société civile? Mais quand je mange, que je bois, que je dois, c'est bien au sein de la société civile que je fais tous ces actes, appelés des oeuvres de la vie naturelle, par opposition aux actes de la vie civile. Direz Vous que, pour être valable et licite, il doit être conforme à la loi civile, et que c'est de là que vous l'appelez contrat civil? Autre erreur; les oeuvres les plus naturelles sont subordonnées à la loi. La loi civile s'empare de la nature entière; il peut y avoir des lois somptuaires sur les jeux, les repas, les vêtemens, la forme des maisons ce n'est donc pas en vertu de sa conformité avec la loi civile, qu'un acte doit être appelé civil, mais par le fond même de son être, s'il existe par la loi, et ne peut exister que par elle. Par exemple, les offices de chambellan, d'écuyer, de page dans le palais, de magistrat et de juge, dans le tribunal; ce sont lå des fonctions civiles, parce qu'elles sont créées par

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la loi civile, et que, hors de la société, on n'en a pas même l'idée..... Qu'on appelle donc le mariage, contrat civil, par allusion aux formes civiles dont il doit être revêtu: mais, par la même raison, on devra l'appeler aussi, avec saint Thomas, contrat naturel, civil et ecclésiastique; car il est régi et gouverné par les lois de la nature, de l'Eglise et de l'Etat. Et ici, il faudra se garder d'une autre erreur, que ces trois dénominations présentent souvent à l'esprit, qui est de se figurer dans le mariage trois contrats différens. La vérité est, qu'il n'y a daus le mariage qu'un seul et unique contrat, qui est le contrat naturel, lequel s'appelle civil et ecclésiastique, quand il est revêtu des formes voulues par la loi de l'Etat et de l'Eglise ».

Nous avons été obligés de tronquer ce morceau, et nous lui avons fait perdre une partie de sa force, en ôtant la liaison des parties; mais peut-être en serat-il resté assez pour qu'on puisse juger la manière de l'auteur, et la clarté avec laquelle il démêle les difficultés. Il n'est pas de ces gens qui, comune disoit d'A guesseau, veulent pous expliquer ce qu'ils ont appris de la veille, et on n'a pas de peine à senur qu'il a long-temps étudié sa matière, et qu'il n'est lumineux que parce qu'il est fort. On fera la même remarque sur une autre question qui n'est pas moins grave, et qui n'a pas été moins obscurcie par l'ignorance ou les préjugés; je veux parler du pouvoir de l'Eglise de faire des lois, et de leur donner toute la publication nécessaire pour qu'elles obligent sans l'in tervention de la puissance civile. Ce passage, qui fait partie de la Dissertation sur le concile de Trente, mérite d'autant mieux d'être cité dans les circonstances actuelles, qu'il rappelle des notions que trop de gens oublient, et qu'il constate des droits contre lesquels

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